samedi 13 septembre 2025

L’Orchestre de Paris et Klaus Mäkelä ont conclu en fanfare avec Amériques de Varèse une première édition de « Les Prem’s » de la Philharmonie de Paris à l’écho public fort prometteur pour l’avenir de la musique

Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Jeudi 11 septembre 2025 

Klaus Mäkelä, Orchestre de Paris
Photo : (c) Orchestre de Paris

Le dernier des six concerts « Les Prem’s », nouvel événement créé par la Philharmonie de Paris à l’exemple des « Prom’s » de Londres (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2025/09/grand-succes-public-des-deux-premiers.html), est revenu à la formation « maison » et à son directeur musical Klaus Mäkelä. Après les deux programmes proposés en début de festival par le Gewandhausorchester, que pouvait-il se trouver de mieux que deux fanfares pour le clore en… fanfare en deux soirées avec le même programme aux élans festifs ?

Klaus Mäkelä, Orchestre de Paris
Photo : (c) Orchestre de Paris

En six rendez-vous, ce sont quelques treize mille festivaliers qui se sont bousculés à la Philharmonie, assis ou debout, soit une moyenne de deux mille cent soixante sept spectateurs par soirée, avec à chaque fois quelques sept cent cinquante personnes debout au parterre, le moment le plus couru étant naturellement le Philharmonique de Berlin dirigé par son directeur musical Kirill Petrenko dans la IXe Symphonie de Mahler (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2025/09/dans-une-philharmonie-de-paris-sold-out.html).

Vincent Lucas (flûte), Klaus Mäkelä, Orchestre de Paris
Photo : (c) Orchestre de Paris

C’est donc sur fanfare qu’a débuté chacune des deux parties du concert. La première était de l’Etats-Unien  Aaron Copland (1900-1990), intitulée Fanfare for the Common Man qui n’a pas de commun que le titre mais aussi le contenu. Commandé en 1942 par le chef d’orchestre Eugène Goosens (1893-1962) à la suite de l’attaque de Perl Arbor, tandis que le titre provient d’un discours exprimé par le vice-président des Etats-Unis Henry A. Wallace entre 1941 et 1945 qui a inspiré à l’auteur du ballet Appalachian Spring une pièce fort brève et simple à mémoriser qui fit tant d’effet aux premiers auditeur que Copland la reprit dans sa Troisième Symphonie, bien qu’elle n’apporte rien de vraiment significatif autre qu’un effet de puissance à réveiller un mort. Beaucoup moins pompeux mais moins convaincant encore tant elle a sonné vieillot avec ses atours néo-néo-classique post-Groupe des Six, une « création française » de Guillaume Connesson (né en 1970) intitulée Danses concertantes et référencé comme deuxième concerto pour flûte et orchestre. Composée en 2024, cette partition commandée par rien moins que quatre institutions - Royal Concertgebouw d’Amsterdam Orchestra, Tapiola Sinfonietta, New Zealand Symphony Orchestra qui en a donné la première exécution mondiale le 27 mars 2025 à Wellington, et de l’Orchestre de Paris – Philharmonie -, compte sept mouvements pour flûte solo et un orchestre réunissant bois, cors et trompettes par deux, timbales, percussion réduite et cordes en proportion avec deux contrebasses. Klaus Mäkelä a eu beau déployer une substantielle énergie pour dynamiser les musiciens de son orchestre et surtout soutenir son soliste, Vincent Lucas, pourtant brillant flûte solo de l’Orchestre de Paris depuis 1994 qui n’a pas réussi à intéresser vingt-cinq minutes durant tant lui-même a semblé s’ennuyer, exposant des sonorités continuellement monochromes. Fort heureusement, les klaxons franciliens et les rythmes syncopés d’Un Américain à Paris de George Gershwin ont opportunément réveillé concomitamment musiciens de l’Orchestre de Paris et public, y compris celui assistant a concert debout au pied de l’orchestre, plongeant dans l’esprit français, l’ambiance de la vie parisienne, les bruits de la ville, l’atmosphère de la capitale française chère aux étranger qui y séjournent que souhaitait célébrer le compositeur new-yorkais dans la première partie, avant de se faire nostalgique au point d’être emporté par la tristesse, les peines et la résilience du blues qui présente si parfaitement la mélancolie de l’Américain pour son pays. Tout cela a été intelligemment exprimé par l’Orchestre de Paris, animé avec fougue par Klaus Mäkelä, qui a porté son interprétation de façon un rien frénétique, au risque de saturer parfois l’espace acoustique.

Klaus Mäkelä, Orchestre de Paris
Photo : (c) Orchestre de Paris

La seconde partie était ouverte sur une seconde fanfare, de la même durée (trois minutes) que celle de Copland, à laquelle elle a fait écho au féminin à quarante-quatre ans de distance réalisée par la compositrice new-yorkaise Joan Tower (née en 1938), Fanfare for the Uncommon Woman n° 1, plus détonante encore que celle de son aîné, avec ses quatre cors, trois trompettes et trombones, tuba, timbales et percussion célébrant « la femme hors du commun ». Mais le moment phare de la soirée, ce pourquoi la majorité du public était venu deux soirs de suite assister au concert d’ouverture de saison de l’Orchestre de Paris, a été l’extraordinaire Amériques du plus Etats-Unien des Français, Edgard Varèse (1883-1965). Rarement programmée en raison des effectifs exceptionnels requis pour une œuvre de moins d’une demi-heure, cette partition saisissante a toujours été fort bien servie par l’Orchestre de Paris, qui ne l’a programmée qu’à cinq reprises avant cette semaine depuis 1971 mais dirigée chaque fois par des chefs de premier plan (les compositeurs Marius Constant, Pierre Boulez et Michael Gielen, et les chefs Alan Gilbert et Alain Altinoglu, ce dernier voilà deux ans). Cette fois, c’est la version révisée en 1927-1929 qui a été retenue et non pas celle de 1918-1922 plus fournie (cent quatre musiciens au lieu de cent soixante cinq, version dont je me souviens d’une exécution dirigée par Pierre Boulez à la tête du Gustav Mahler Jugendorchester). Après avoir discrètement donné le signe du départ de l’exécution, le chef finlandais a laissé l’orchestre prendre l’initiative, ce somptueux poème symphonique étant magnifiquement ouvert par la flûte en sol et les deux harpes auxquelles sonnant comme une pièce d’orchestre de Debussy, la phalange parisienne a donné une somptueuse résonance, chaque pupitre et groupe de pupitres rivalisant en transparence et nuances en réponse aux sollicitations exprimées en larges gestes insistants, même si quelques placages de plans-séquences se sont avérés un rien trop secs, mais le crescendo embrasé à mi-parcours de l’œuvre jusqu’à l’ultime accord a été superbement senti sans jamais saturer l’espace. Succès public, surtout de la part de sa partie debout au parterre, qui est resté stoïque vingt-cinq minutes durant, comme pétrifié par ce qu’il entendait pour beaucoup pour la première fois, surpris par la puissance sonore, la diversité des timbres, le magnétisme de la rythmique plus hypnotique infiniment plus riche et renouvelé qu’il a l’habitude d’entendre.

Klaus Mäkelä, Orchestre de Paris
Photo : (c) Bruno Serrou

Reste à souhaiter que la réussite incontestable de ces « Prem’s 2025 » conduise la Philharmonie de Paris à poursuivre l’expérience, pour que ce festival d’orchestres devienne un événement « incontournable » à l’instar des « Prom’s » de Londres, et relayé par une antenne radiophonique, comme le fait la BBC au Royal Albert Hall.

Bruno Serrou

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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