Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Jeudi 11 septembre 2025
Le dernier des six concerts « Les Prem’s
», nouvel événement créé par la Philharmonie de Paris à l’exemple des « Prom’s »
de Londres (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2025/09/grand-succes-public-des-deux-premiers.html),
est revenu à la formation « maison » et à son directeur musical Klaus Mäkelä. Après
les deux programmes proposés en début de festival par le Gewandhausorchester, que
pouvait-il se trouver de mieux que deux fanfares pour le clore en… fanfare en
deux soirées avec le même programme aux élans festifs ?
En six rendez-vous, ce sont quelques
treize mille festivaliers qui se sont bousculés à la Philharmonie, assis ou
debout, soit une moyenne de deux mille cent soixante sept spectateurs par soirée, avec à
chaque fois quelques sept cent cinquante personnes debout au parterre, le
moment le plus couru étant naturellement le Philharmonique de Berlin dirigé par
son directeur musical Kirill Petrenko dans la IXe Symphonie de Mahler (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2025/09/dans-une-philharmonie-de-paris-sold-out.html).
C’est donc sur fanfare qu’a débuté
chacune des deux parties du concert. La première était de l’Etats-Unien Aaron Copland (1900-1990), intitulée Fanfare for the Common Man qui n’a pas
de commun que le titre mais aussi le contenu. Commandé en 1942 par le chef d’orchestre
Eugène Goosens (1893-1962) à la suite de l’attaque de Perl Arbor, tandis que le
titre provient d’un discours exprimé par le vice-président des Etats-Unis Henry
A. Wallace entre 1941 et 1945 qui a inspiré à l’auteur du ballet Appalachian Spring une pièce fort brève
et simple à mémoriser qui fit tant d’effet aux premiers auditeur que Copland la
reprit dans sa Troisième Symphonie,
bien qu’elle n’apporte rien de vraiment significatif autre qu’un effet de
puissance à réveiller un mort. Beaucoup moins pompeux mais moins convaincant
encore tant elle a sonné vieillot avec ses atours néo-néo-classique post-Groupe
des Six, une « création française » de Guillaume Connesson (né en
1970) intitulée Danses concertantes et
référencé comme deuxième concerto pour
flûte et orchestre. Composée en 2024, cette partition commandée par rien
moins que quatre institutions - Royal Concertgebouw d’Amsterdam Orchestra,
Tapiola Sinfonietta, New Zealand Symphony Orchestra qui en a donné la première
exécution mondiale le 27 mars 2025 à Wellington, et de l’Orchestre de Paris –
Philharmonie -, compte sept mouvements pour flûte solo et un orchestre
réunissant bois, cors et trompettes par deux, timbales, percussion réduite et cordes
en proportion avec deux contrebasses. Klaus Mäkelä a eu beau déployer une
substantielle énergie pour dynamiser les musiciens de son orchestre et surtout soutenir
son soliste, Vincent Lucas, pourtant brillant flûte solo de l’Orchestre de
Paris depuis 1994 qui n’a pas réussi à intéresser vingt-cinq minutes durant
tant lui-même a semblé s’ennuyer, exposant des sonorités continuellement monochromes.
Fort heureusement, les klaxons franciliens et les rythmes syncopés d’Un Américain à Paris de George Gershwin
ont opportunément réveillé concomitamment musiciens de l’Orchestre de Paris et
public, y compris celui assistant a concert debout au pied de l’orchestre,
plongeant dans l’esprit français, l’ambiance de la vie parisienne, les bruits
de la ville, l’atmosphère de la capitale française chère aux étranger qui y
séjournent que souhaitait célébrer le compositeur new-yorkais dans la première
partie, avant de se faire nostalgique au point d’être emporté par la tristesse,
les peines et la résilience du blues qui présente si parfaitement la mélancolie
de l’Américain pour son pays. Tout cela a été intelligemment exprimé par l’Orchestre
de Paris, animé avec fougue par Klaus Mäkelä, qui a porté son interprétation de
façon un rien frénétique, au risque de saturer parfois l’espace acoustique.
La seconde partie était ouverte sur
une seconde fanfare, de la même durée (trois minutes) que celle de Copland, à
laquelle elle a fait écho au féminin à quarante-quatre ans de distance réalisée
par la compositrice new-yorkaise Joan Tower (née en 1938), Fanfare for the Uncommon Woman n° 1, plus détonante encore que celle
de son aîné, avec ses quatre cors, trois trompettes et trombones, tuba,
timbales et percussion célébrant « la femme hors du commun ». Mais le
moment phare de la soirée, ce pourquoi la majorité du public était venu deux
soirs de suite assister au concert d’ouverture de saison de l’Orchestre de
Paris, a été l’extraordinaire Amériques du
plus Etats-Unien des Français, Edgard Varèse (1883-1965). Rarement programmée
en raison des effectifs exceptionnels requis pour une œuvre de moins d’une demi-heure,
cette partition saisissante a toujours été fort bien servie par l’Orchestre de
Paris, qui ne l’a programmée qu’à cinq reprises avant cette semaine depuis 1971
mais dirigée chaque fois par des chefs de premier plan (les compositeurs Marius
Constant, Pierre Boulez et Michael Gielen, et les chefs Alan Gilbert et Alain
Altinoglu, ce dernier voilà deux ans). Cette fois, c’est la version révisée en
1927-1929 qui a été retenue et non pas celle de 1918-1922 plus fournie (cent quatre
musiciens au lieu de cent soixante cinq, version dont je me souviens d’une
exécution dirigée par Pierre Boulez à la tête du Gustav Mahler Jugendorchester).
Après avoir discrètement donné le signe du départ de l’exécution, le chef finlandais
a laissé l’orchestre prendre l’initiative, ce somptueux poème symphonique étant
magnifiquement ouvert par la flûte en
sol et les deux harpes auxquelles sonnant comme une pièce d’orchestre de
Debussy, la phalange parisienne a donné une somptueuse résonance, chaque
pupitre et groupe de pupitres rivalisant en transparence et nuances en réponse
aux sollicitations exprimées en larges gestes insistants, même si quelques
placages de plans-séquences se sont avérés un rien trop secs, mais le crescendo embrasé à mi-parcours de l’œuvre
jusqu’à l’ultime accord a été superbement senti sans jamais saturer l’espace.
Succès public, surtout de la part de sa partie debout au parterre, qui est
resté stoïque vingt-cinq minutes durant, comme pétrifié par ce qu’il entendait
pour beaucoup pour la première fois, surpris par la puissance sonore, la
diversité des timbres, le magnétisme de la rythmique plus hypnotique infiniment
plus riche et renouvelé qu’il a l’habitude d’entendre.
Reste à souhaiter que la réussite incontestable de ces « Prem’s 2025 »
conduise la Philharmonie de Paris à poursuivre l’expérience, pour que ce
festival d’orchestres devienne un événement « incontournable » à l’instar
des « Prom’s » de Londres, et relayé par une antenne radiophonique,
comme le fait la BBC au Royal Albert Hall.
Bruno Serrou
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