mercredi 29 novembre 2023

La maturité d’un pianiste de 26 ans au talent éblouissant, Bruce Liu, a envoûté la Philharmonie de Paris

Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Mardi 28 novembre 2023 

Bruce Liu. Photo : (c) Bruno Serrou

Un nom de karatéka au patronyme familial sorti de l'opéra Turandot de Giacomo Puccini, Canadien né à Paris d’origine chinoise, vainqueur du 18e Concours International de piano Frédéric Chopin de Varsovie en 2021, Bruce Liu est un musicien dans l’âme, comme il l’a confirmé mardi soir à la Philharmonie de Paris dans un programme mêlant XVIIIe, XIXe  et XXe siècles en un tout organique magistral. 

Bruce Liu. Photo : (c) Festival de La Roque d'Anthéron

Les caractéristiques du jeu de Bruce Liu est la souplesse, la grâce de son toucher, la simplicité de son geste pianistique, un son ample, lumineux et aérien à la fois dense, riche, puissant, étant le plus possible dans la musique, saluant peu, fort brièvement malgré l’enthousiasme du public, et se réinstallant rapidement devant le clavier. Le pianiste canadien a ouvert son récital sur la Suite française n° 5 en sol majeur BWV 816 de Johann Sebastian Bach. Le pianiste canadien en a donné une interprétation au cordeau, alternant les danses avec une élégance, un charme, un sens du discours et des contrastes et nuances extrêmes. L’enchaînement étant rapide, le public, extrêmement concentré, a pu mesurer ce que Frédéric Chopin doit à Bach, même dans la Sonate pour piano n° 2 en si bémol mineur op. 35 dite « Marche funèbre » en raison de son troisième mouvement, une marche poignante, que Bruce Liu a jouée sans excès, laissant la partition s’exprimer seule. Bruce Liu en a donné une interprétation d’une poésie et d’une ardeur flexible et enchanteresse, portée par un son intense et charnel. Mais je n’ai pas bien compris le rapport suivant dans la logique du programme, bien qu’il se soit agi de la seule concession à la musique dite « d’aujourd’hui », ici la moins créatrice, qui a consisté à donner à la suite de Chopin une pièce jazzy, les Variations op. 41 écrites en 1984 par le compositeur d’origine ukrainienne Nikolaï Kapoustine (1937-2020) sonnant comme du Erroll Garner ou du Thelonious Monk, l’impression de liberté du génie de l’improvisation en moins, jouée en bis par Dmitry Masleev voilà une dizaine de jours à l’issue de son récital au Théâtre des Champs(Elysées (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2023/11/le-captivant-recital-du-pianiste-russe.html). 

Bruce Liu. Photo : (c) Bruno Serrou

La seconde partie du récital a commencé sur Jean-Philippe Rameau extraits des Livres 2, Suite en ré, et 2, Suite en sol, des Pièces pour clavecin subjectives comme un livre d’images, une invitation au voyage, ses doigts agiles et ses mains fine et légères ont brillé dans les croisements de mains, fort nombreux, tout au long des cinq pièces de la sélection, dont deux extraites du deuxième livre, Suite en (Les Tendres Plaintes, Les Cyclopes) et trois du troisième livre, Suite en sol (le fameux Les Sauvages venu du finale des Indes galantes, la célèbre La Poule) et Suite en la (Gavotte et six doubles). Fort contraste ensuite, par le passage rapide entre les danses du XVIIIe siècle et le plus sombre du XXe siècle avec l’une des « sonates de guerre » de Serge Prokofiev, l’impressionnante et bouleversante Sonate pour piano n° 7 en si bémol majeur op. 83 (1943) de Serge Prokofiev. La conception de Bruce Liu de ces pages au souffle émotionnel et spirituel déchirant s’est avérée vive, contrastée, enluminée, virtuose, et surtout profondément humaine et d’une douleur pudique. Pour répondre aux rappels insistant d’un public qui l’a écouté avec ferveur dans un silence remarquable, Bruce Lui a offert trois bis, un Prélude de Bach, puis une Valse de Chopin enfin une page… non identifiée jouée avec partition.

Bruno Serrou 

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