samedi 30 novembre 2013

Retour sans conviction de "Les Puritains" de Bellini à l’Opéra de Paris dans la première production maison depuis la création de l’œuvre en 1835

Paris, Opéra national de Paris-Bastille, lundi 25 novembre 2013


Créé en 1835, huit mois avant la mort de son auteur, I Puritani (Les Puritains) de Vincenzo Bellini (1801-1835) n’est guère présent en France que par ses airs de bravoure, et il n’est que les discophiles pour être familiers de l’ouvrage entier. En effet, depuis l’immense succès de sa création au Théâtre-Italiens à Paris, ce melodramma serio en trois actes est peu représenté, l’unique production à l’Opéra de Paris remontant à 1987. Encore venait-elle de Cardiff…


Ultime opéra de Bellini né d’une commande de Rossini pour le Théâtre-Italiens de Paris, Les Puritains se fonde sur un livret italien de Carlo Pepoli tiré d’un drame français d’Ancelot et Saintine inspiré d’un roman de l’Ecossais Walter Scott. L’action alambiquée et lapidaire se déroule à Plymouth après la décapitation du roi Charles Ier. Une histoire d’amour se noue lors d’une rencontre entre opposants politiques, un Puritain partisan de Cromwell, et un Cavalier fidèle aux Stuart. A l’instar de Lucia di Lammermoor de Donizetti composé la même année, Les Puritains a été rendu célèbre par la scène de la folie du personnage féminin central, Elvire, fille de Puritain éprise du Cavalier Arturo.


L’Opéra de Paris s’adonne ici à l’économie, avec des décors tournant de Chantal Thomas réduits à l’état de fer forgé formant silhouettes de château et de salles et symbolisant l’enfermement psychologique des protagonistes et, surtout, la claustration de l’héroïne, dont la chambre-cellule est une cage à oiseaux. Seule tâche de couleur dans cet univers métallique parcouru de nuages noirs, un court feu de cheminée. La mise en scène de Laurent Pelly est minimaliste, comme ses costumes monochromes. Seule Elvira est être de chair. Les autres personnages ont des attitudes outrées souvent plantés sans savoir que faire. Pelly charge même le mélodrame, déplaçant dix-huit soldats en long, en large et en travers du plateau d’un pas pesant pour le moins caricatural, alors que la foule se meut façon derviches tourneurs. 


Les deux rôles principaux sont d’une exigence extrême, dotés de toute une série d’aigus surhumains, le ténor bénéficiant même d’un contre-fa. Maria Agresta (Elvira) et Dmitri Korchak (Arturo) ont l’organe idoine et sont d’une constante musicalité. Le reste de la distribution est à niveau, bien que pétrifié par la mise en scène, Mariusz Kwiecien (Riccardo, rival d’Arturo) et, surtout, le remarquable Michele Pertusi (Giorgio, oncle d’Elvira) rivalisant de vocalité. 


L’orchestre de Bellini est foisonnant. Les instruments à vent sont particulièrement sollicités, donnant aux personnages et aux sentiments couleurs et carnation, tandis que la partition reste dans les standards du belcanto. Michele Mariotti fait scintiller cuivres et bois mais il tend à couvrir les chanteurs qu’il pousse dans leurs réserves aux dépends du phrasé, des respirations et des nuances.

Bruno Serrou

Photos : (c) Andrea Messana, Opéra national de Paris


Cet article reproduit pour l’essentiel celui que j’ai écrit pour le quotidien La Croix publié le 29 novembre 2013

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