mercredi 8 mars 2023

CD : Captivante intégrale des Impromptus pour piano de Frédéric Chopin et de Gabriel Fauré par Ismaël Margain

Né à Sarlat en 1992, vainqueur des concours de la Société des Arts de Genève, artiste associé à la Fondation Singer Polignac, élève de Vahan Mardirossian, de Jacques Rouvier, du regretté Nicholas Angelich, de Roger Muraro et de Michel Dalberto, Ismaël Margain réunit pour son premier disque pour le label Naïve deux des trois compositeurs les plus marquants s’étant exprimés à travers l’impromptu pour piano, Frédéric Chopin et Gabriel Fauré, qui, après Franz Schubert en 1827, ont porté haut ce genre libre d’essence éminemment romantique, son caractère semi improvisé ouvrant au lyrisme et à une virtuosité retenues.

Cas exceptionnel pour le genre qui privilégie le piano pour être relevé, l’Impromptu op. 36 de Fauré a initialement été composé pour harpe en 1904 avant qu’Alfred Cortot le transcrive pour le piano et le publie en 1913. Chopin écrivit ses trois Impromptus et sa Fantaisie-Impromptu entre 1834 et 1842, Fauré les six siens entre 1881 et 1909. Camille Saint-Saëns créa les trois premiers impromptus de Fauré, en 1882 pour le mi bémol majeur op. 25 et 1885 pour les deux autres, fa mineur op. 31 et la bémol majeur op. 34, Marguerite Long le cinquième en fa dièse mineur op. 102, en 1909.

Tout en préservant avec attention et sensibilité la spécificité de chacun, Ismaël Margain éclaire la parenté entre leurs styles et leur inspiration, organisant la diversité des atmosphères en prenant le soin d’alterner les compositeurs autour de tonalités similaires. « Il existe une parenté évidente entre leurs écritures, dans l’improvisation, écrit le pianiste dans la pochette de son disque. Les impromptus de Fauré m’évoquent bien plus Chopin que Schubert, dans leur écriture comme dans leur forme, musicale assez structurée et la spontanéité que suggère la notion-même d’impromptu. »

Les trois premiers impromptus de Fauré sont proches du langage de Chopin, qui imprégnait alors la création pianistique à la même époque la création du cadet au point de puiser les titres de ses œuvres dans le catalogue de son aîné, égrenant nocturnes, préludes, barcarolles, mazurkas, ballade… A l’écoute de ce disque, l’auditeur perd toute notion de temps et d’époque, la chronologie s’estompant rapidement tant le parcours est rationnel et le discours équilibré, au point que l’oreille se laisse volontiers séduire et vagabonder au fil de l’écoute. Pourtant, l’interprète ne cherche aucunement à brouiller les pistes, n’annihilant ni même n’amoindrissant à aucun moment styles et époques de chacune des pièces et de chacun des compositeurs. Nulle lassitude ne point, les quatorze œuvres, aussi brèves soient-elles - la plus courte, l’Invention de Fauré, durant une minute et quarante-sept seconde, la plus longue, l’Impromptu op. 86 de Fauré, se déployant sur huit minutes et quarante-neuf secondes -, dessinant de son touché solaire des paysages d’un onirisme simple et profond empli de sortilèges mélodiques et sonores exaltés par un Ismaël Margain véritable peintre-magicien-poète qui brosse une ode au lyrisme évocateur baignée de nostalgie, de tendres effusions, d’ardente luminosité.

L’album Impromptus se termine comme il a commencé, sur Fauré, mais non pas sur un impromptu, mais sur l’Improvisation en ut dièse mineur op. 84/5, avant de conclure sur une autre Improvisation, cette fois du pianiste-même à partir de la Berceuse en ré bémol majeur op. 57 de Chopin - la pénultième plage du CD -, dans lequel Ismaël Margain reprend des matériaux des pièces de son programme.

Bruno Serrou

1 CD Naïve V7860. Durée : 59mn 21s. Enregistré du 13 au 17 février 2021 en l'hôtel de la Fondation Singer-Polignac à Paris. DDD

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