mercredi 6 décembre 2023

L’Opéra de Lyon a donné en concert à Paris, Théâtre des Champs-Elysées, une effervescente Adriana Lecouvreur de Cilèa

Paris. Théâtre des Champs-Elysées. Mardi 5 décembre 2023 

Daniele Rustioni. Photo : (c) Opéra national de Lyon

Le chœur et l’orchestre de l’Opéra national de Lyon et son excellent directeur musical Daniele Rustioni, ont donné dans un Théâtre des Champs-Elysées comble (en attendant la production en janvier de l’Opéra de Paris (1)) une brûlante version concert d’Adriana Lecouvreur de Francesco Cilèa, auteur d’une musique taillée à la serpe, brute de fonderie, avec de rares plages raffinées, avec de brillants solides et une brillante distribution. 

Francesco Cilèa, Adriana Lecouvreur. Solistes, Orchestre et Choeur de l'Opéra national de Lyon. Photo : (c) Bruno Serrou

Malgré son renom, Adriana Lecouvreur de Francesco Cilèa (1866-1950) n’est pas des plus courus en France. C’est pourtant grâce à ce seul ouvrage que ce contemporain de Pietro Mascagni et de Ruggero Leoncavallo s’est maintenu. Inspiré du drame d’Eugène Scribe et Ernest Legouvé Adrienne Lecouvreur, le livret d’Arturo Colautti est tiré d’un fait réel qui opposa la princesse de Bouillon et la tragédienne Adrienne Lecouvreur admirée par Voltaire, qui en fit l’une de ses interprètes favorites et avec qui il entretint une relation amoureuse. Elle eut également une liaison avec Maurice de Saxe, maréchal de France. Mais en 1730 sa santé vacilla soudain. C’est alors que le bruit courut de son empoisonnement par la duchesse de Bouillon, elle-même éprise du maréchal.

Francesco Cilèa, Adriana Lecouvreur. Tamara Wilson (Adriana), Orchestre et Choeur de l'Opéra national de Lyon. Photo : (c) Bruno Serrou

C’est cette rivalité entre une princesse et une tragédienne pour l’amour d’un maréchal, et la mort de la seconde après avoir inhalé les parfums d’un bouquet de violettes empoisonné offert par la seconde qui sont au centre de l’opéra de Cilèa. Créé à Milan en 1902 par Angelica Pandolfini dans le rôle-titre, Enrico Caruso dans celui de Maurizio, et Giuseppe De Luca en Michonnet, ce dernier étant l’un des régisseurs du Théâtre Français secrètement épris de la tragédienne, l’ouvrage connut un succès rapide. Théâtre dans le théâtre, l’action est en effet efficace et il a inspiré au compositeur une musique brillante, souvent très sonore, et d’une évidente facilité, autant d’écriture que d’écoute.

Francesco Cilèa, Adriana Lecouvreur. Solistes, Orchestre et Choeur de l'Opéra national de Lyon. Photo : (c) Bruno Serrou

Deux jours après une première exécution sur le plateau de l’Opéra de Lyon, les forces musicales de la scène lyrique nationale rhodanienne se sont imposées devant la salle archi-comble et concentrée du Théâtre des Champs-Elysées d’un public qui a clairement apprécié un staff de qualité, deux mois avant les représentations scéniques  programmées à l’Opéra de Paris-Bastille (1). La soprano états-unienne Tamara Wlson, qui vient de chanter la princesse Turandot de l’opéra de Puccini à l’Opéra de Paris et que l’on retrouvera en ce même théâtre dans Beatrice di Tenda de Bellini (2), campe une Adriana ardente aux aigus rayonnants, ne forçant jamais sa voix et attestant d’une musicalité constante. La mezzo-soprano languedocienne Clémentine Margaine, qui retrouvera le rôle à l’Opéra de Paris, est une Princesse de Bouillon fielleuse à souhait rivalisant avec l’héroïne autant dans l’intrigue amoureuse que vocalement par sa plénitude et ses sombres colorations. Entre elles deux, le ténor états-unien Brian Jagde, le Calaf de Tamara Wilson à Bastille, est un Maurizio solide pourvu d’un large nuancier, sa voix rayonnant sans forcer. Le baryton géorgien Misha Kiria incarne un touchant Michonnet. La basse italienne Maurizio Muraro est un Prince de Bouillon vénérable. Les rôles secondaires étaient parfaitement tenus par des solistes de l’Opéra de Lyon Studio et du Chœur du théâtre lyonnais. Sous la direction enthousiaste et idiomatique du chef italien Daniele Rustoni, son directeur musical attentif à l’expression du chant et jouant d’un nuancier ingénieux tout en encourageant son orchestre dans la vigueur sonore heureusement non dénué de nuances, l’Orchestre de l’Opéra de Lyon et ses pupitres solistes (harpe, clarinette, cor anglais, cuivres, violon, alto, violoncelle, contrebasse) a efficacement contrôlé la véhémence de l’orchestration de Cilèa, qui ne fait pas dans la dentelle.

Bruno Serrou

1) Du 16 janvier au 7 février 2024. - 2) Du 9 février au 7 mars 2024 

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