vendredi 22 septembre 2023

Le Bayerisches Staatsorchester célèbre son demi-millénaire avec Vladimir Jurowski, son directeur musical, dans une tournée qui les aura conduits Théâtre des Champs-Elysées

Paris. Théâtre des Champs-Elysées. Jeudi 21 septembre 2023 

Bayerisches Staatsorchester, Elsa Dreisig, Vladimir Jurowski. Photo : (c) Bruno Serrou

Pour son demi-millénaire, le Bayerisches Staatsorchester (Orchestre de l’Opéra d’Etat de Bavière) a donné à Paris, dans le cadre d’une tournée européenne dirigée par son directeur musical Vladimir Jurowski, chef russe vivant en Allemagne, non pas un opéra ou un assortiment de pages lyriques, mais un vrai programme d’orchestre symphonique, rappelant ainsi que les phalanges de théâtres d’opéras germaniques sont depuis toujours voués à tous les répertoires, à l’instar des Wiener Philharmoniker, des Dresdner et Berliner Staatskapelle, du Gürzenich de Cologne pour n’en citer que quelques-uns…

Valdimir Jurowski. Photo : DR

Disposé à l’allemande (premiers et seconds violons se faisant face, entourant violoncelles et altos, contrebasses derrière les premiers violons), les Bayerisches Staatsorchester ont néanmoins ouvert la soirée avec une œuvre qui fait partie intrinsèque de leur ADN, puisqu’il s’est agi du Prélude du premier acte de Tristan und Isolde, opéra de Richard Wagner que l’orchestre a créé le 1 juin 1865 dans la fosse de l’Opéra de la Cour de Munich dirigé par Hans von Bülow en présence du roi Louis II de Bavière. Un Prélude d’une puissante théâtralité aux sonorités enchanteresses, emportant par ses déchirants élans l’auditeur dans les abysses de l’âme des amants au point que l’interruption abrupte de la magie de ces dix minutes s’est avérée frustrante tant il est apparu certain que le voyage jusqu’au château de Karéol eût été somptueux…

Yefim Bronfman, Bayerisches Staatsorchester. Photo : (c) Bruno Serrou

Mais pour démontrer qu’il est bel et bien un orchestre de salles de concerts, le Bayerisches Staatsorchester s’est tourné vers une œuvre concertante. Plutôt que de rester dans des œuvres « munichoises », en retenant par exemple la Burleske de l’enfant du pays Richard Strauss, programmé il est vrai ailleurs dans le cadre de la tournée du jubilée, la phalange bavaroise a porté pour Paris son dévolu sur une véritable scie du répertoire concertant, le (magnifique il est vrai) Concerto pour piano et orchestre en la mineur op. 54 du Rhénan Robert Schumann, avec en soliste le pianiste israélien d’origine ouzbek Yefim Bronfman. Interprétation austère et sans élan mais d’une séduisante beauté plastique, grâce au toucher aérien du soliste, à la clarté de son jeu, mais le discours sans ressort fait que le soliste de pris le risque de perdre l’auditeur dans le développement de l’œuvre. Le bis choisi, un Nocturne de Frédéric Chopin, froid et distant, n’a fait que conforter l’impression de détachement de cet artiste, qui compte pourtant parmi les plus acclamés de notre temps. 

Vladimir Jurowski, Elsa Dreisig, Bayerisches Staatsorchester. Photo : (c) Bruno Serrou

Avec Gustav Mahler, l’Orchestre de l’Opéra d’Etat de Bavière retournait à ses fondamentaux. L’on sait en effet que le nom du compositeur est attaché à la ville de Munich et à cette formation, qui y a créé non seulement la Symphonie n° 8 en mi bémol majeur « des Mille » le 12 septembre 1910, l’œuvre aux effectifs les plus fournis du compositeur autrichien, mais aussi, neuf ans plus tôt, la Symphonie n° 4 en sol majeur le 25 novembre 1901 sous la direction du compositeur. Dans cette symphonie, la plus courte et à l’orchestration la plus légère de Mahler, Mahler s’attache à l’enfance et à l’innocence, concluant sa partition sur un lied tiré du Cor merveilleux de l’Enfant (Des Knaben Wunderhorn) chantant les joies de la vie céleste. Malgré de légers cafouillages dans la justesse d’attaques de cuivres et dans la précision de la polyphonie parfois un rien confuse, l’interprétation s’est avérée solaire, poétique, avec un Ruhevoll contrasté, d’une rayonnante intensité sans aucune tentation tragique, contrairement à ce qui se pratique souvent, trop de chef négligeant le fait que Ruhevoll signifie simplement Tranquille et qu’avant l’indication Adagio se trouve la précision Poco, ouvrant par une explosion étincelante de tout l’orchestre sur un finale, Das himmlische Leben : Sehr behaglich (La vie céleste : Très à l’aise) plus humain que désincarné, avec la voix chaleureuse et luxuriante de l’excellente soprano française Elsa Dreisig. Le tout dirigé par un Vladimir Jurowski respirant large, économe en gestes mais extrêmement précis, laissant les musiciens bavarois s’exprimer librement, tout en les tenant fermement.

Bruno Serrou

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