mardi 25 novembre 2025

Création française captivante de «Orgia», huis clos tragique d’Hèctor Parra et Calixto Bieito d’après Pier Paolo Pasolini

Paris. Philharmonie. Cité de la Musique. Salle des Concerts. Samedi 22 novembre 2025 (20h00) 

Hèctor Parra (*1976), Orgia. Leigh Melrose (Uomo), Jenny Daviet (Ragazza), Claudia Bayle (Donna)
Pierre Bleuse, Ensemble Intercontemporain
Photo : (c) Anne-Elise Grosbois

La seconde partie de soirée de l’Ensemble Intercontemporain samedi 22 novembre 2025 à la Cité de la Musique de la Philharmonie de Paris, était consacrée à la première française du quatrième opéra d’Hèctor Parra, « Orgia » (2022) d’après la tragédie éponyme de Pier Paolo Pasolini dont le texte écrit entre 1965 et 1968 a été fidèlement adapté en italien par Calixto Bieito, qui en signe également la mise en scène 

Hèctor Parra (*1976), Orgia. Claudia Bayle (Donna), Leigh Melrose (Uomo)
Pierre Bleuse, Ensemble Intercontemporain
Photo : (c) Anne-Elise Grosbois

Créée le 22 juin 2023 au Teatro Arriaga de Bilbao par l’Ensemble Intercontemporain dirigé par Pierre Bleuse, Orgia est une œuvre d’une force extraordinaire, se présentant tel un coup de poing dans l’estomac, commençant par le suicide par pendaison du protagoniste mâle, Uomo (baryton), après s’être habillé en femme conscient de son homosexualité, l’opéra se présentant sous forme de flashback faisant revivre à l’Homme son existence compliquée face à deux Femmes (Donna, sa femme, et Ragazza, fille au sens fille de joie), toutes deux sopranos avec qui il aura instauré des relations pour le moins tendues et autodestructrices, le thème de la pièce annonçant celui du film Salo ou les 120 Journées de Sodome sorti en salle en 1975, l’année de la mort de son auteur. « Dans le cas qui nous occupe, écrivait Pasolini à propos d’Orgia, c’est la différence “sexuelle” qui a ouvert une brèche dans les murs de la cité. Le sexe - sous son aspect de “différence” sadomasochiste -, ne représente donc que quantitativement le contenu d’Orgia. Il faut en effet beaucoup de ce mélange explosif pour faire s’écrouler les épais murs d’une cité qui, pour les protagonistes de la pièce, est majorité et conformisme. »

Hèctor Parra (*1976), Orgia. Vue d'ensemble. Leigh Melrose (Uomo), Claudia Bayle (Donna)
Pierre Bleuse, Ensemble Intercontemporain
Photo : (c) Anne-Elise Grosbois

Voilà plus d’une décennie que la tragédie de Pier Paolo Pasolini (1922-1975) préoccupe Hèctor Parra (né en 1976), qui, en 2016-2017, conçut l'opéra donné samedi à Paris à partir du texte du poète italien Orgia - irrisorio alito d’aria (Orgie - souffle d’air dérisoire) pour orchestre baroque et ensemble contemporain créé à Cologne le 11 mai 2018 par Concerto Köln et Musikfabrik dirigés par Stefan Asbury. « A la lecture d’Orgia j’ai été littéralement ébloui, rappelle le compositeur au magazine culturel Transfuge. J’ai aussitôt pensé en faire un opéra, seulement, à l’époque, je n’avais pas les droits. C’est pourquoi j’ai écrit ma pièce d’orchestre qui, en une demi-heure traverse la pièce entière. Je m’y réfère à la Johannes Passion de Bach, parce que la pièce a une dimension christique. […] Toujours à l’esprit le désire de concevoir cet opéra, j’ai composé le quatuor à cordes Un concertino di angeli contro le pareti del mio cranio (1) créé à Cologne en 2021 à partir du quatrième épisode d’Orgia. » Le compositeur catalan a confié la conception du livret à Calixto Bieito, avec qui il collaborait ici pour la troisième fois, après Wilde en 2015 et Les Bienveillantes en 2019. Le dramaturge castillan a repris les vers de Pasolini sans les altérer, se bornant à resserrer l’action selon le scénario d’origine, prologue et six épisodes inclus.

Hèctor Parra (*1976), Orgia. Pierre Bleuse
Photo : (c) Anne-Elise Grosbois

La réalisation musicale d’Hèctor Parra est exemplaire, l’expressivité déchirante, hallucinée, d’un lyrisme envoûtant. Le traitement vocal est extrêmement large (du parlé-chanté à l’aria en passant par le semi-récité et le chant lyrique extrêmement rythmé et le texte toujours compréhensible, avec un usage raffiné du falcetto et du cri, une écriture d’une créativité mélodique et rythmique peu ordinaire), l’écriture vocale étant dynamique, nerveuse, à l’instar de la langue de Pasolini, qui s’inspire de la tragédie grecque d’essence éminemment onirique. Côté instrumental, le petit ensemble de pupitres par un sans cor, constitué de quatorze musiciens (dont un archiluth) (2), sonne ample et coloré comme s’il s’agissait d’un grand orchestre aux voix multiples d’une limpidité exemplaire qui s’avère être le protagoniste central de l’opéra, Pierre Bleuse, au centre du dispositif, en soulignant avec la conviction de la passion le lyrisme exacerbé qui tétanise l’assistance, tout en dirigeant avec élégance et énergie un Ensemble intercontemporain sonnant vaillamment réparti en trois groupes, le décor derrière lui constitué d’un grand lit blanc et la corde du pendu au fond du dispositif, le trio de chanteurs s’exprimant sur les accessoires et entourés des spectateurs, s’illustrant autant comme comédiens que chanteurs, public d’abord debout, puis s’asseyant peu à peu assis, certains finissant allongés, se présentant ainsi comme autant de protagonistes, d’obstacles et de « mobiliers » autour desquels les personnages se meuvent.

Hèctor Parra (*1976), Orgia. Leigh Melrose (Uomo), Claudia Bayle (Donna)
Rafael Arjona Ruz (archiluth)
Photo : (c) Anne-Elise Grosbois

Pendu habillé en femme, le vaillant baryton britannique Leigh Melrose s’impose dès le début à la fois vocalement, de sa voix puissante au timbre sombre, et par sa façon de vivre sa mort choisie après qu’il eût découvert son homosexualité, s’agitant au bout d’une corde pendu au-dessus du vide toute la durée du macabre prologue au cours duquel, habillé en femme, il s’adresse au public et l’invite au spectacle, avant d’en descendre pour rejoindre dans le lit Donna, son épouse vêtue de la même robe que lui, campée par l’excellente soprano irlandaise Claudia Boyle qui, par sa vocalité d’une agilité singulière, s’illustre dans le conflit avec son mari, enfermée comme lui dans sa propre solitude avec pour seul lien commun une relation d’essence sadomasochiste dont l’apnée est l’évocation de l’infanticide, qui conduit dans l’épisode V à l’apparition d’une jeune prostituée, personnage tenu par la soprano française Jenny Daviet - qui avait chanté trois heures plus tôt la Sequenza III de Luciano Berio (voir https://brunoserrou.blogspot.com/2025/11/berio-100-les-solistes-de-lensemble.html) -, qui échappe à la folie meurtrière de l’Homme, ce dernier finissant par accueillir la mort avec jubilation.

