jeudi 20 avril 2023

CD : Onze lieder orchestrés par Franz Liszt somptueusement interprétés par Thomas Hampson et l’Orchester Wiener Akademie dirigé par Martin Haselböck

Le label Aparté, sous l’égide de la Liszt Akademie d’Autriche, propose un très beau disque de pages peu enregistrées du compositeur hongrois, du moins sous leur forme pour voix avec orchestre. Célébré comme l’un des plus grands génies pianistiques de l’histoire, reconnu pour son œuvre d’inspiration religieuse et pour ses poèmes symphoniques, genre dont il est l’initiateur, Franz Liszt (1811-1886) demeure peu connu comme auteur de lieder. Or, il en composa sa vie durant sur des poèmes de toutes origines linguistiques, française, italienne, russe et surtout allemande.

En 1987, sous la férule du pianiste Cyril Huvé et de Radio France, paraissait sous étiquette ADDA un coffret de quatre CDs présenté comme une intégrale des lieder avec accompagnement de piano de Franz Liszt en soixante-quatorze  partitions. Chantée par la soprano Donna Brown, la mezzo-soprano Gabriele Schreckenbach, le ténor Ernst Haefliger, le baryton-basse Philippe Huttenlocher et la basse Guy de Mey, Huvé faisait découvrir dans cette somme un cursus ignoré mais passionnant, où se trouvaient plusieurs pages ayant clairement inspiré le gendre du compositeur, Richard Wagner (1813-1883), y compris le fameux accord dit « de Tristan ». Autre référence, le coffret de trois CDs de Dietrich Fischer-Dieskau et Daniel Barenboïm chez DG également paru pour le centenaire de la naissance du compositeur…

Le projet de Martin Haselböck avec Thomas Hampson est tout autre. Il s’agit pour le chef d’orchestre organiste autrichien, le baryton états-unien et trois de ses confrères de réunir en un CD les lieder que Liszt a dédiés à la voix avec orchestre dont une seule mélodie française, intégrant ses adaptations de lieder parmi les plus fameux de Franz Schubert (1797-1828) dont il a par ailleurs arrangé un certain nombre pour piano solo. Ainsi, parmi les onze lieder réunis ici, six sont entièrement de la main de Liszt - un seul sur un texte français de Pierre-Jean de Béranger (1780-1857), Le Juif errant de 1847 - dont quatre en premières mondiales, et cinq arrangements de pages de Franz Schubert, dont une première discographique. Cette somme embrasse différents aspects de la création de Liszt, et met en exergue le lyrisme brûlant et la puissance expressive caractéristiques du compositeur hongrois. En outre, ce disque permet de découvrir des versions orchestrales inédites de lieder de Schubert par Liszt.

De Liszt tout d’abord, le lugubre Der Doppelgänger (Le Double) sur un poème de Heinrich Heine (1797-1856), Die drei Zigeuner (Les trois Tzigane) sur des vers de Nikolaus Lenau, le sombre Die Vätergruft (La Crypte ancestrale) de 1844 tiré d’une ballade de Ludwig Uhland (1787-1862) qui est aussi l’ultime travail de Liszt avant sa mort le 31 juillet 1886 à Bayreuth, et ses propres œuvres, Weimars Toten (Mort de Weimar), premier des lieder que Liszt a directement écrit pour l’orchestre en 1849 - la version avec piano est postérieure - pour le centenaire de Goethe sur un texte de Franz von Schober (1796-1882), intime de Schubert, Le Juif errant et Der Titan (Le Titan), ce dernier orchestré en 1848 et composé à l’origine pour chœur d’hommes à quatre voix et piano sur un texte de Schober. A l’exception du Juif errant, la plupart de ces pages ont été orchestrées dans les années 1860. Y compris les cinq lieder de Schubert dont Liszt avait préalablement entendu diverses orchestrations à Paris dans les années 1830 chantés par le ténor Adolphe Nourrit (1802-1839) avec qui il les avait interprétés : Die junge Nonne (La jeune Nonne) sur un poème de Jacob Nicolaus Craigher de Jachelutta, Gretchen am Spinnrade (Marguerite au Rouet), Lied der Mignon, Der Erkönig (Le Roi des Aulnes), tous trois sur des poèmes de Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832), et Der Doppelgänger évoqué plus haut.  

Ces onze lieder sont remarquablement interprétés par l’un des maîtres du Lied, le baryton Thomas Hampson, ainsi que par la soprano sud-coréenne Sunhae Im, la mezzo-soprano allemande Stephanie Houtzeel et le baryton-basse polonais Tomasz Koniecny, qui dialoguent avec une formation dont Liszt est l’ADN, l’Orchester Wiener Akademie jouant sur instruments anciens, partenaire privilégié du Festival International Liszt qui, dirigé par celui qui l’a fondé en 1985, Martin Haselböck, s’est donné pour mission de jouer et enregistrer tout l’œuvre pour orchestre du plus universel des compositeurs hongrois, Franz Liszt.

Bruno Serrou

Liszt « Orchestral Songs ». Thomas Hampson, Sunhae Im, Stephanie Houtzeel, Thomas Konieczny, Chorus Viennensis, Orchester Wiener Akademie. Direction : Martin Haselböck. 1 CD APARTE « Resound » AP324. Durée : 1h 06mn. Enregistré en 2021-2022. DDD

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