Paris. Philharmonie. Amphithéâtre - Cité de la Musique. Mardi 26 novembre 2025
Concert très court mais plaisant mardi soir en l’amphithéâtre de la Cité de la Musique - Philharmonie de Paris, par un quatuor à cordes peu couru, sans second violon mais avec contrebasse, par des membres de l’Orchestre de Paris, Page Blanche Quartet mettant en miroir Béla Bartók et Serge Prokofiev dans dans des arrangements superbement réalisés par le violoniste et le contrebassiste, programme justement intitulé « Miniatures », ce qui se révèle finalement assez frustrant compte tenu de la qualité des arrangements et de l'excellence du jeu des musiciens dans la Suite pour piano op. 14 de Bartók, les extraits de Roméo et Juliette et des Visions fugitives de Prokofiev, mais un vrai bonheur dans les pages plus développées de la Suite de danses du Hongrois. Concert fort réussi qui se sera terminé sur un bis arrangé d’une page de Bill Evans « Lucky To Be Me »
Constitué du violoniste Joseph André, de l’altiste Flore-Anne Brosseau, du violoncelliste Paul-Marie Kuzma et du contrebassiste Ulysse Vigreux, tous membres de l’Orchestre de Paris, Page Blanche Quartet, que j’ai découvert hier, ont offert un programme pour le moins original réunissant deux compositeurs d’Europe de l’Est du XXe siècle, le Hongrois Béla Bartók (1881-1945) et le russe Serge Prokofiev (1891-1953). Intitulé avec à-propos « Miniature », le programme mettait en miroir deux cahiers de chacun des compositeurs, intégraux pour le premier, en extraits pour le second, de suites d’orchestre ou pour piano habilement arrangés par les deux titulaires des instruments à archet aux sonorités les plus distantes, le violoniste Joseph André et le contrebassiste Ulysse Vigreux. C’est ce dernier qui s’est chargé de transposer pour quatre archets la partition que Bartók écrivit pour les dix doigts du pianiste qu’il était, la Suite op. 14 Sz. 62, ensemble de quatre très courtes pièces datant de 1916 inspirées de danses roumaines et algériennes, ou d’esprit percussif et frénétique, d’une écriture toujours très pianistique, ce que la réalisation d’Ulysse Vigreux rend avec précision, tout en élargissant la palette sonore des pièces par la variété de son nuancier. Les transcriptions des extraits des Visions fugitives et de Roméo et Juliette de Prokofiev ont été partagées entre Joseph André et Ulysse Vigreux. Originellement destinée au piano, la première suite de miniatures, les Visions fugitives op. 22, date de 1918, les deux arrangeurs ayant sélectionné dix des vingt pièces, rendant en toute clarté les particularités de l’inspiration du compositeur russe, tour à tour virulent, ironique, tendre, humble, hésitant, sarcastique, féroce, extrêmement mobile. A l’écoute de ces enluminures, l’on se met à regretter la brièveté du propos, les changements de pages apparaissant peu ou prou un rien trop longuets. Pour la seconde suite, ils ont également retenus sept numéros du ballet Roméo et Juliette op. 64 composé en 1935, s’appuyant pour leur part sur la version pour piano de la main de l’auteur publiée en 1938 sous le numéro d’opus 75, augmentant cette réduction pour leur quatuor peu usité, ouvrant sur la délicieuse comptine La rue s’éveille, suivie du portrait de Juliette enfant tout en grâce juvénile, puis le tempétueux Montaigu et Capulet, apaisé par Frère Laurent, qu’interrompt brutalement l’ami de Roméo Mercutio, la suite se terminant sur la Danse des jeunes filles des Antilles, enfin les adieux de Roméo et Juliette avant la séparation.
Quatrième et dernier cahier du programme, l’intégrale de l’œuvre la plus populaire de Béla Bartók, la Suite de danses Sz. 77 composée en 1923 pour l’Orchestre de la Société Philharmonique de Budapest, qui en donna la création le 19 novembre de la même année sous la direction d’Ernö Dohnanyi. Quoique composée pour célébrer le cinquantenaire de la réunification de Buda, de Pest et d’Obuda, l’œuvre de Bartók puise non seulement dans les traditions hongroises mais aussi roumaines et algériennes, dans le but avoué de louer la fraternité entre les peuples. Les six danses de ce folklore aussi synthétique qu’imaginaire ont sonné dans l’arrangement d’Ulysse Vigreux pour un ensemble de quatre archets aux basses profondes une interprétation poétique et allante, particulièrement expressive et convaincante, rendant plus claires encore les lignes et les rythmes de cette partition initialement écrite pour un orchestre de plus de quatre-vingt musiciens traités comme autant de solistes par l’écriture somptueusement inventive de Bartók, le finale sonnant avec brio, suscitant l’enthousiasme du public, au point que le quatuor a dû offrir un bis, cette fois jazzy, puisqu’il s’est agi d’un standard du pianiste compositeur new-yorkais Bill Evans (1929-1980) pour son propre Trio, Lucky To Me.
Bruno Serrou



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