Bruno Serrou

1) Un petit concert d’anges contre les parois de mon crâne, traduction française du titre italien du Quatuor à cordes n° 4 d’Hèctor Parra composé en 2020

2) flûte (aussi piccolo), hautbois (aussi cor anglais), clarinette (aussi clarinette basse), basson (aussi contrebasson), trompette, trombone, percussion, harpe, archiluth, deux violons, alto, violoncelle, contrebasse

 

lundi 24 novembre 2025

Berio 100 : Les solistes de l’Ensemble Intercontemporain et Calixto Bieito ont célébré Luciano Berio avec six de ses quatorze « Sequenze »

Paris. Philharmonie. Cité de la Musique. Salle des Concerts. Samedi 22 novembre 2025 (17h30)

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Nicolas Crosse, Hidéki Nagano, Philippe Grauvagel, Jenny Daviet, Jeanne-Marie Conquer, Lucas Ounissi
Photo : (c) Quentin Chevrier

Offerte par l’Ensemble Intercontermporain, la soirée de samedi 22 novembre comptait deux parties. La première était consacrée au centenaire de Luciano Berio avec six de ses quatorze Sequenze, animées par le metteur en scène Calixto Bieito qui a dispersé dans l’espace de la Salle des Concerts de la Cité de la Musique et éclairant poétiquement les solistes de l'EIC s’exprimant au milieu d’un public déambulant au parterre, les pièces étant données dans le désordre, la Sequenza III pour voix de femme par Jenny Daviet très en verve, la Sequenza IV pour piano par Hidéki Nagano, Sequenza V pour trombone par Lucas Ounissi, Sequenza VII pour hautbois par Philippe Grauvagel, Sequenza VIII pour violon par Jeanne-Marie Conquer et Sequenza XIVb pour contrebasse par Nicolas Crosse

Nicolas Crosse, Hidéki Nagano, Philippe Grauvagel, Jenny Daviet, Jeanne-Marie Conquer, Lucas Ounissi, Calixto Bieito
Photo : (c) Quentin Chevrier

Composées entre 1958 et 2003, les Sequenze ont accompagné quasi toute la vie créatrice de Luciano Berio (1925-2003). Il s’agit de pièces virtuoses pour instruments solistes qui, vingt-deux ans après la mort de leur auteur, constituent des pièces centrales du répertoire du XXe siècle pour les solistes virtuoses du XXIe siècle. Elaborée en association avec son interprète destinataire, chaque Sequenza, fruit de l’association du compositeur et du soliste, est comme un portrait-sculpture de l’instrumentiste et se réfère à l’histoire de son instrument et de son répertoire, tout en attestant de l’évolution du langage du compositeur ainsi que ses préoccupations musicales et techniques du temps de la gestation des pièces qui explorent toutes les limites de la virtuosité, chacune étant précédée d’un texte du poète Edoardo Sanguinetti, proche ami et collaborateur de Berio, intitulé « Incipit sequentia sequentiarum, quae est musica misicarum secundum lucianum » (« Commencement à la séquence des séquences, qui est la musique des musiques selon Luciano »). 

Jenny Daviet
Photo : (c) Quentin Chevrier

Les quatorze Sequenze sont autant de chefs-d’œuvre miniatures, chacune repoussant les limites expressives et techniques de l’instrument choisi, en explore la matière sonore, en réinvente le langage, plongeant ainsi l’auditeur dans une sorte de transe acoustique par immersion totale dans la texture-même du son, sa vibration, sa résonance. Pour le compositeur italien, il s’agissait de « processus d’assimilation, de transformation  et de dépassement des aspects instrumentaux traditionnels » visant à « préciser et développer mélodiquement un discours harmonique entre le virtuose et son instrument » et de repousser les limites de ce dernier. Au total, ce sont quatorze Sequenze qui sont nées de l’imagination du maître italien, son cursus commençant par une œuvre ouverte avec notation proportionnelle, la Sequenza I pour flûte écrit en 1958 pour le flûtiste Severino Gazzelloni qui fait de l’instrument monodique un instrument polyphonique grâce à la vélocité du jeu, aux sauts de registres et aux modifications de timbres et d’articulations. Suit en 1963 la Sequenza II pour harpe, tandis que la série se clôt en 2003 peu avant le décès de Luciano Berio, sur la Sequenza XIVb, adaptation pour contrebasse de la Sequenza XIV pour violoncelle de 2002, avec dans l’intervalle des Sequenze pour voix de femme (1966), pour piano (1966), pour trombone (1966), pour alto (1967), pour hautbois (1969), pour violon (1975), pour clarinette (1980) ou saxophone alto (1981) ou saxophone soprano (1995), pour trompette (1984), pour guitare (1988), pour basson (1993-1995), pour accordéon (1996), l’ensemble formant une somme d’une durée totale de quelques cent cinquante minutes.

Hidéki Nagano
Photo : (c) Quentin Chevrier

Ces œuvres d’essence théâtrale, ont donné l’idée à Pierre Bleuse d’intégrer une partie des Sequenze dans le cadre de la série qu’il a initiée à son entrée en fonction de directeur musical de la formation fondée par Pierre Boulez, « EIC & Friends », l’Intercontemporain en ayant gravé pour DG la première intégrale discographique en 1999 complétée en 2011. Pierre Bleuse a invité pour l’occasion le metteur en scène espagnol Calixto Bieito, actuellement à Paris pour une nouvelle production de Die Walküre de Richard Wagner à l’Opéra Bastille (voir https://brunoserrou.blogspot.com/2025/11/lapocalypse-post-nucleaire-dune.html) à réaliser une mise en espace et en éclairage de chacune des six Sequenze retenues à l’occasion de ce concert-hommage pour le centenaire de Berio, œuvres qui sollicitent pleinement les qualités des musiciens interprètes, autant leur jeu que leur corps. Calixto Bieito a choisi de placer une partie des spectateurs debout au parterre, les musiciens se déplaçant au milieu d’eux, y compris le piano planté au centre, ou dans les hauteurs de la Salle des Concerts de la Cité de la Musique, les pièces étant jouées dans un ordre différent de celui de leur genèse. La Sequenza pour voix et celle pour trombone sont d’authentiques happenings

Lucas Ounissi
Photo : (c) Quentin Chevrier

Ecrite en 1965 pour la première épouse du compositeur, la cantatrice polymorphe Cathy Berberian, à qui elle est dédiée et qui la créa à Brême en 1966, la Sequenza III pour voix de femme est portée par le rire du clown suisse Grock (1880-1959), dont l’humour mélancolique a marqué Berio, qui fonde cette « séquence » sur un texte de l’historien suisse Markus Kutter (1925-2005) décomposé et transformé à l’envi, des émotions toujours changeantes notées sur la partition par des adjectifs tels que « joyeux », « rêveur », « extatique », et sur les divers modes d’expression vocale, évoluant du parlé au chanté, ce que la soprano Jenny Daviet a restitué sans artifices d’une voix fluide et lyrique. La Sequenza IV pour piano a été composée en 1965-1966 pour la pianiste brésilienne Jocy de Oliveira, élève de Marguerite Long. Révisée en 1993, l’œuvre joue sur des accords de deux types, résonants formés par la superposition de deux triades majeures et mineures, augmentées ou diminuées pour constituer des structures harmoniques, et des accords « anti-résonants » ou bruyants fondés sur des relations chromatiques et contenant secondes et quartes, ce qui confère à ces moments un caractère inharmonique. L’opposition qui en résulte rappelle l’alternance de clusters et de gestes mélodiques de la Klavierstück X de Karlheinz Stockhausen. Les tempi sont également de trois types, le premier donnant la double impression de statisme et de tension, le deuxième régissant de brefs passages juxtaposés au sein d’une même section, le troisième accélérant ou ralentissant un certain nombre de passages. Hideki Nagano en a donné une interprétation précisément contrastée, lui instillant la consistance d’une œuvre classique tant elle était exposée avec un naturel exaltant. A l’instar de celle pour voix, la Sequenza V pour trombone est ludique. 

