samedi 24 juillet 2021

Michel Fano, un chantre de la nature au Festival Messiaen au Pays de La Meije

Michel Fano (né en 1929). Photo : (c) Jean Segura, 2013

Fondé en 1998, le Festival Messiaen au Pays de La Meije célèbre au cœur de l’été le maître de la création musicale contemporaine, Olivier Messiaen, à travers son œuvre, celle de ses disciples et des jeunes générations au pied du sommet qui lui inspira le Livre pour Orgue

Succédant à son fondateur Gaëtan Puaud en 2019, Bruno Messina poursuit la dynamique du Festival Messiaen qui consiste à célébrer l’œuvre du maître et de ses élèves tout en donnant une large place à la création avec une politique de commandes volontariste. Plus d’une quarantaine de partitions sont de l’initiative du festival. Parmi elles, des pages de Gilbert Amy, Franck Bedrossian, George Benjamin, Pierre Boulez, Jean-Luc Hervé, Tristan Murail, Frédéric Pattar… Cette année, deux compositeurs sont à l’honneur, Philippe Manoury, figure centrale de l’édition, et son aîné Michel Fano, homme discret, proche de Pierre Boulez qu’il connut dans la classe d’Olivier Messiaen, compositeur peu prolixe mais au talent universel. Manoury, qui l’admire, dit de lui qu’il a introduit l’opéra dans le cinéma. « J’aime ses documentaires animaliers, la façon dont il y magnifie le son de la nature qui devient avec lui musique. »

Ecrivain - il a entre autres signé avec le poète Pierre-Jean Jouve le remarquable ouvrage sur Alban Berg Wozzeck ou le Nouvel Opéra -, cinéaste proche de la Nouvelle vague - il a notamment réalisé les films animaliers Le Territoire des autres, La Griffe et la Dent, et coproduit Hiroshima mon amour et L’Année dernière à Marienbad d’Alain Resnais -, auteur de musiques de film - Jean-Pierre Mocky, Jean Rouche et surtout Alain Robbe-Grillet initiateur du Nouveau roman -, né à Paris le 9 décembre 1929, tôt épris de musique au contact de la pianiste-pédagogue Blanche Selva, marqué par la découverte Salle Favart de Pelléas et Mélisande de Debussy en 1942, gagnant ses premiers cachets comme pianiste d’Henri Salvador mais avant tout éminent spécialiste du montage son - il dirige pendant sept ans le département Son de la Fémis -, Michel Fano est l’un des adeptes les plus engagés de l’avant-garde. « M’ennuyant dans la classe de Tony Aubin, j’ai voulu entrer dans celle de Messiaen. Je savais où elle était et qu’il enseignait à 16h30… Je m’y rends à l’heure dite, je pousse la porte et j’entends l’ouverture de Don Juan de Mozart merveilleusement jouée par cet homme qui m’est apparu entre deux chandeliers qui éclairaient la partition. Je l’écoute parler de Mozart ; je l’écoute surtout jouer. D’un coup, le voile se déchire et j’ai l’épouvantable impression d’avoir passé 10 ans à ne rien faire, que la musique est là et que c’est un domaine que je ne connais pas. »

Après avoir produit quelques pièces dans les années 1950, dont l’Etude pour 15 instruments qui fit scandale à sa création au Domaine musical, il revient à la composition au tournant des années 2000. « Je n’ai pas beaucoup composé. Le poids de Boulez... A la création de mon Etude, j’avais  25 ans, j’étais malléable. Il m’a fallu tuer le frère aîné. J’ai mis du temps, puisque j’ai dû attendre l’âge de 65 ans pour avoir enfin l’envie profonde d’y retourner. »

Bruno Serrou

23/07-1er/08. www.festival-messiaen.com. Philippe Manoury est présent tout le festival, Michel Fano du 27 au 30/07. A voir Michel Fano : https://entretiens.ina.fr/musiques-memoires/Fano/michel-fano

mardi 20 juillet 2021

Retour festif du Festival Radio France Occitanie Montpellier réduit au silence l’été 2020

Montpellier. Festival Radio France Occitanie Montpellier. Le Corum, Salles Berlioz, Pasteur et Einstein. 15-17 juillet 2021

Après une édition 2020 annulée, Montpellier et la région Occitanie retrouvent en ce mois de juillet 2021 leur festival que René Koering créa avec Radio France en 1985

