dimanche 17 décembre 2023

Eblouissant «Elias» de Felix Mendelssohn-Bartholdy, énergique et fervent, de Raphaël Pichon et son ensemble Pygmalion avec un impressionnant Stéphane Degout

Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Vendredi 15 décembre 2023 

Raphaël Pichon. Photo : DR

La musique religieuse chez Felix Mendelssohn-Bartholdy occupe une place importante, dont la part la plus célèbre sont les oratorios Paulus et surtout Elias. C’est ce dernier qu’a donné l’ensemble Pygmalion sous la direction magistrale de son directeur fondateur Raphaël Pichon pour l’ultime concert classique de l’année 2023 à la Philharmonie de Paris 

Solistes, Raphaël Pichon, orchestre et choeur Pygmalion. Photo : (c) Bruno Serro

Tandis que l’Opéra de Lyon s’apprête à donner une adaptation scénique (1) de l’oratorio Elias, chef-d’œuvre d’inspiration biblique de Félix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847), dans une mise en scène de Calixto Bieito, la Philharmonie de Paris vient de proposer une admirable interprétation de cette même partition sous sa forme originelle d’oratorio pour lequel le compositeur allemand a puisé la source dans l’Ancien Testament. L’on sait combien la musique de Jean-Sébastien Bach est redevable à ce dernier, qui a été l’un des principaux acteurs de la redécouverte de la création du cantor de Leipzig dont il a redonné de nombreuses œuvres, parmi lesquelles la Passion selon saint Matthieu, et reprit le flambeau dans l’art du contrepoint qu’il a su renouveler. Composé dix ans après son premier oratorio, Paulus, op. 36 (1834-1836), Elias, op. 70 (MWV A 25) est le volet central d’un triptyque qui devait se conclure par un Christus entrepris en 1847 et resté inachevé à la mort de son auteur. Composé dans la fièvre au début de l’été 1846, créé en anglais au Festival de Birmingham le 26 août 1846 sous le titre Elijah, avant que Mendelssohn en révise la partition pour une exécution à Londres le 18 avril 1847 - la version allemande est donnée à Berlin le 9 octobre suivant en l’absence du compositeur -, Elias (Elie) illustre le récit biblique tiré du premier Livre des Rois ainsi que de passages des Livre d’Esaïe et des Psaumes consacré à ce personnage zélé, fougueux, haut en couleur qui, tout au long de l’oratorio, acquiert à la fois la connaissance de sa propre personne et de son Créateur. L’œuvre, qui se concentre sur la lutte entre le prophète, le roi Achab et son épouse Jézabel, opposant son Dieu, Jéhovah, au dieu Baal vénéré par le couple royal, s’ouvre sur la prophétie de famine et de sècheresse faite par Elias, suivie des lamentations du peuple, le départ du prophète, la résurrection du fils de la veuve de la ville phénicienne de Sarepta, la destruction des prophètes de Baal, l’évocation du nuage miraculeux porteur de pluie qui suscite un chœur d’action de grâces, tandis que la seconde partie décrit la fuite d’Elie, son enlèvement au ciel et l’annonce de la venue du Messie. Le rôle-titre est le seul personnage de l’œuvre précisément associé à une voix, celle de la basse, les autres solistes et le chœur assurant quant à eux plusieurs rôles qui n’ont pas toujours d’identité définie : la contralto est simultanément l’Ange, la reine Jézabel et quelques caractères anonymes, les deux sopranos se partagent les rôles de la Veuve et deux autres Anges, et le ténor est tour à tour le prophète Abdias et le septième roi d’Israël Achab, enfin le chœur, qui représente le peuple se voit aussi confiée la méditation collective des croyants.
Stéphane Degout, orchestre et choeur Pygmalion. Photo : (c) Bruno Serrou

Construit en deux parties et quarante-deux numéros enchaînant chœurs, récitatifs et arie, l’oratorio rend clairement hommage à Johann Sebastian Bach ainsi que de Georg Friedrich Haendel ainsi que de Joseph Haydn, trois compositeurs dont Mendelssohn se plaisait à diriger les œuvres, tout en étant profondément imprégné du romantisme de son temps, avec un orchestre foisonnant, coloré, énergique, véritable acteur voire instigateur de la narration. Chœur, admirable de cohésion, et orchestre Pygmalion, impressionnant de justesse et de précision, ont confirmé dans l’exécution de cette grande partition leurs immenses qualités de son (moelleux, charnu, luxuriant, ample, miroitant, coloré, brûlant, plein de vie), d’homogénéité, d’unité, de sûreté technique, d’allant, de virtuosité, les deux éléments réunis (chœur et orchestre) constituant un véritable entité ayant l’habitude de se produire ensemble avec les mêmes motivations, les mêmes objectifs sous la houlette d’un très grand musicien au charisme évident, Raphaël Pichon. Ainsi, cet Elias de Mendelssohn aura connu ce pénultième vendredi de l’Avent une exécution éblouissante sous la direction magistrale, fervente et polychrome du directeur fondateur de Pygmalion à la tête de son remarquable ensemble Pygmalion, enrichi d’une brillante distribution. Dans le rôle-titre, campant un fougueux prophète, l’impressionnant Stéphane Degout, fabuleux d’engagement, de puissance, de caractérisation, de la colère la plus vindicative à la foi la plus humble et profonde. A ses côtés, une équipe de jeunes chanteurs à sa hauteur et fort cohérente, constituée des brillantes sopranos australienne Siobhan Stagg (Veuve et Ange I) et française Julie Roset (l’Enfant), mezzo-soprano canado-macédonienne Ema Nikolovska (Ange II et Reine Jézabel), et le solide ténor néo-zélandais Thomas Atkins (Roi Achab et Prophète Abdias), à qui il convient d’associer des chanteurs solistes venus du chœur Pygmalion qui ont eux aussi amplement participé à la réussite de cette mémorable soirée.

Raphaël Pichon, solistes, orchestre et choeur Pygmalion. Photo : (c) Bruno Serrou

Néanmoins, en guise de conclusion, une remarque en forme de question : pourquoi les ensembles dits «historiquement informés» jouent-ils la musique allemande avec un effectif de cordes distribué à l'états-unienne, comme le font de plus en plus de phalanges symphoniques dits «modernes»  (violons 1 et 2 côte-à-côte) et non pas selon la tradition européeenne, paticulièrement germanique, premiers et seconds violons séparés par altos et violoncelles ou par violoncelles et altos, ce qui, à l'écoute des parties de violons d'Elias où violons I et II se répondent ou se font échos les uns les autres ?... La réponse type «chacun faisaitt ce qu'il voulait» n'est ni suffisante ni satisfaisante.  

Bruno Serrou 

1) Du 17 décembre au 1er janvier

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