Jeanne-Marie Conquer
Photo : (c) Quentin Chevrier

Composée en 1966 et dédiée à Stuart Dempster, elle a été créée à New York par le tromboniste compositeur d’origine slovène Vinko Globokar, qui fut aux débuts de l’IRCAM responsable du département de recherches instrumentales et vocales. Comme celle pour voix, la cinquième des Sequenze s’inspire du clown auguste musical Grock par son caractère grotesque et désespéré et la reprise de sa fameuse réplique Warum? dans sa traduction anglaise Why? vocalisée par le tromboniste. Construite en deux parties, l’œuvre se présente comme un jeu de miroir entre l’expression vocale Why? et la vocalité du jeu du trombone, la seconde partie combinant flatterzunge (roulement lingual produisant un effet de tremolo) et glissandi jusqu’à l’intégration de la parole aux notes de musique. Jouant avec art de l’aptitude naturelle à l’expression humaine de son instrument, avec une propension au comique, le tromboniste Lucas Ounissi, vêtu en clown, a régalé le public des sonorités discursives mise en évidence par Luciano Berio avec gourmandise. La Sequenza VII pour hautbois date de 1969. Elle a été conçue pour le compositeur hautboïste virtuose suisse-alémanique Heinz Holliger, qui l’a créé à Bâle l’année de sa conception. L’œuvre repose sur la note si (H dans la notation allemande) entretenue à l’arrière-plan par un hautbois enregistré. Elle fera l’objet d’une transcription pour saxophone soprano par Claude Delangle en 1993 avec l’accord de son auteur sous le titre Sequenza VIIb. Philippe Grauvagel, membre de l’EIC depuis 2010 et créateur entre autres de A plume éperdue de Heinz Holliger dans le cadre du Festival de Lucerne 2015, a donné de cette pièce une interprétation d’une précision qui aura permis de saisir les variations particulièrement subtiles des timbres de l’instrument et de saisir les relations d’événements distants dans le temps, l’écoute attentive ainsi suscitée conduisant l’auditeur à saisir la pluralité des voix tirée d’une polyphonie sous-jacente. 

Nicolas Crosse
Photo : (c) Quentin Chevrier

Tandis que la Sequenza VIII pour violon composée en 1976 à la suite d’une commande de Serena de Bellis, dédiée à Carlo Chiarappa, qui l’a créée la même année dans le cadre du Festival de La Rochelle, est un hommage au plus noble des instruments de l’orchestre. « Composer cette Sequenza a été pour moi comme payer une dette personnelle au violon, que je considère comme l’un des instruments les plus permanents et les plus complexes qui soient, convenait Luciano Berio. Si presque toutes les autres Sequenze développent de façon extrême un choix très restreint de possibilités instrumentales et de comportements du soliste, la Sequenza VIII présente une image plus vaste et plus historique de l’instrument. Elle s’appuie constamment sur deux notes (la et si) qui, comme dans une chaconne, servent de boussole dans le parcours plutôt diversifié et élaboré du morceau où la polyphonie n’est plus virtuelle, comme dans d’autres Sequenze, mais réelle. C’est pourquoi cette Sequenza se révèle, inévitablement, un hommage à ce sommet musical qu'est la chaconne de la Partita en mineur de Johann Sebastian Bach où coexistent des techniques instrumentales passées, présentes et futures. » Jouée par Jeanne-Marie Conquer, qui l’avait enregistrée en 1999 dans le cadre de l’intégrale DG, elle a été servie dans sa plénitude, la violoniste exposant brillamment les références à Bach, Paganini ainsi qu’au violon tzigane, soulignant avec dextérité la clarté des lignes.

Lucas Ounissi
Photo : (c) Quentin Chevrier

Composée en 2002 pour violoncelle sous le titre Sequenza XIV, la Sequenza XIVb est l’ultime pièce de la série. La XIV a été écrite pour Rohan de Saram, violoncelliste sri-lankais de l’Arditti Quartet qui avait donné la première britannique de Il ritorno degli snovidenia (Le retour des Snovidenia) pour violoncelle et orchestre de Luciano Berio dont il avait précédemment réalisé un arrangement pour violoncelle de la Sequenza VI pour alto. Le compositeur et l’instrumentiste se sont rencontrés en 1990, et le premier fut si impressionné par l’arrangement du second qu’il envoya immédiatement la partition à son éditeur, Universal Wien. La Sequenza XIV s’inspire du jeu de Saram, ainsi que de sa maîtrise de la geta bera, tambour traditionnel sri-lankais que le violoncelliste jouait enfant. Berio, qui s’est toujours intéressé aux musiques extra-européennes, a interrogé Saram sur la musique de son pays et lui a demandé des enregistrements et leur notation. Après plusieurs années de gestation, l’œuvre a été créée en Allemagne dans sa première version au Journées pour la musique nouvelle de Witten en avril 2002. Une deuxième mouture a été créée à Milan en novembre de la même année, tandis que la version définitive a été donnée à Los Angeles en février 2003 par son dédicataire, Rohan de Saram, qui l’enregistra en 2006. Deux ans plus tôt, en 2004, le contrebassiste compositeur italien Stefano Scodanibbio réalisa un arrangement pour son instrument publié par Universal Edition sous le titre Sequenza XIVb. L’œuvre, qui s’ouvre sur une section rythmique revenant comme un refrain tout au long de l’exécution de l’œuvre, oppose des sections rythmiques inspirées du tambour kandyen, (Kandy étant l’ancienne capitale de Ceylan) à des sections mélodiques. Dans les premières, qui mettent en valeur le triton, le violoncelliste frappe le corps de son instrument de la main droite tandis que la gauche joue des cordes de façon percussive, les sonorités qui en résultent s’avérant envoûtantes, comme venant d’un autre monde. La section mélodique présente un instrument chantant et lyrique, d’une expressivité d’une grande vocalité tant les nuances et les timbres sont variés à l’infini, alternant en outre des passages ornementés et des pizzicati « Bartók », avant de conclure sur un motif de deux notes joué en glissando marqué « fff, violente & aggressive » en alternance avec des notes sonnant dans le lointain avec une douceur extrême, dans un esprit proprement romantique. Virtuose impressionnant incarnant littéralement son instrument, qu’il semble pleinement habiter, Nicolas Crosse a donné de cette Sequenza XIVb une interprétation saisissante de musicalité et de panache, faisant chanter le plus grand des instruments à archet comme un violoncelle doté de graves plus profonds.

Hidéki Nagano
Photo : (c) Quentin Chevrier

De ce séduisant concert, un seul regret à formuler, l’absence de l’unique Sequenza composée pour un musicien de l’Ensemble Intercontemporain et en association avec lui, la douzième pour basson, Pascal Gallois, qui en a donné la création à Paris, au Théâtre du Châtelet, le 25 juin 1995, après trois années de genèse, et dont l’exécution  eut nécessité une vingtaine de minutes supplémentaires.

Bruno Serrou

dimanche 23 novembre 2025

Centenaire Marius Constant par l’ensemble Ars Nova qu’il a fondé en 1963 à Radio France pour la création contemporaine : « Il n'y a que l’artiste dont le mensonge ne soit pas total : il n’invente que soi. »

Poitiers (Vienne). TAP - Scène nationale de Grand Poitiers. Auditorium. Jeudi 20 novembre 2025

Gregory Vajda, Marion Vergez-Pascal, Catherine Jacquet,
Marie Charvet, Ars Nova
Photo : (c) Stéfanie Molter / Ars Nova

Concert anniversaire jeudi soir 20 novembre au TAP - Scène nationale de Grand Poitiers pou le centenaire du compositeur Marius Constant (1925-2004) par l’ensemble Ars Nova qu’il créa en 1963 à l’époque où il dirigeait la musique à Radio France où il créa l’antenne de France Musique devant un public venu en nombre écouter une très belle pièce pour violon et ensemble 103 Regards dans l’eau par Catherine Jacquet et Ars Nova dirigé par le chef hongrois Gregory Vajda, chef principal associé de l’ensemble, mis en regard des Trois Chansons de Bilitis de Claude Debussy, de Kaddisch et des Cinq Mélodies populaires grecques de Maurice Ravel par Marion Vergez Pascal, jeune mezzo-soprano française en résidence à la Chapelle Musicale Reine Elisabeth de Belgique à Waterloo dans des orchestrations du directeur artistique d’Ars Nova, Benoît Sitzia, subtilement respectueux du style orchestral des auteurs des mélodies, et signataire d’une œuvre nouvelle pour violon solo, Sons-Océan II, par Marie Charvet en hommage à Peter Eötvös, dont Ars Nova est membre actif de la Fondation à Budapest. Au fait, comment se fait-il que France Musique ait totalement négligé le centième anniversaire de son fondateur, 62 ans après qu’il l’ait créé et 21 ans après sa mort ?… 

Marius Constant (1925-2004)
¨Photo : (c) INA, extrait du film Musique Mémoires de Bruno Serrou et Jean-Baptiste Mathieu

A défaut de Radio France, qui lui doit pourtant beaucoup pour avoir initié sa chaîne de musique classique France Musique au sein de l’ORTF, seul l’ensemble qu’il créa pour la diffusion de la création musicale sur cette même antenne et la même année 1963, Ars Nova, aura célébré le centenaire de la naissance du compositeur français d’origine roumaine. Lorsque j’ai interviewé ce dernier pour les archives de l’INA (Institut National de l’Audiovisuel) en novembre 1999 (1), soit quatre ans et demi avant sa mort, le 15 mai 2004, il évoquait la naissance de cette chaîne. « Je suis allé voir Gilson, qui était directeur des programmes artistiques à l’époque, et le je lui ai dit : ’’Il n’y a que le Domaine musical, qui a un répertoire très spécial. Or, il y a plein de répertoires autour qui ne sont jamais joués. Donnez-moi la possibilité de les faire.’’ Il m’a répondu : ’’Vous avez ma bénédiction.’’ C’est ainsi que j’ai fondé Ars Nova comme orchestre de la radio pour la musique contemporaine. Deux ans plus tard, j’ai demandé une subvention de l’Etat, que j’ai obtenue, et je me suis séparé de la radio. » Avec cet ensemble, Marius Constant a donné des créations d’Olivier Messiaen, dont les Sept Haïkaï, de Maurice Ohana, Syllabaire pour Phèdre, d’Igor Stravinski, Ebony Concerto qui n’était pas joué par le Domaine musical, Formes avec Roland Petit, sorte d’improvisation collective avec deux danseurs couchés sur le sol et neuf musiciens autour, mes Quatorze Stations, œuvre d’inspiration religieuse créée à Royan par le percussionniste de l’Opéra de Paris Sylvio Gualda jouant plus de cent instruments entouré de six autres musiciens, trio à cordes, trombone, clavecin et guitare… J’ai également donné avec Ars Nova le tout premier concert monographique consacré à Pascal Dusapin en France. »

Catherine Jacquet, Gregory Vajda, Ars Nova
Photo : (c) Stéfanie Molter / Ars Nova

Né le 7 février 1925 à Bucarest (Roumanie), Marius Constant y a suivi des études au Conservatoire royal où il a obtenu les Prix de piano, de composition et d’écriture, et remporte en 1945 le Prix Enescu. A 21 ans, en 1946, grâce à une bourse du gouvernement français,  il s’installe à Paris pour y parfaire sa formation au Conservatoire national supérieur de Musique de Paris avec Olivier Messiaen, Tony Aubin, et dans le cadre de cours particuliers avec Nadia Boulanger et Arthur Honegger. Il reçoit en 1949 les Premiers Prix de composition et d’analyse du Conservatoire et la Licence de concert pour la direction d’orchestre de l’Ecole normale de Musique dans la classe de Jean Fournet. En 1952, il obtient le Prix Italia pour Le Joueur de flûte. A Radio France, il travaille au Studio d’Essai entre 1952 et 1954, puis il cofonde la chaîne de radio musicale France Musique qu’il dirige jusqu’en 1966. Marius Constant a également écrit des ballets pour Janine Charrat, avant d’être nommé Directeur musical des Ballets de Paris de Roland Petit de 1956 à 1963, Directeur musical de la Danse à l’Opéra national de Paris de 1973 à 1978 sous l’administration du compositeur suisse Rolf Liebermann, professeur d’orchestration au Conservatoire de Paris de 1979 à 1988, et de composition et d’analyse à l’Université de Stanford en Californie. Parmi ses élèves, Marc-André Dalbavie et Marc-Olivier Dupin. Fondateur et directeur de l’ensemble Ars Nova, Marius Constant a été invité par les principaux orchestres d’Europe, des Etats-Unis, du Japon, et par les Opéras de Berlin, Paris, Hambourg, du Bolchoï, du Metropolitan Opera de New York, du Royal Opera Covent Garden. A partir de 1988, l’âge de la retraite venu, il confie les rennes d’Ars Nova à son assistant Philippe Nahon, qui en sera le directeur artistique et musical pendant trente ans - ce dernier passant la main à Jean-Michaël Lavoie de 2018 à 2020 -, et se consacre exclusivement à la composition. Si ses premières œuvres, qui datent des années 1950, sont teintées d'impressionnisme, il s'intéresse ensuite à la musique sérielle, aux techniques électro-acoustiques, au développement de l'improvisation et de l'aléatoire « contrôlé», au spectacle total, à la recherche dans les domaines de la couleur et de l'espace. Couvrant tous les domaines de la création musicale, opéras, symphonies, concertos, musique de chambre, arrangements, orchestrations, le nombre de ses œuvres est impressionnante. Parmi elles, 24 Préludes pour orchestre créés par Leonard Bernstein, Cyrano de Bergerac, Turner, créé au Festival d'Aix-en-Provence, Chaconne et Marche militaire, créé par l'Orchestre de Philadelphie et, pour la scène, Eloge de la Folie, Le Paradis perdu, Candide pour la Compagnie Marcel Marceau, Nana, L’Ange bleu pour les Ballets de Roland Petit, Haut-Voltage pour le Ballet du XXe Siècle de Maurice Béjart, puis, avec Peter Brook, La CerisaieLa Tragédie de Carmen en 1981 et Impressions de Pelléas en 1992, ces deux dernières œuvres, ses « fantasmes musicaux », connaissant un succès universel. Il a été élu en 1993 à l’Institut de France - Académie des Beaux-Arts au fauteuil de son maître et ami, Olivier Messiaen. La personnalité et la démarche artistique de Marius Constant sont précisément illustrées par cette phrase de Cioran qu’il se plaisait à citer : « Celui qui parle au nom des autres est toujours un imposteur. Politiques, réformateurs et tous ceux qui se réclament d’un prétexte collectif sont des tricheurs. Il n'y a que l’artiste dont le mensonge ne soit pas total, car il n’invente que soi. »

Marie Charvet, Gregory Vajda, Ars Nova
Photo : (c) Stéfanie Molter / Ars Nova

Aujourd’hui placé sous la direction générale et artistique du compositeur guitariste et organiste Benoît Sitzia, qui y développe l’audience de la musique en donnant une place fondamentale à la transmission et à la pédagogie auprès de tous les publics par le biais de la création contemporaine mais aussi de tous les répertoires, mais aussi à la formation de jeunes professionnels, telles que l’European Creative Academy for Music & Musicians d’Annecy (2020-2023) ou le programme de mentorat de la Péter Eötvös Foundation de Budapest (2022-2023). Benoît Sitzia pratique pour son ensemble une politique de chefs invités, avec un Invité privilégié en la personne du hongrois Gregory Vajda, chef principal associé de l’ensemble jusque fin 2026, également compositeur, directeur musical du Huntsville Symphony Orchestra, du Portland Festival Symphony aux Etats-Unis, ainsi que du Savaria Symphony Orchestra en Hongrie, où il est aussi directeur artistique du UMZE New Music Ensemble et directeur des programmes de la Fondation Péter Eötvös dont Ars Nova est l’un des partenaires privilégiés depuis 2020, tout comme il l’est avec la Chapelle Musicale Reine Elisabeth de Belgique à Waterloo depuis 2022.

Marion Vergez-Pascal, Gregory Vajda, Ars Nova
Photo : (c) Stéfanie Molter / Ars Nova

Le programme proposé jeudi dans l’Auditorium du TAP réunissait autour d’une œuvre-phare de Marius Constant qui était entourée de pages de deux de ses compositeurs de prédilection, Claude Debussy et Maurice Ravel avec deux cycles de mélodies et une pièce pour violon et orchestre arrangés par Benoît Sitzia, qui avait également programmé l’une de ses propres œuvres pour violon seul. Devant une salle comble constituée de mélomanes de toutes les générations, le concert a été ouvert sur les Trois Chansons de Bilitis (La Flûte de Pan, La Chevelure et Le Tombeau des Naïades) que Claude Debussy a écrites en 1897-1899 sur des vers érotiques et passionnés de la poétesse grecque Bilitis traduits en 1894 par le poète Pierre Louÿs (1870-1925) qui les dédia à André Gide. Créées Salle Pleyel le 17 mars 1900 par la soprano Blanche Marot et le compositeur au piano, ce triptyque se présente comme un véritable cycle contant en trois grandes étapes l’idylle entre Bilitis et un berger dans une atmosphère d’un érotisme antiquisant fin de siècle, qui aura judicieusement préludé aux 103 regards dans l’eau de Marius Constant, qui les a composés la même année que La Tragédie de Carmen. « Il s’agit d’un concerto pour violon et orchestre que j’ai écrit pour Patrice Fontanarosa, me rappelait le compositeur en novembre 1999 (1). Cette œuvre compte cent trois mouvements, évidemment c’est mon style de faire des petits mouvements, de les enchaîner, de les souder... J’en ai fait deux versions. La première en 1981 pour grand orchestre, la seconde en 1984 pour douze instruments. Je vous le dis sincèrement, je préfère celle pour douze instruments. Quoique la version pour grand orchestre continue à être donnée, par exemple à New York en mai [2000] avec Olivier Charlier. J’ai composé ces Regards après une lecture de Gaston Bachelard, qui a écrit les Complexes de l’eau, les Complexes de l’air, les Complexes... 103 regards dans l’eau est une étude en cent trois mouvements, repérables par des indications que j’ai portées sur la partition  pour les seuls soliste et chef d’orchestre comme points de repère. Le public ne doit rien savoir, et il ne peut repérer que quatre mouvements. L’œuvre, qui dure trente-cinq minutes, est difficile pour le violoniste. Je l’ai donné à Berlin dans sa version  pour douze instruments avec Patrice Fontanarosa, alors évidemment vous connaissez les Allemands, ils regardaient un peu de travers le soliste français que j’ai amené, et j’ai dû arrêter l’exécution à cause de l’orchestre, alors que Fontanarosa le jouait très bien. Et à la fin, les musiciens se sont précipités sur lui pour voir quel violon il jouait. Et le Konzertmeister m’a dit : ’’Merci maestro de nous avoir amené un soliste qui joue à la manière belge et pas à la manière d’Odessa.’’ Odessa, pour eux, c’était Isaac Stern, Nathan Milstein, tandis que Patrice Fontanarosa joue vraiment droit, pur, et ça c’est l’école de Bruxelles. » C’est précisément ainsi que l’a joué Catherine Jacquet, soliste d’Ars Nova, régulièrement invitée de l’ensemble 2e2m, de Court-Circuit et de l’Itinéraire, membre de l’orchestre Les Siècles travaillant également avec les compositeurs hongrois György Kurtág (né en 1926) et Péter Eötvös dont elle a enregistré A Call pour violon seul (2015). Dans cette partition, l’on retrouve tout ce qui fait le génie d’orchestrateur de Marius Constant, sa connaissance profonde des caractéristique de chaque instrument, aussi profonde et pénétrante que Péter Eötvös, par exemple, la version pour douze instruments de ce concerto pour violon sonnant à la fois de façon virtuose, indépendante et en toute transparence mais avec les textures d’un orchestre entier. C’est avec humilité et avec tact que Benoît Sitzia a mis l’une de ses propres partitions en résonance avec celle de son aîné, une courte page pour violon solo intitulée Sons-Océan II, titre aquatique à l’instar de l’œuvre de Marius Constant, dans laquelle a brillé Marie Charvet, qui fut violon solo de Court-Circuit de 1999 à 2009, professeur au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Lyon depuis 2008, membre de l’ensemble Ars Nova depuis 2010. Après la brillante interprétation de la soprano Marion Vergez-Pascal des Chansons de Bilitis dans l’orchestration subtilement debussyste de Benoît Sitzia, l’on retrouvait la cantatrice et l’arrangeur dans les deux œuvres concluant le concert signées Maurice Ravel, Kaddish pathétique prière des morts en langue araméenne (celle du Christ) extrait des Deux Mélodies hébraïques composées en 1914 que l’auteur a orchestrées en 1919-1920 pour les Concerts Pasdeloup, suivie des Cinq mélodies populaires grecques adaptées en 1904-1906 de chansons populaires grecques anonymes traduites du grec moderne en français par le musicologue franco-britannique Michel Dimitri Calvocoressi (1877-1944) et harmonisées par Ravel, quatre provenant de l’île de Chio (Réveil de la mariée, Là-bas, vers l’église, Chanson des cueilleuses de lentisques et Tout gai !), la cinquième (Quel galant m’est comparable), placée en troisième position, provenant d’un recueil de 1883 recueilli en Epire par Périclès Matza. Dialoguant tout en souplesse enjôleuse et en voluptueuse cohésion, sous la direction discrète et flexible mais précise de Gregory Vajda, les douze musiciens d’Ars Nova (2) ont partagés les voix colorés de leurs instruments à celle chaleureuse et délicieusement expressive de la mezzo-soprano béarnaise Marion Vergez-Pascal, pensionnaire depuis septembre 2023 de la Chapelle Musicale Reine Elisabeth de Belgique à Waterloo dans la classe de Stéphane Degout et Sophie Koch.