Le Corum. Salle Berlioz. Photo : (c) Bruno Serrou

Malgré les contraintes sanitaires, le public a assisté en nombre aux premiers concerts de la trente-sixième édition du Festival Radio France Occitanie Montpellier, désormais siglé FROM. Le public est donc là, fourmillant et assidu. « Il n’est pas plus jeune qu’ailleurs, constate Jean-Pierre Rousseau, directeur du festival, mais il se renouvelle davantage et la fréquentation ne cesse d’augmenter, hors contexte covid-19, l’édition 2020 ayant dû être annulée. Le festival avait tendance à exister sur son quant-à-soi, ‘’on est un grand festival, tout le monde doit le savoir’’. En fait nous nous sommes aperçus que ce n’était pas vrai. Du fait-même qu’il n’avait jamais bénéficié vraiment de promotion. Le seul festival à ne pas avoir de publicité sur les antennes de Radio France était précisément le nôtre. A Paris c’était le Festival de Montpellier tandis qu’ici c’est Radio France, les gens viennent à Radio France, comme les Parisiens y vont Quai Kennedy. »

Le Corum. L'entrée de la Salle Berlioz. Photo : (c) Bruno Serrou

Si les foules sont au rendez-vous malgré les distanciations imposées, c’est pour assister à une édition qui se réclame ouvertement festive. « Cette année chaque concert doit être une fête, je le revendique et le martèle, insiste Rousseau. J’ai demandé à tous les artistes de concevoir des programmes autour de ce concept avec des programmes spécialement conçus pour nous. » Cette année, point d’opéras, si ce n’est à la fin de l’édition(1), un opéra de poche pour effectifs réduits. « L’an dernier nous avions prévu deux ouvrages lyriques, rappelle Jean-Pierre Rousseau, mais impossible de reporter d’une année sur l’autre, les artistes n’étant plus disponibles pour l’un, et le second a été annulé en avril, faute de dates pour les répétitions. L’an prochain, deux opéras sont prévus… Ce seront des découvertes…. Et nous préparons d’ores et déjà une édition spéciale pour les quarante ans du festival, en 2025. »

La classe de maître de Michel Dalberto. Photo : (c) Bruno Serrou

Ouverte le 15 juillet, la présente édition propose cent cinquante cinq concerts, dont quarante-trois en région à raison de trois à cinq rendez-vous quotidiens. Beaucoup de piano, jusqu’à une classe de maître master confiée à Michel Dalberto. 

Hervé Niquet et Le Concert Spirituel. Photo : (c) Bruno Serrou

Intitulée « Feux d’artifice », la journée inaugurale a commencé par un concert du Quatuor Hanson dans un somptueux programme courant du XVIIIe au XXIe siècle (Haydn, Bartók, Hosokawa)

Quatuor Hanson. Photo : (c) Bruno Serrou

Suivi d’un tout aussi riche récital de mélodies franco-germaniques interprété avec sensibilité et délicatesse par la soprano Sophie Karthäuser et le pianiste Cédric Tiberghien au toucher délicat, 

Sophie Karthäuser et Cédric Tiberghien. Photo : (c) Bruno Serrou

Pour finir en apothéose avec une longue soirée Haendel proposée par Hervé Niquet et son Concert Spirituel réunissant des pages célèbres mais non sans tunnels, Coronation Anthems, Feux d’artifice royaux et Te Deum de Dettingen

Dmitry Shishkin. Photo : (c) Bruno Serrou

Un programme impressionnant du jeune pianiste russe Dmitry Shishkin attendait le lendemain les festivaliers, 

Michel Dalberto et Renaud Capuçon. Photo (c) Bruno Serrou

Tandis que Renaud Capuçon et Michel Dalberto attiraient la foule des grands soirs, les édiles montpelliérains en tête en rangs serrés, malgré un programme loin du consensus avec de rares sonates de Gabriel Fauré, Edward Elgar et Richard Strauss, dans la grande salle de l’Opéra Berlioz qui a souligné une acidité de la corde de la du violon de Capuçon. 

Marie-Ange Nguci. Photo : (c) Bruno Serrou

Le 16 juillet était une journée pour musiciens remplaçants, les trois solistes prévus ayant fait faux bon, permettant notamment à Marie-Ange Nguci de s’imposer dans un programme requérant un piano ample, coloré, précis.

Bruno Serrou

Jusqu’au 30/07. Rés. : 04.67.02.02.01. lefestival.eu. 1) Denis & Katya de Philip Venables à l’Opéra Comédie 29/07