Paris. Opéra de Paris, Palais Garnier. Mardi 1er février 2022
La dramaturge britannique opte pour la mise en abîme du théâtre dans le
théâtre, jusqu’au finale qui reprend l’idée déjà usée de le foyer de la danse
de l’Opéra Garnier au fond du plateau. Il en résulte une mise en scène
prétentieuse et confuse, qui tombe à plat tant elle est sans rebonds, ni peps ni
surprises. L’action se déroule dans les coulisses de l’Opéra Garnier, entre
loges, ateliers, dessous et plateau, ce qu’indique le décor au public sitôt son
entrée dans la salle, le rideau ouvert mettant en évidence des indications de
situations et de lieux, comme « pendrillon mobile », « côté
jardin », « côté cour », tandis qu’un chronomètre égrène le
temps qui s’écoule jusqu’au centième de seconde toute l’ouverture durant, à
peine plus de quatre minutes, et qui réapparaîtra de temps à autres, tandis qu’à
l’avant-scène des portes numérotées s’ouvrent sur des loges d’artistes solistes,
du chœur et des figurants, ainsi que sur des ateliers. Et comme il fallait s’y
attendre, cette « folle journée » n’a évidemment pas échappé à la vague
#MeToo, de façon infiniment moins
subtile et jubilatoire que l’avaient fait Jean-Philippe Clarac et Olivier Delœuil
du collectif Le Lab dans la Trilogie
Mozart/Da Ponte présentée Théâtre de La Monnaie de Bruxelles en février 2020, ne
craignant pas d’aller à l’encontre de l’esprit libertin et luxuriant des
auteurs de l’œuvre, réduisant la joute à une fade rivalité entre les sexes qui
perd le spectateur dans la question « qui est dupé par qui ? », lestant
à l’envi les relations femmes/hommes, les seconds étant forcément des salauds
et des obsédés sexuels, les premières inévitablement des victimes.
Sur le plan musical, cette nouvelle production des Noces de Figaro a été victime des aléas de la pandémie de la COVID-19. Il convient donc saluer tout la persévérance de tous les intervenants du spectacle. En effet, après une première sans incidents, la COVID s’est répandue sur le plateau et dans la fosse à partir de la troisième représentation. Ainsi, après l’annulation de cette dernière, les dates suivantes ont connu leurs lots de remplacements, autant parmi les solistes que dans le chœur et dans l’orchestre. Etant à Lille pour la création de Like Flesh de Sivan Eldar (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2022/01/avec-like-flesh-de-sivan-eldar-et.html), je n’ai pas pu assister à la première des Noces placée le même soir, tandis que celle à laquelle je devais me rendre, mardi 25 janvier, était annulée, j’ai dû attendre le 1er février pour assister au spectacle. Et pour conforter les menaces sanitaires qui ne cessent de peser sur les représentations, l’on relève ce soir-là le port de masques FFP2 par les choristes, ainsi que par un certain nombre de solistes, dont le Comte, la Comtesse, Marcelline, Bartolo… Ce qui augure mal de ce qui allait s’ensuivre. Et en effet, les déséquilibres se sont avérés flagrants. Malgré ce report en effet, la distribution était de nouveau modifiée. Ainsi n’ai-je pu entendre le Comte de Peter Mattei, mais celui de Christopher Maltman, qui excelle dans ce rôle après avoir conquis le public dans Œdipe d’Enesco à Bastille en septembre dernier (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2021/09/dipe-de-georges-enesco-fait-enfin.html).
Malgré le masque, sa voix demeure puissante et colorée, son articulation claire, mais il est meilleur encore parce que libre de toute entrave dans son récitatif et air du troisième acte « Hai già vinta la causa ?... Vedrò mentr’io sospiro » pour lequel il a la bonne idée de retirer son masque, profitant du fait qu’il est seul en scène. Ce qui n’est jamais le cas de Maria Berngtsson, masquée du début à la fin, quelle que soit sa situation, entourée ou solitaire dans sa loge, si bien qu’elle est continuellement inaudible et incompréhensible. A l’instar de Dorothea Röschmann en Marcelline, et James Creswell en Bartolo, tandis que Christophe Mortagne, qui campe les rôles de Basilio et de Curzio, se bat avec la justesse. Luca Pisaroni est un Figaro trop discret et falot, tandis que Ying Fang est une Suzanne rayonnante et Léa Desardes est un Cherubino déluré et entreprenant.
Mais là où le bât blesse le plus, c’est dans la fosse. Gustavo Dudamel surprend par le manque de souplesse, de luminosité, de dynamisme, d’énergie, de sensualité de sa conception, des contrastes et une musicalité atones, la fadeur des couleurs de son orchestre, qui n’est en aucun cas de la responsabilité des musiciens de l’Opéra, en dépit de plusieurs changements de titulaires parmi les pupitres solistes, particulièrement du côté des instruments à vent.
Bruno Serrou
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire