Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Mardi 17 octobre 2023
Concert de feu hier soir à la
Philharmonie de Paris par le London Symphony Orchestra dirigé avec fougue et
une rectitude rythmique au cordeau par son nouveau directeur musical Antonio
Pappano, dans un programme pourtant traditionnel mené à bâton rompu, le poème
symphonique Also sprach Zarathustra op. 30
de Richard Strauss et la Symphonie n° 7
en la majeur op. 92 de Ludwig van Beethoven qui n’a que peu rarement autant
mérité son surnom d’Apothéose de la danse que lui avait donné Richard Wagner.
C’est avec l’œuvre requérant l’orchestre le plus fourni que le chef italien a choisi d’ouvrir le programme, le Tondichtung « Also sprach Zarathustra » op. 30 que le compositeur bavarois composa et créa en 1896 d’après le roman philosophique éponyme de Friedrich Nietzsche. Dès l’appel solennel rendu célèbre par le cinéaste britannique Stanley Kubrick venu des hautes sphères originelles de l’orgue, trois trompettes et timbales au lustre stupéfiant, le chef italien a captivé l’attention de l’auditeur, le scotchant carrément dans son fauteuil, pour ne plus le lâcher, tant la narration était d’une densité, d’une poésie, d’une chaleur pénétrantes. Commencée avec l’énergie requise et respirant large, il a mené avec son orchestre fascinant de maîtrise, de nuances et de couleurs, avec un sens du théâtre époustouflant trahissant le chef lyrique à l’expérience unique en tant que directeur musical de Covent Garden, le crescendo qui sourd du centre de la terre pour éclater au grand jour et partir en fusion happé par le soleil. Tirant brillamment parti d’un Orchestre Symphonique de Londres stupéfiant de beauté, Pappano a dégagé les lignes de force de ce vaste poème symphonique de trente-cinq minutes, œuvre parmi les plus célèbres de son auteur, cela dès la grandiose introduction symbolisant l’Univers dominé par l’orgue et les trois trompettes, ces dernières d’une beauté, d’une puissance et d’une assurance éblouissantes chez les Berlinois. Le chef et l’orchestre ont tenu en haleine la salle entière trente-cinq minutes durant, rivalisant de virtuosité et d’onirisme, exaltant une polyphonie foisonnante et une orchestration somptueuse de leurs sonorités de braise, la précision de leurs attaques, la fluidité de leurs textures. C’est le souffle coupé que le public a écouté les dernières mesures du Chant du voyageur dans la nuit qui parachève l’œuvre pianissimo.
En seconde partie, l’homme de théâtre qu’est le chef britannique aux origines italiennes Antonio Pappano, qui commença sa carrière comme répétiteur au New York City Opera et fut pendant dix ans directeur musical du Théâtre de La Monnaie de Bruxelles (1992-2002) avant d'occuper les mêmes fonctions au Royal Opera House Covent Garden depuis vingt-et-un ans, a porté son dévolu sur la partition d’orchestre la plus chorégraphique de Ludwig van Beethoven, la Symphonie n° 7 en la majeur op. 92. Achevée en mai 1812, cette œuvre a été créée dix-neuf mois plus tard, le 8 décembre 1813, à l’Université de Vienne, sous la direction du compositeur, à l’occasion d’un concert au profit des soldats autrichiens et bavarois blessés à la bataille de Henau. Le succès fut immédiat, au point que Beethoven a dû reprendre l’Allegretto en son ensemble. Cette réussite n’a pas faibli depuis, et Richard Wagner, grand admirateur de Beethoven, attribuera à la Septième le qualificatif d’« Apothéose de la danse », sans doute parce que, de toutes les symphonies de Beethoven, celle-ci est la plus intensément rythmée. Ce qu’Antonio Pappano, sûr de la virtuosité emplie de panache et de la dextérité analytique des musiciens dont il est le nouveau « boss » mais qu’il connaît bien pour le diriger depuis des années, qualités et qu’il a mises clairement en évidence hier soir, insufflant à l’œuvre une énergie savoureusement festive et débridée, suscitant quarante minutes durant une interprétation vraiment magnétique.
Devant l’enthousiasme enflammé du public, Antonio Pappano et le LSO ont donné en bis une page d’orchestre de musique française, la Pavane en la dièse majeur op. 50 (1887) de Gabriel Fauré.
Bruno Serrou
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire