Voilà un enregistrement qui était
pour le moins attendu… Cette Walkyrie
venue de Russie réunit en effet ce qui
se fait de mieux en matière de voix wagnériennes de l’heure dans le monde. Au
moment où les majors rééditent leurs archives captées dans les années
1950-1980, qui continuent à faire date dans l’histoire du disque, une captation
du Ring des années 2010 ne pouvait
que susciter l’intérêt le plus vif, surtout avec un cast digne des glorieuses années de la stéréophonie, de plus dirigée
par l’un des chefs les plus en vue de notre temps, Valeri Gergiev. Car cette Walkyrie, captée au Théâtre Mariinski de
Saint-Pétersbourg, constitue le premier volet de la Tétralogie complète que le label du célèbre théâtre d’opéra de la
cité impériale russe, à l’instar du premier Ring studio publié au disque, celui
de Georg Solti entre 1958 et 1964 chez Decca, poursuivra dans les mois qui
viennent avec la publication de l’Or du
Rhin lui-même suivi par les deux derniers volets du cycle.
Paris a pu mesurer à l’époque où
Gérard Mortier dirigeait l’Opéra de Paris, combien le chef russe a d’affinité
avec la musique de Wagner lors de mémorables représentations du Tristan und Isolde mis en scène par Peter
Sellars et Bill Viola qu’il avait dirigées avec une force dramatique et une
tension exacerbée qui formaient un saisissant contraste avec la vision toute en
nuances et en intériorité d’Esa-Pekka Salonen à qui il avait succédé dans la fosse
de l’Opéra-Bastille dans cette même production. On se souvient également du Parsifal pétersbourgeois publié voilà plusieurs
mois par ce même label du Théâtre Mariinski. Après une telle énergie, on
pouvait s’attendre à une Walkyrie
dramatique à souhait...
Or, il n’en est rien. Car, après un premier acte de grande beauté sublimé par Jonas Kaufmann, diction impeccable et plastique vocale fabuleuse, qui incarne un Siegmund comme on n’en avait plus entendu depuis Jon Vickers, et par Anja Kampe, dont la voix d’une fraîcheur lumineuse fait de sa Sieglinde un être terriblement émouvant, deux chanteurs qui forment un rayonnant couple incestueux, tandis que Mikhail Petrenko en Hunding complète admirablement ce magnifique duo, et une direction parfaitement dans le rythme, les tempi s’étirent par la suite à l’excès, voire se distendent carrément, au point que l’on ne ressent guère d’émotion dans les Adieux de Wotan, pourtant chantés par René Pape, qui a tous les atouts pour faire un magnifique dieu des dieux, notamment le timbre, magnifique, et que l’on attendait plus déchirant mais qui s’étouffe à suivre la battue irrégulière du chef, qui ralentit excessivement les moments lyriques et accélère subitement dans les passages les plus complexes, au point de vider de sa substance le premier tableau du deuxième acte, d’abord le face à face Fricka (superbe Ekaterina Gubanova) / Wotan puis la confession de Wotan à Brünnhilde, campée par une Nina Stemme pourtant impressionnante et à la voix pleine et ronde. Cependant, les couleurs brutes de l’Orchestre du Théâtre Mariinski, les timbres sombres des cordes, la dureté de la percussion, la sécheresse des cuivres, l’âpreté des bois, n’invitent pas à la flânerie… A l’exception des Adieux de Wotan déjà mentionnés, Pape et Stemme sont plus à l’aise dans le troisième acte, qui, après une chevauchée des Walkyries un peu trop lente, s’ouvre sur une ultime intervention d’Anja Kampe (Sieglinde) d’une grandeur extraordinaire.
Or, il n’en est rien. Car, après un premier acte de grande beauté sublimé par Jonas Kaufmann, diction impeccable et plastique vocale fabuleuse, qui incarne un Siegmund comme on n’en avait plus entendu depuis Jon Vickers, et par Anja Kampe, dont la voix d’une fraîcheur lumineuse fait de sa Sieglinde un être terriblement émouvant, deux chanteurs qui forment un rayonnant couple incestueux, tandis que Mikhail Petrenko en Hunding complète admirablement ce magnifique duo, et une direction parfaitement dans le rythme, les tempi s’étirent par la suite à l’excès, voire se distendent carrément, au point que l’on ne ressent guère d’émotion dans les Adieux de Wotan, pourtant chantés par René Pape, qui a tous les atouts pour faire un magnifique dieu des dieux, notamment le timbre, magnifique, et que l’on attendait plus déchirant mais qui s’étouffe à suivre la battue irrégulière du chef, qui ralentit excessivement les moments lyriques et accélère subitement dans les passages les plus complexes, au point de vider de sa substance le premier tableau du deuxième acte, d’abord le face à face Fricka (superbe Ekaterina Gubanova) / Wotan puis la confession de Wotan à Brünnhilde, campée par une Nina Stemme pourtant impressionnante et à la voix pleine et ronde. Cependant, les couleurs brutes de l’Orchestre du Théâtre Mariinski, les timbres sombres des cordes, la dureté de la percussion, la sécheresse des cuivres, l’âpreté des bois, n’invitent pas à la flânerie… A l’exception des Adieux de Wotan déjà mentionnés, Pape et Stemme sont plus à l’aise dans le troisième acte, qui, après une chevauchée des Walkyries un peu trop lente, s’ouvre sur une ultime intervention d’Anja Kampe (Sieglinde) d’une grandeur extraordinaire.
Cette extraordinaire distribution
ne parvient malheureusement pas à transcender l’approche distante et parfois sans nerf de
Gergiev, qui semble s’ennuyer dans certains passages, ce qui est pour le moins
étrange pour un enregistrement live. Reste à espérer que le chef russe, qui possède les atouts pour signer au disque un Ring épique, retrouve dans les autres volets l’élan et l’urgence du premier acte de cette Walkyrie et ne se laisse pas aller à la somnolence qui submerge les deux autres actes.
Bruno Serrou
4 SACD Mariinski MAR0527. www.mariinskylabel.com
Merci pour cette information.
RépondreSupprimerComme je vous l'ai signifié je suis allé professionnellement à Saint Petersbourg récemment pour un festival Rostropovitch organisé par les écoles parrainées par l'illustre artiste.
Ces moments au cours desquels les élèves de ces établissements ont pu échanger, partager et exprimer leur passion nous ont prouvé l’extraordinaire attachement à la musique, associé d'un niveau artistique et pédagogique sans commune mesure, des établissement d'enseignement artistique russes.
Ce fut un échange fructueux et fédérateur entre jeunes musiciens de haute volée, qui ont pu dans le respect et dans l'amitié présenter leurs projets (nous avons mis à l'honneur l'école française, bien sur, mais aussi les compositeurs de musiques de films et la chanson impérissable d'artistes telles Edith Piaf) - leurs cultures respectives et leur travail quotidien afin de devenir des professionnels aguerris.
J'ai pu constater sur place que le disque est en pleine expansion, mettant en avant toutes les esthétiques avec beaucoup de jeunes compositeurs contemporains.
bref, le lecture de votre article me rappelle tout cela et tant de musique à la fois. De plus, je reste un admirateur de l'oeuvre wagnérienne...
Je vais donc m'attarder sur cette interprétation, qui, forcément sera de qualité, au regard de la formation des musiciens que j'ai pu admirer sur place et qui ne laisse strictement rien au hasard.
Merci.