jeudi 30 mars 2023

Dirigé par Xu Zhong, l’Orchestre de Paris a loué le génie musical de l’empire des Habsbourg via la focale chinoise

Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Mercredi 29 mars 2023

Xu Zhong, Mairead Hickey (violon solo invitée), Orchestre de Paris. Photo : (c) Bruno Serrou

Le chef invité, le Chinois Xu Zhong, a dédié les deux concerts de l’Orchestre de Paris qu’il a dirigés cette semaine à son ami Nicholas Angelich disparu le 18 avril dernier avec qui il entretenait une profonde amitié.

Jieni Wan, Nathalia Milstein, Orchestre de Paris. Photo : (c) Bruno Serrou

Pianiste, chef d’orchestre et compositeur, Président de l’Opéra de Shanghai, directeur musical de l’Orchestre Symphonique de Suzhou, entre autres, Xu Zhong a été l’élève du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris, où il est entré à l’âge de seize ans et a étudié la direction et le piano dans la classe de Dominique Merlet.

Jieni Wan, Nathalia Milstein, Orchestre de Paris. Photo : (c) Bruno Serrou

Le programme était introduit par une œuvre dense et flatteuse, emplie de sonorités extrêmes orientales associées aux procédés d’écriture de la musique contemporaine occidentale, avec stridences et effets comme bruits blancs et « pizz. Bartók » (ou pizzicati claqués) Wu Xing (Les Cinq Éléments), commande de Radio France en 1999 pour la collection vouée à la création contemporaine Alla breve diffusée sur France Musique d’un autre Chinois de Shanghai, Qigang Chen (né en 1951). La partie concertante était consacrée au court et lumineux Concerto n° 10 pour deux pianos et orchestre en mi bémol majeur KV. 365 (316a) que Mozart composa à 23 ans interprété par la Taïwanaise formée au conservatoire de Shanghai (Chine) Jieni Wan associée ici à la pianiste lyonnaise d’origine russe Nathalia Milstein, élève de Nelson Goerner, qui en ont donné une lecture claire et jubilatoire, mettant bien en valeur le jeu de questions réponses passant d’un clavier à l’autre, tout en donnant l’impression qu’il s’agissait d’un unique instrument. Les deux musiciennes ont donné en bis une Danse slave op. 72/2 pour piano à quatre mains d'Antonin Dvořák, formant ainsi un point avec la seconde partie du concert

Xu Zhong, Ochestre de Paris. Photo : (c) Bruno Serrou

Mais l’œuvre principale de la soirée était la Symphonie n° 9 en mi mineur « Du Nouveau Monde » op. 95 B. 178 d’Antonin Dvořák. Installé à New York en 1892 à l’invitation d’une riche mécène, Mrs Jeannette M. Thurber (1850-1946), pour y ériger une école musicale états-unienne en lui confiant les rênes du Conservatoire national de Musique d'Amérique qu'elle avait fondé en 1885, Dvořák envoie à ses amis restés dans sa terre natale une symphonie, sa neuvième, qu’il leur adresse depuis le « Nouveau Monde », l’Amérique. Mais il y chante davantage sa nostalgie du pays, faisant de thèmes du Far West, de gospels et de chants peaux-rouges inspirés des lectures du poète Henry Longfellow (1807-1882), notamment le Chant de Hiawatha exposé par le cor anglais dans le célèbre Largo, qu’il a en fait inventés de toute pièce, élevant ainsi un hymne immensément mélancolique à sa terre natale, la Bohême. Ecrite durant les cinq premiers mois de 1893, créée le 15 décembre de la même année au Carnegie Hall de New York sous la direction d’Anton Seidl avec un immense succès, l’œuvre, aujourd’hui l’une des symphonies les plus célèbres du répertoire, doit en fait autant à l’Amérique du Nord qu’à l’Europe Centrale. Techniquement impeccable de la part de l’Orchestre de Paris aux pupitres rutilants, l’exécution de l’œuvre, sous l’impulsion de Xu Zhong, s’est avérée pesante, guère évocatrice, dénuée de nostalgie, sans véritable élan, mais heureusement des rais de lumière ont émergé de l’orchestre, particulièrement des pupitres des bois (cor anglais, clarinette, hautbois, flûte, basson solos) et des altos.

Bruno Serrou 

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