Paris. Théâtre des Champs-Elysées. Lundi 9 octobre 2023
En ouverture de sa saison lyrique
2023-2024, le Théâtre des Champs-Elysées propose un spectacle judicieusement
ludique et d’humeur farceuse avec une Cenerentola de Gioacchino Rossini
particulièrement inventive et pétillante dans la mise en scène habile de Domiano
Michielotti et dirigée avec entrain et flamboyance par Thomas Hengelbrock dans
une mise en scène habile de Domiano Michieletto, huée pour des raisons peu
évidentes.
Gioacchino Rossini est après Mozart l’un des compositeurs les plus délicats et les plus piquants de l’histoire de la musique. Comme nuls autres, ils savent tous les deux savent ménager l’élan et l’humour tout en subtilité et en acuité. Dramma giocoso (drame joyeux) composé pour la Carnaval romain de 1817, la Cenerentola est un pur joyau, tant sur le plan philosophique que musical, à l’orchestre comme au chant. Ce que propose me Théâtre des Champs-Elysées sert à la perfection ce pur joyau.
Le metteur en scène italien propose une Cenrentola plaine de fantaisie, de tendresse et d’esprit, se plaisant à en souligner les aspects comiques, le merveilleux et la portée. Plaçant l’action dans une ingénieuse et rutilante scénographie de Paolo Fantin, commençant et se terminant dans le self-service de grande entreprise situe en rez-de-chaussée avant de se développer au sous-sol dans une salle à manger cossue réservée aux cadres et d’y revenir à la fin, Domiano Michieletto fait de Cendrillon une employée de cantine martyrisée par sa famille qui la juge tout juste bonne à nettoyer les latrines sous les injonctions de son père adoptif alcoolique, Don Magnifico, qui passe son temps à somnoler sur la caisse enregistreuse, et de ses deux demi-sœurs qui ne cessent de se servir dans ladite caisse, accusant Cendrillon de leurs larcins. Le metteur en scène fait d’Alidoro, Monsieur Loyal mi ange mi fée, le personnage-clef de son propos. Tout de blanc vêtu, tel un clown-blanc sans les excès du maquillage, le rôle est puissamment campé par la basse grecque Alexandros Stavrakakis. Véritable ange gardien qui, descendant littéralement du ciel, c’est lui qui déplace l’action des murs froids d’une cantine aux murs au carrelage clinique dans une pièce opulente de château contemporain où le champagne coule à flot et les cocktails sont servis par des serveuses en tenue. Quantité de surprises attendent le spectateur, comme Alidoro qui descend du ciel envoyant des flèches de Cupidon dans le coeur de d'Angelina/Cenerentola, oi celui où il emballe en courant le sextuor vocal dans un film alimentaire ou encore quand le carosse/BMW 525 rutilant immatriculé à Berlin (B.TCE.23) du prince conduite par le valet se crashe violemment en faisant exploser le mur de la cantine, le soulier de vair étant quant à lui devenu bracelet de brillants bling-bling.
Outre Alexandros Stavrakakis déjà évoqué, la distribution est sans faille,
excellant autant dans le chant que dans le théâtre. A commencer par le
rôle-titre confié à une merveilleuse Marina Viotti, fille du chef d’orchestre
suisse Marcello Viotti (1954-2005) et sœur de Lorenzo Viotti, autre chef
d’orchestre, touchante de naïveté et de bienveillance, timbre délicieusement
brûlant d’une voix lumineuse, colorée et incroyablement souple capable de
toutes les prouesses techniques et expressives, du susurré jusqu’au cri, la
mezzo-soprano franco-suisse éblouit dans ce rôle qu’elle a fait sien, se
métamorphosant avec grand naturel de souillon en pimpante femme du monde. Don
Ramiro, faux valet vrai prince, est campé avec vaillance par le robuste ténor
sud-africain Levy Sekgapane à la voix limpide, tandis qu’Edward Nelson, vrai
valet faux prince, est un Dandini classieux à la voix suave et sûre, et Peter
Kalman, désopilant et agressif, excelle en père tortionnaire. Enfin, les deux soeurs indélicates et jalouses, elles sont excellemment campées par la soprano italienne Alice Rossi et la mezzo-soprano polonaise Justyna Olow. Fort homogène, le
Chœur d’hommes Balthasar Neumann excellents, participent et commentent l’action
en véritable protagoniste.
Dans la fosse, tout Rossini est là, du début à la fin. Jouant sur des instruments d’époque, l’Orchestre Balthasar Neumann dirigé par son fondateur, Thomas Hengelbrock, se régale des délicieuses sucreries ménagées par Rossini dans cette partition jouée dans l’édition critique d’Alberto Zedda, se faisant constamment fluide et coloré, répondant avec brio aux moindres sollicitations du chef allemand, violoniste de formation qui se plaît dans tous les répertoires sans exception avec un égal bonheur mais avec une prédilection pour l’époque baroque, qui mène rondement le propos avec infiniment de nuances, de précision, de rythme, emportant le plateau avec énergie et souplesse dans une musicalité et une fraîcheur exquise qui participent pleinement à la théâtralité de la mise scène, tant l’entente entre la fosse et le plateau est totale.
Bruno Serrou
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