Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. Mardi 2 décembre 2025
Courte mais intense soirée à la Philharmonie de Paris offerte mardi par le Tonhalle-Orchester Zürich et son directeur musical Paavo Järvi, une Symphonie n° 2 « Résurrection » de Gustav Mahler, compositeur que la phalange suisse fréquente assidûment depuis vingt ans, réalisant en dix ans deux intégrales discographiques de grande qualité, la première avec David Zinman, la seconde avec le chef estonien, ex-directeur musical de l’Orchestre de Paris. Vision extrêmement contrastée mais gardant une imperturbable unité, avec des passages magnifiquement poétiques et évocateurs et d’autres hallucinants de tensions et d’angoisse. Orchestre somptueux, tous pupitres confondus, exaltant des sonorités brillantes, charnues, sensuelles, tandis que le chœur de la Zürcher Sing-Akademie a attesté d’une unité saisissante, et l’on regrette qu’il ne soit pas apparu comme provenant de l’éther lors de sa première entrée, tandis que les deux solistes, la mezzo Anna Lucia Richter et la soprano Mari Eriksmoen ont donné à leur partie dans l’Urlicht (quatrième mouvement) pour la première, incarné pour la seconde, les deux enluminant le finale dans une résurrection enfin atteinte
Merveilleuse phalange que le Tonhalle-Orchester Zürich dirigé avec élégance et énergie par son directeur musical Paavo Järvi, a donné, plus de huit mois après un concert Schumann, Ligeti, Adams (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2025/03/le-tonhalle-orchester-zurich-et-paavo.html), un programme monographique consacré à une œuvre unique, la symphonie la plus immédiatement accessible de Gustav Mahler, la grandiose Symphonie n° 2 en ut mineur « Résurrection » composée entre 1888 et 1894 créée en deux étapes à Berlin en 1895, les trois premiers mouvement le 4 mars, l’intégralité le 13 décembre.
Contrastée et impressionnante, la
symphonie qui constituait la seule partition programmée a été admirablement
servie par ses interprètes. Cette œuvre dont le titre résonnait à l’esprit du
public comme une lueur d’espérance, au cœur de cet automne 2025 dominée par la
sinistrose et l’angoisse. La Symphonie n°
2 en ut mineur de Gustav Mahler commence en effet sur une monumentale marche
funèbre tendue comme un arc titubant en cinq sections intitulée Totenfeier (Cérémonie funèbre) que Mahler composa parallèlement à sa Symphonie n° 1 « Titan » en 1888, et se conclut en apothéose sur un
lumineux finale composé sur un poème de Friedrich Gottlieb Klopstock
(1724-1803), Auferstehung (Résurrection) que Mahler avait entendu en
février 1894 durant les funérailles de son confrère et aîné Hans von Bülow, fondateur
du Berliner Philharmoniker mort au cours d’un voyage en Egypte, les deux volets
extrêmes étant réunis par trois mouvements s’ouvrant peu à peu sur la lumière.
Le centre de la partition est le bref mais sublime Urlicht (Lumière originelle) pour mezzo-soprano et orchestre
tiré de Des Knaben Wunderhorn (le Cor merveilleux de l’enfant),
« Ô rose rouge : / l’homme est dans la misère la plus grande, /
l’homme est dans la plus grande souffrance / ah, combien je préfèrerais être au
ciel !… »
A la tête d’un Orchestre
zurichois aux sonorités de braise, dont l’homogénéité s’est immédiatement imposée,
dès la première mesure qui peut se faire désordonnée, avec un Allegro maestoso initial d’une unité
confondante mais laissant néanmoins percer les marbrures, Paavo Järvi a donné
de la Résurrection une lecture au
cordeau, serrant les tempi tout
en maintenant une souplesse qui lui a permis d’éviter pathos et emphase,
pour instiller à l’œuvre l’élan de la jeunesse, mais aussi la virulence, l’ampleur,
l’onirisme et l’éclat conquérant qui en forment l’essence. Dans l’Urlicht,
la mezzo-soprano rhénane Anna Lucia Richter a imposé son chant profond de sa
voix de velours au nuancier superbement expressif. La soprano norvégienne Mari
Eriksmoen, voix droite mais fort expressive lui a donné une réplique lumineuse
dans le finale, où le Chœur de la Zürcher Sing-Akademie (Académie de chant de
Zürich) a répondu avec élan, au point de négliger le pianississimo de sa première entrée, à la direction enflammée mais
parfaitement maitrisée du chef estonien, magnifiant la plastique de son
orchestre, singulièrement équilibré au point de rendre parfaitement
intelligible la complexité de la polyphonie et de la polyrythmie de la partition
confiées à un orchestre aux effectifs considérables (1), dans une vision engagée
et à l’ample nuancier.
Bruno Serrou
1) Quatre
flûtes/quatre piccolos, quatre hautbois/deux cors anglais, cinq clarinettes/une
clarinette basse, quatre bassons/un contrebasson, dix cors, huit trompettes,
quatre trombones, tuba contrebasse, deux timbaliers, six percussionnistes,
glockenspiel, orgue, deux harpes, seize premiers violons, quatorze seconds,
douze altos, douze violoncelles, dix contrebasses - six trompettes, quatre cors
et une paire de timbales sont en outre dans les coulisses avant de se joindre à
l’orchestre sur le plateau dans les dernières mesures du finale




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