Paris. Théâtre des Champs-Elysées. Mardi 25 mars 2025
Terrible épreuve que d’assister à une production particulièrement réussie et signifiante de Werther de Jules Massenet au moment où l’on vit précisément les mêmes épreuves que le héros de Goethe/Massenet aussi ardente que celle que j’ai vue ce soir au Théâtre des Champs-Elysées portée jusqu’à la déraison et à la folie par le couple exceptionnel Benjamin Bernheim (Werther / Marina Viotti (Charlotte) superbement entouré, dans une mise en scène limpide de Christof Loy créée à La Scala de Milan dirigée jusqu’à la déchirure par Marc Leroy-Calatayud à la tête de l’ensemble Les Siècles effervescent
Créé en allemand à Vienne en 1892, présenté pour la première fois en France à l’Opéra de Paris en 1893, Werther est avec Manon l’œuvre emblématique de Jules Massenet. Puisant dans le roman épistolaire de Goethe Les souffrances du jeune Werther, Massenet exalte le pathos romantique tout en évitant la facilité. Il suffisait à la fin de la représentation de mardi d’écouter les réactions du public pour mesurer combien Werther continue de toucher jusqu’aux plus réfractaires à l’art lyrique.
Mue par une direction d’acteur réglée au cordeau, la production présentée par le Théâtre des Champs-Elysées, créée à La Scala de Milan en juin 2024, est d’une grande limpidité. Dans un décor unique de Johannes Leiacker situant parfaitement l’action, qui se déroule pour l’essentiel à l’avant-scène devant un mur de séparation intérieur muni d’une double porte coulissante donnant sur un séjour avec en son centre un mobilier bourgeois ouvrant sur un parc, le metteur en scène Christof Loy met en évidence le sentiment hypertrophié d’un romantisme exacerbé, qui devient le seul élément guidant le protagoniste central qui a face à lui une femme de devoir. Werther est sous l’emprise de l’émotion et de l’égotisme, entre sublime et nature à laquelle il voue un véritable culte, tandis que Charlotte se doit d’exclure toute expression de son ressenti.
Outre sa
limpidité et son efficacité dramatique, ctimbre
délicieusement brûlant un timbre lumineux, coloré et une vocalité incroyablement
souple capable de toutes les prouesses expressives, du susurré jusqu’au cri, la
mezzo-soprano franco-suisse éblouit dans ce rôle qu’elle a fait sien. Dur et froid puis ardent et suppliant. bert dur et froid, puis meurtri et suppliant, Sandra
Hamaoui est une radieuse Sophie, Marc Scoffoni un excellent Bailli, à l’instar
de Yuri Kissin en Johann et Rodolphe Briand en Schmidt. A la tête d’un Orchestre
Les Siècles en très grand forme, après quelques sécheresse dans le premier
tableau, le jeune chef vaudois Marc Leroy-Calatayud prend la partition à bras
le corps, dirigeant avec énergie et un sens du chant et du drame affûté,
portant scène et fosse jusqu’à la fusion dans de prodigieux troisième et
quatrième actes réunis par un bouleversant interlude, les nombreux solos instrumentaux permettant aux
divers pupitres de briller, tandis que le chœur d’enfants de la Maîtrise des
Hauts-de-Seine et ses solistes forment une joyeuse équipe.
Bruno Serrou
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