Paris. Théâtre des Champs-Elysées. Mardi 16 septembre 2025
Concert ce soir Théâtre des Champs-Elysées des Münchner Philharmoniker dirigés par l’excellent chef israélien Lahav Shani, leur nouveau directeur musical désigné, avec en soliste l’impressionnante Lisa Batiashvili et son Guarneri de 1739 aux sonorités à la fois moelleuses et lumineuses, dans le Concerto pour violon de Beethoven hélas terni par le choix de la trop longue et échevelée cadence d’Alfred Schnittke. Mais la fusion soliste/orchestre a fait merveille. En bis le Liebesleid de Fritz Kreisler avec Shani au piano droit jouant avec délectation avec Batiashvili. En seconde partie une chaleureuse, souple et précise Huitième de Schubert puis un Prélude et Mort d’Isolde de Wagner intense et nuancé mais manquant légèrement d’allant. Ovation debout pour le chef et l’orchestre, le public rattrapant la « fausse note » du début où un con plus que con a crié « Israël plus que nazi! » vite interrompu par la majorité du public
Difficile pour des artistes de débuter un concert après avoir reçu en entrant sur scène en pleine face les hurlements menaçants d’un quidam anonyme la morve haineuse dégoulinant de sa bouche « Israël pire que les nazis ! », cela en écho de l’annulation scandaleuse du festival de Gand (Belgique flamande) du concert des remarquables musiciens réunis hier soir au Théâtre des Champs-Elysées, pour les raisons oiseuses qui n’ont pas leur place dans un théâtre, qu’il soit lyrique, de concerts ou dramatique, tandis que les artistes conspués ne sont responsables en rien de la situation inhumaine qu’un gouvernement assassins inflige au nom d’un pays qu’il dirige à un autre peuple qu’il est en train d’éradiquer, tandis qu’à l’intérieur du pays fauteur de violences insupportables une large part des citoyens manifeste chaque soir leur désapprobation dudit gouvernement et le conspue. La raison invoquée par les donneurs de leçons, qu’ils soient Gantois ou Parisiens, le fait que le chef d’orchestre est le directeur musical du Philharmonique d’Israël, phalange remarquable qu’il s’apprête à quitter pour prendre les à la tête du Philharmonique de Munich, et que la soliste s’est activement engagée contre la guerre et l’antisémitisme.
C’est avec un grand plaisir que l’on retrouvait le Münchner Philharmoniker, orchestre fondé en 1893 qui fit notamment la création de chefs-d’œuvre comme les Symphonies n° 8 « des Mille » et Das Lied von der Erde de Mahler, l’Interludium de Lutoslawski, Camminantes de Nono, Unbenannt de Rihm, Kalligraphien de Hans Zender, et qui eut pour directeurs musicaux comme Hans Rosbaud, Rudolf Kempe, Sergiu Celibidache, Lorin Maazel, tandis que Lahav Shani succède à Valeri Gergiev « remercié » en 2023 en raison de ses relations privilégiées avec le président Poutine mais ne prendra officiellement le poste la saison prochaine. Il n’aura fallu que fort peu de temps pour que les musiciens trouvent leurs marques pour plonger esprit et corps dans la musique. Et quelle musique ! Rien moins que l’empereur des concertos pour violon, celui ré majeur op. 61 de Beethoven. Quoique logiquement joués pianissimo du fond du plateau, les quatre coups de timbales ouvrant le concerto ont permis à tous, musiciens et public, de retrouver ses esprits et de se concentrer sur l’exécution et l’écoute de l’œuvre. A la différence de 2014 en ce même théâtre mais avec le Philharmonique de Rotterdam et Yannick Nézet-Seguin, Lisa Batiashvili la violoniste géorgienne a joué par cœur le chef-d’œuvre de Beethoven. Il faut dire que si elle le fit, ce fut essentiellement en raison de la cadence qu’elle avait choisie, différente de celle généralement retenue, puisqu’il s’agissait de celle réalisée par le compositeur russe Alfred Schnittke, la violoniste géorgienne, qui vit à Paris auprès de son époux hautboïste François Leleux, ajoutant en outre une cadence dans le mouvement final.
L’on sait que Beethoven n’a pas écrit de cadences pour son concerto pour violon, mais il en existe une pour piano seul et une seconde pour piano avec timbales que le compositeur a rédigées pour sa propre transcription pour piano et orchestre de cette même partition. Cette fois, Lisa Batiashvili n’a exécuté que la cadence du premier mouvement, toujours celle de Schnittke, jouant avec une dextérité telle que tout était musique et pur enchantement. Après un Allegro ma non troppo d’une densité et d’une variété éblouissantes, soutenue par un orchestre bavarois aux carnations colorées et fluides, la violoniste a brossé un Larghetto central dont elle a exalté sans pour autant traîner le chant luminescent, le chef partageant la conception lyrique de sa partenaire, sans pathos, soliste et orchestre sollicitant l’onirisme de cet intense Larghetto, alliant leurs admirables sonorités, brillantes et fruitées, tandis que le jeu de la violoniste est étincelant et sûr, les sautés de cordes joués avec dextérité, tandis que l’accompagnement de l’orchestre bavarois est particulièrement onctueux. Afin de répondre aux ovations du public qui les applaudissait tous deux, soliste et chef ont offert un bis commun, après que la régie ait fait installer un piano droit côté jardin, pour une valse douce-amère du violoniste compositeur Fritz Kreisler (1875-1962), Liebesleid pour violon et piano pour le plus grand plaisir de l’auditoire.
En seconde partie, deux œuvres aux relations peu évidentes, si ce n’était l’expressivité, la Symphonie « Inachevée » de Franz Schubert (1797-1828) et le Prélude et Mort d’Isolde de Richard Wagner (1813-1883). Une Symphonie n° 8 en si mineur D. 759 dont seuls les deux premiers mouvements sont complets, menée toute en fines nuances, magnifiée par des bois admirables, particulièrement le hautbois et la clarinette, toutes deux tenues par des femmes. Enfin, l’orchestre au grand complet côté instruments à vent - les cordes ont été en nombre constant (14, 12, 10, 8, 5) -, a donné des deux passages les plus joués en concert de Tristan und Isolde de Wagner une interprétation intense et nuancé mais manquant légèrement d’allant.
Bruno Serrou
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