Bruno Serrou 

1) Le film est disponible en libre accès dans la collection Musique Mémoires de l'INA (Institut National de l'Audiovosuel) à l’adresse Internet suivante : https://entretiens.ina.fr/entretien/18/marius-constant/video

2) Musiciens d’Ars Nova : Samuel Bricault (flûte), Eric Lamberger et Céline Millet (clarinettes), Cédric Bonnet (cor), Isabelle Cornélis (percussion), Michel Maurer (piano), Chloé Ducray (harpe), Jean-Louis Constant et Arthur Colin (violons), Andrii Malakhov (alto), Isabelle Veyrier (violoncelle), Lilas Réglat (contrebasse)

 

György Ligeti et Anton Bruckner en majesté par l’Orchestre de Paris et Esa-Pekka Salonen

Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. Mercredi 19 novembre 2025 

Esa-Pekka Salonen, Jennifer France, Virpi Räisänen, Orchestre de Paris, Choeur de l'Orchestre de Paris
Photo : (c) Camera Lucida

Soirée compliquée ce mercredi soir en raison d’un « objet » sur les voies des RER B et D en Gare du Nord. Arrivé en retard à la Philharmonie de Paris, j’ai vu et entendu le Requiem de György Ligeti par le biais de l’écran d’un moniteur dans le hall, alors que c’était l’œuvre à ne pas rater tant elle est splendide et fort rarement donnée. Les deux voix de femmes étaient belles, les chœurs remarquables, et Esa-Pekka Salonen a donné toute la force spirituelle de ce chef-d’œuvre grâce à un Orchestre de Paris aux sonorités moelleuses et au nuancier d’une ampleur subtile. C’était donc mieux que rien, et une fois rentré chez moi, j’ai écouté au casque les enregistrements de Péter Eötvös capté à Cologne en 2010 (BMC) et celui de Jonathan Nott avec le Philharmonique de Berlin et les London Voces réalisé en 2002 (Teldec/Warner Classics) (1). La Symphonie n° 4 « Romantique » d’Anton Bruckner, sans doute la partition la plus accomplie du maître de Linz, a été emmenée sur les cimes par un Salonen à la fois poète, peintre et sorcier du son et du rythme, portant la phalange parisienne à la fusion, avivé par un éblouissant cor solo, Gabriel Dambricourt 

Choeur de l'Orchestre de Paris
Photo : (c) Camera Lucida

C’est avec l’extraordinaire Requiem de György Ligeti (1923-2006) qu’Esa-Pekka Salonen a ouvert son second concert de ce mois de novembre à la tête de l’Orchestre de Paris, quelques jours après avoir été officiellement nommé à sa tête à compter de septembre 2027. Le compositeur chef d’orchestre finlandais en avait offert au public parisien une interprétation remarquable voilà près de quinze ans, en février 2011, à la tête du Chœur et de l’Orchestre Philharmonique de Radio France, avec Barbara Hannigan et Virpi Raïsänen, au Théâtre du Châtelet dans le cadre du festival Présences qui lui avait été consacré. Comme je l’ai précisé en introduction du présent compte-rendu, arrivé en retard en raison d’un incident de RER, je n’ai pu hélas écouter dans des conditions idoines cette interprétation, manquant les sept premières minutes et ne pouvant écouter les vingt minutes restantes que sur l’écran du moniteur installé dans le hall de la Grande Salle Pierre Boulez Philharmonie, en compagnie de quelques autres retardataires entouré des vas et viens des personnels du bar et des bruits de verres se percutant en prévision de l’entracte. Mais cela ne m’a pas empêché de goûter ce moment privilégié, une fois que ma tête eût fini par amortir mon amertume à l’égard de la RATP… Car, la force et la beauté à la fois sonore et spirituelle du Requiem de Ligeti sont exceptionnelles. Composée entre 1963 et 1965 pour deux voix de femmes solistes (soprano et mezzo-soprano), chœur mixte et orchestre (2), cette œuvre, dans laquelle puisa Stanley Kubrick (1928-1999) pour la bande son de son film d’anticipation A Clockwork Orange (Orange mécanique) réalisé en 1971 d’après le roman éponyme (1962) d’Anthony Burgess (1917-1993), dit combien le compositeur hongrois est génial, tant elle est dense, puissante, hallucinée, d'une richesse sonore inouïe, d’une force poignante et grandiose. Elle ne compte que quatre parties, Ligeti n'ayant mis en musique que la moitié du texte liturgique, commençant naturellement par l’Introïtus au plan sonore, commençant dans une atmosphère feutrée, se tend progressivement de façon continue, suivi du Kyrie aux structures polyphoniques particulièrement complexes renvoyant aux maîtres anciens, notamment à Johannes Ockeghem (v.1410-1497), avec rien moins que vingt lignes vocales culminant sur un hallucinant fortissimo, mouvement qui aura réclamé à Ligeti neuf mois de gestation, puis le Dies Irae, intitulé ici De die judicii sequentia (Séquence du Jour du Jugement), moment le plus violent, sombre et désespéré du rituel funèbre où le compositeur utilise de façon intensément théâtrale les registres vocaux et instrumentaux extrêmes, pour finir sur le Lacrimosa dans lequel le chœur n’intervient pas qui conclut le Requiem dans l’atmosphère feutrée du début. Les deux solistes, la soprano britannique Jennifer France (soprano) et la mezzo-soprano finlandaise Virpi Räïsänen, cette dernière déjà entendue dans cette même œuvre en 2011 (voir plus haut), le Chœur de l’Orchestre de Paris (surtout les basses) et l’Orchestre de Paris s’imposant depuis l’endroit où je me trouvais par des textures apparemment charnues et fluides au service de l'aspect liquide et constamment mouvant de la partition, surtout d’une homogénéité exemplaire, aucune imprécision dans les attaques ni le moindre décalage n’étant perceptible.

Orchestre de Paris, Esa-Pekka Salonen, Virpi Räisänen, Jennifer France
Photo : (c) Camera Lucida

Loin de l’atmosphère du Requiem de Ligeti, mais toujours de tonalité spirituelle, la seconde partie du concert, que j’ai pu écouter dans la salle à la place qui m’avait été attribuée, était consacrée à la partition symphonique la plus accomplie d’Anton Bruckner (1824-1896), la Symphonie n° 4 en mi bémol majeur « Romantique » WAB 104 composée en 1874 dans sa version mixant les révisions de 1878 et 1880. En effet, conçue en un peu plus de dix mois en 1874, profondément révisée trois fois par la suite, jusqu’à ce qu’il s’en déclare enfin satisfait un jour de 1888, la Quatrième semble pourtant couler de source, tant l’on n’y perçoit aucune contrainte, au point d’être aujourd’hui l’une des pages les plus prisées de Bruckner. Esa-Pekka Salonen en a donné mercredi une interprétation au cordeau, toute en tensions, extension et d’un lyrisme effervescent, tandis que l’Orchestre de Paris s’est montré virtuose, d’une impressionnante homogénéité, avec ses cuivres rutilants, particulièrement le premier cor solo, Gabriel Dambricourt éblouissant de sonorité et d’assurance, tant et si bien qu’il sera chaudement applaudi par le public et dûment félicité par chef et par l’orchestre entier, tandis que les bois se sont imposés par leur vélocité et leur timbres soyeux, tandis que les cordes ont rivalisé de panache et de syncrétisme, altos, violoncelles et contrebasses onctueuses, violons flamboyants.

Bruno Serrou

1) Le concert a été filmé et enregistré pour une diffusion sur une chaîne de télévision et sur le site Internet de la Philharmonie de Paris où il devrait être diffusé en janvier 2026

2) Trois flûtes (2e et 3e aussi piccolo), trois hautbois (3e aussi cor anglais), trois clarinettes (2e aussi clarinette basse, 3e aussi clarinette en mi bémol et clarinette contrebasse), deux bassons, contrebasson, quatre cors, trois trompettes, une trompette basse, trois trombones (ténor, basse, contrebasse), tuba, trois percussionnistes (glockenspiel, xylophone, caisse claire, grosse caisse, cymbale suspendue, tam-tam, slapstick, tambourin), célesta, clavecin, harpe, cordes (14, 12, 10, 8, 6)

 

vendredi 21 novembre 2025

Raphaël Pichon et Pygmalion ont glorifié Johannes Brahms dimanche à la Philharmonie de Paris

Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. Dimanche 16 novembre 2025 

Raphaël Pichon, Pygmalion
Photo : (c) Mathilde Assier

Johannes Brahms va décidément fort bien À Raphael Pichon et son ensemble Pygmalion, chœur et orchestre. Après la réussite de leur Requiem allemand chez Harmonia Mundi, ils ont proposé ce dimanche à la Philharmonie de Paris un remarquable concert monographique au Maitre de Hambourg, avec pour thématique la Mort dans son concept spirituel et humaniste que Brahms a si bien chantée à la fin de sa vie. Intitulée « le Chant du Destin », la soirée s’est ouverte sur le Motet op. 74/1 pour chœur a capella, suivi du chant du cygne brahmsien que sont les Quatre Chants sérieux op. 121 puis le Chant sacré  op. 30 interprété avec une chaleur douloureusement humaine par un Stéphane Degout bouleversant et vocalement impressionnant, les orchestrations de Robert Percival étant d’une grande délicatesse, respectueuses des couleurs sombres brahmsiennes qui semblent toujours émaner des timbales, même quand il n’y en a pas. En seconde partie l’extraordinaire Schicksalslied (Chant du Destin) op. 54 qui a donné son titre à la soirée, chanté et joué avec une ferveur communicative, préludant à la Symphonie n° 1 dont la genèse tourmenta Brahms de longues années, interprétée avec une dynamique, un allant et un sens du chant instrumental enthousiasmants. En bis, un motet pour chœur a capella de Brahms 

Raphaël Pichon, Pygmalion
Photo : (c) Mathilde Assier

Six mois après leur brillant concert Berlioz / Thomas / Fauré en mai (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2025/05/sereine-vision-de-la-mort-par-raphael.html) à la Philharmonie de Paris, suivi d’une somptueuse réalisation à Bordeaux du chef-d’œuvre lyrique La Passion grecque de Bohuslav Martinu (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2025/07/impressionnante-premiere-scenique.html), et après la publication chez Harmonia Mundi d’Un Requiem allemand de Johannes Brahms, Raphaël Pichon et Pygmalion ont présenté dimanche un concert monographique consacré au maître hambourgeois, compositeur que le chef français apprécie particulièrement, convenant de son enthousiasme dans l’interview qu’il m’avait accordé pour le magazine madrilène Scherzo publié dans son intégralité sur ce site, Brahms étant pour lui une pierre angulaire sur le chemin qui le mène à court terme à Richard Wagner (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2025/05/interview-raphael-pichon-directeur.html)  : « Quelle chance j’ai eu de faire pour la troisième ou la quatrième fois le Requiem allemand de Brahms, de l’enregistrer après avoir passé quinze ans au contact des Schütz, Gabrieli, Buxtehude, Bach, des grands compositeurs de la Guerre de Trente Ans, ainsi qu’au contact de Mendelssohn-Bartholdy, de sa musique chorale, de celle de Brahms enfin, avant d’arriver à son Requiem. Elias, Lobgesang de Mendelssohn sont des pièces admirables. Wagner connaissait ces pièces, de toute évidence… Brahms aussi d’ailleurs. Ce que je veux dire ici est qu’arriver à Wagner ou à Brahms avec cet héritage-là, conduit à voir différemment couleurs, histoires, rôles, votre conception en est transformée parce qu’elle est nourrie de toutes ces couches de sédimentation. Donc, quand nous parlons de cette évidence de liens entre Bach et Wagner, cela devient parfaitement clair. Qui plus est, dans ces grands récits spirituels et métaphysiques que peuvent être Lohengrin, Parsifal ou même Tannhäuser dont la fin est une épiphanie spirituelle absolue. Wagner ?... J’en rêve ! Tout m’intéresse dans la très grande musique. En revanche, je pense que nous devons mériter notre paradis. Il faut d’abord apprendre que chacune des figures citées sont des mondes tellement particuliers que pour jouer Wagner, quelle chance de jouer d’abord Schubert, Schumann, Brahms ! Nous poursuivons notre cheminement dans l’œuvre de ce dernier la saison prochaine, avec pour la première fois sa Symphonie n° 1. Je songe aussi à la Rhapsodie pour contralto. J’ai mon idée sur la question, qui repose sur le timbre de la voix. Je voudrais aussi faire ses chœurs a capella. »

Stéphane Degout, Pygmalion
Photo : (c) Mathilde Assier

A l’exception de la Rhapsodie, c’est précisément le programme qu’a présenté Raphaël Pichon à la tête de son ensemble bicéphale (vocal et instrumental) Pygmalion. C’est avec le premier des deux motets pour chœur mixte a capella op. 74 « Warum ist das Licht gegeben dem Mühseligen » (Pourquoi la lumière est-elle donnée aux malheureux ?) que les voix de Pygmalion ont ouvert le concert, rappelant combien le compositeur hambourgeois, appréciait les ensembles vocaux, et savait écrire pour eux, expérience acquise au contact direct d’effectifs choraux, à l’instar de Raphaël Pichon, Brahms créant dès 1859 à Hambourg un chœur de femmes amateur qu’il dirige pendant trois ans, avant d’être nommé chef de chœur de la Singakademie de Vienne, programmant des œuvres de Heinrich Isaac, Heinrich Schütz, Gabrieli, Johann Sebastian Bach, Buxtehude, Beethoven, Mendelssohn, Schumann, puis en 1872, il dirige les concerts de la Gesellschaft der Musikfreunde (Société des amis de la musique) pour lesquels il composera un impressionnant cursus d’œuvres pour chœurs, motets, lieder pour différents effectifs vocaux pour lesquels allie rigueur contrapuntique et expressivité lyrique à fleur de peau avec une exigence rare et une profonde expressive qui touche autant chanteurs et public, atteignant un équilibre exceptionnel entre émotion et puissance spirituelle. De l’Ave Maria op. 12 de 1858 aux Trois motets pour chœur à quatre et huit voix a capella op. 110 de 1889 ce sont rien moins que vingt-cinq numéros d’opus réunissant un total de soixante-quinze pièces pour chœurs a capella de tout gabarit aux grandes pages pour chœur et orchestre que Brahms aura laissées à la postérité. Le premier motet op. 74 est écrit pour un chœur mixte à six voix et illustre la question de Job, héros du Livre de Job, « Pourquoi la lumière (la vie) est-elle donnée par Dieu aux malheureux ? » à laquelle il a ajouté des extraits des Lamentations de Jérémie, de l’Epître de Jacques et de Martin Luther. Il a été composé à Pörtschach le même été 1877 que la Symphonie n° 2 op. 73, et Brahms y ajoutera en 1879 en numéro deux un motet datant de 1863, O Heiland, reiss die Himmel auf Sauveur, déchire les cieux). Comme l’écrivait Brahms, ce motet est un « petit traité sur le grand ’’pourquoi’’ » dont le texte a inspiré au compositeur une musique d’une douleur ineffable éclairée de l’intérieur par l’espérance en une vie meilleure dans l’Au-Delà, ce que Pygmalion a restitué avec une sensibilité singulièrement communicative, avec ardeur mêlée d’une bouleversante intériorité. Cette page d’une dizaine de minutes a préludé à l’ultime chef-d’œuvre vocal de Johannes Brahms, les déchirants Vier ernste Gesänge (Quatre Chants sérieux) op. 121 de 1896 à l’origine pour basse et piano mais donnés dans une orchestration du musicien britannique Robert Percival, contrebassonniste de Pygmalion, qui a adapté ces chants ainsi le Geistliches Lied (Chant sacré) op. 30 de 1856 à l’origine pour chœur et orgue pour un orchestre d’une cinquantaine de musiciens, qui a étudié le style d’orchestration utilisé par Brahms pour les lieder de Franz Schubert comme Mnemon D. 541 ou Geheimnis D. 719, ainsi que les réductions pour piano de ses propres pages pour chœur et orchestre, comme la Rhapsodie pour alto et chœur d’hommes op. 53. Le résultat de ces versions des opus 121 et 30 est en parfaite adéquation avec la voix sublime du baryton Stéphane Degout, qui, placé côté cour, a fondu le timbre somptueux de sa voix aux harmoniques solaires aux voix du même velours des violoncelles, pupitre le plus magnifiquement humain de tous les instruments des orchestres. Un moment de grâce pure que ce concert n’aura cessé d’offrir au public qui aura eu le bonheur d’y assister en ce dimanche d novembre, qui a conduit à la conclusion de la première partie avec la grande page de douleur qui a donné son titre à la soirée, le Schicksakslied (Chant du destin) pour chœur et orchestre op. 54. Commencé durant l’été 1868 à Wilhelmshaven et achevé en mai 1871, Brahms s’étant interrompu pour écrire sa Rhapsodie pour alto et chœur d’hommes achevée en 1869, le Chant du destin, qui a été créé à Karlsruhe le 18 octobre 1871 sous la direction d’Hermann Levi, est au même le Requiem allemand et malgré sa relative brièveté, le chef-d’œuvre de la musique pour chœur et orchestre de Brahms. La partition, qui illustre le roman épistolaire Hyperion ou l’ermite de Grèce (1797-1799) du poète allemand Friedrich Hölderlin (1770-1843), se subdivise en trois parties, Adagio en mi bémol majeur Ihr wandelt droben im Licht (Vous marchez au-dessus, dans la lumière), Allegro en ut mineur Doch uns ist gegeben (Mais cela nous est donné), et une conclusion d’orchestre seul Adagio en ut majeur. 

Raphaël Pichon, Pygmalion
Photo : (c) Bruno Serrou

Cette œuvre d’un quart d’heure d’une densité déchirante a été interprétée avec une intensité pétrifiante, avec un chœur et un orchestre aux sonorités envoûtantes, que l’on retrouvera dans la seconde partie du concert, donnée par les seuls instrumentistes Pygmalion, car entièrement consacrée à la « symphonie de douleur » de Brahms, la Première en ut mineur op. 68 ébauchée en 1854 mais qui ne sera achevée que plus de vingt ans plus tard, en 1876, tandis que l’ombre de Beethoven obsédait tant Brahms qu’il en resta longtemps paralysé par le modèle de la Neuvième. Jouant sur des instruments « historiques », l’orchestre Pygmalion a néanmoins réussi à restituer les sonorités graves et rondes qui personnifient les orchestrations de Brahms, qui vivait assurément la tête dans les timbales. Raphaël Pichon et ses musiciens ont servi avec une énergie vivifiante cette partition qui est un véritable enfant de douleur pour son concepteur, la symphonie ayant connu une genèse de plus de vingt ans. Il n’en émane pas moins de cette grande page d’orchestre un sentiment de plénitude, malgré des moments plus sombres, comme l’Andante sostenuto. Pourtant, il ne se trouve rien de tragique et surtout pas une once de pathos, mais au contraire de l’héroïsme romantique et une radieuse sérénité, ce que Raphaël Pichon a rendu avec beaucoup d’allant et de générosité, assuré que les membres de Pygmalion pouvaient répondre à la moindre de ses sollicitations, rendant transparente la polyphonie d’une orchestration polychrome et la rythmique ferme envoûtante de cette symphonie. Comme pour retenir le temps, et pour que le chœur participe au succès public suscité par l’excellence de l’exécution de la symphonie dont seul l’orchestre a été le héros, Raphaël Pichon a confié au chœur seul la conclusion du concert avec un motet a capella du héros de la soirée, Johannes Brahms…

Bruno Serrou