vendredi 26 avril 2013

Leonidas Kavakos, l’Orchestre de Paris et Paavo Järvi: rencontre au sommet


Paris, Salle Pleyel, jeudi 25 avril 2013

Leonidas Kavakos. Photo : DR

L’Orchestre de Paris aura confirmé une fois encore son haut niveau d’excellence qu’il conforte à chacune de ses prestations Salle Pleyel. Cette fois, sous la direction de son directeur musical, il a brillé dans un programme qui lui permettait de démontrer les diverses facettes de ses spécificités : la musique française, qui est sienne, la finlandaise, dans laquelle son « patron » excelle, et l’allemande, cœur de son répertoire.

Orchestre de Paris, une partie de la section des "vents". Photo : (c) Orchestre de Paris, DR

C’est curieusement dans ce qui lui est atavique, les Valses nobles et sentimentales de Maurice Ravel qu’il a le moins brillé. Ses sonorités sont en effet apparues peu flatteuses, saturant dans les tutti et les nuances situées entre forte et fortissimo. Tant et si bien que les textures se sont faites coup embrouillées, les lignes peu claires tant il a été impossible de distinguer les voix de l’orchestration ravélienne. En revanche les valses les plus délicates et les plus doucereuses se sont avérées délicieusement fruitées et les nuances exquises (les cinquième valse), suscitant une vraie jouissance auditive. Quant à l’Epilogue, il s’est éteint dans le silence avec une sensualité et une chaleur communicatives.

Le moment le plus attendu du public était comme souvent l’œuvre concertante. Cette fois, l’intemporel Concerto pour violon et orchestre en ré mineur op. 47 de Jean Sibelius, dans la partie soliste était confiée à l’époustouflant Leonidas Kavakos, qui avait notamment enthousiasmé Pleyel en décembre dernier dans le Concerto n° 2 de Karol Szymanowski avec le London Symphony Orchestra et Valery Gergiev (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2012/12/valery-gergiev-et-le-london-symphony.html). Violoniste extraordinaire remarquable d’aisance et de dynamique, à la technique infaillible au service d'une musicalité inouïe, imposant un plaisir des sons de chaque instant, riche d’un nuancier infini - ahurissantes transitions entre fortissimo/forte/piano/pianissimo -, l’extraordinaire artiste grec a suscité un silence quasi religieuse, le public ayant carrément le souffle coupé par ce qu’il entendait et voyait. Paavo Järvi a façonné pour son soliste un support orchestral somptueux au tissu onctueux. Les quatre cors ont été éblouissants d’évocation et de carnation, donnant une incroyable profondeur de champs au chant du violon. Concentré et particulièrement à l'écoute de Kavakos, l’orchestre dans ses propres soli et tutti a déployé de merveilleuses plages d’une beauté scintillante et une puissance impressionnante. En bis, Kavakos a donné un mouvement lent de Sonate de Jean-Sébastien Bach.

L’Orchestre de Paris et Paavo Järvi ont brossé une Symphonie n° 3 en fa mineur op. 90 de Johannes Brahms jaillissante. Comme montée sur ressort, épanouie, charnelle, magnifiée par orchestre onirique et aux graves onctueux (basses ont été renforcées, avec neuf contrebasses, onze violoncelles, onze altos), tandis que le cor solo était tenu par André Cazalet, qui succédait à Benoît de Barsony, cor solo en première partie de concert, tous deux ayant il est vrai fort à faire dans les œuvres à chacun dévolues). Tous les pupitres flamboyaient (bois et cuivres, cordes moelleuses), Järvi, dans des tempi rigoureux mais souples nettement dans l’esprit de Brahms, portant la partition à ébullition. Exaltant des timbres enivrants, l’Orchestre de Paris a répondu avec enthousiasme et probité.

Visiblement heureux de la performance de « son » orchestre, et une fois n'est pas coutume, Paavo Järvi a offert un bis à son public. Bouclant son concert telle une coda, avec renvoi à la première parie (danses et Sibelius), le chef estonien a porté son choix sur une Valse triste de Sibelius comme on aimerait l’entendre plus souvent, objective mais chantante, sans larmes ni pathos.

Bruno Serrou

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