jeudi 11 novembre 2021

Le sobre mais lumineux Eugène Onéguine de Tchaïkovski du Théâtre des Champs-Elysées

 Paris. Théâtre des Champs-Elysées. Mercredi 10 novembre 2021

Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893), Eugène Onéguine. Photo : (c) Théâtre des Champs-Elysées

Adapté par le compositeur et Constantin Chilovski du roman éponyme d’Alexandre Pouchkine, Eugène Onéguine de Piotr Illitch Tchaïkovski est l’un des opéras les plus populaires du répertoire. Pourtant, il y a longtemps qu’il n’était pas réapparu sur une scène lyrique parisienne. C’est dire combien son retour était attendu.

Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893), Eugène Onéguine. Gelena Gaskarova (Tatiana), Jean-Sébastien Bou (Onéguine). Photo : (c) Théâtre des Champs-Elysées

De cette histoire au romantisme exacerbé, Stéphane Braunschweig tire sans jamais en trahir l’essence une action de toute éternité, celle d’un héros (Onéguine) sans but et d’un égoïsme indifférent à tout ce qui l’entoure, à commencer par l’amour d’une jeune fille (Tatiana), se plaît à susciter la jalousie de son meilleur ami (Lenski) qu’il pousse au duel en charmant lourdement sa fiancée (Olga) et qu’il tue, mais finira par regretter d’avoir rejeté la femme qui l’aimait et qui a fini par épouser un prince (Grémine) sans pour autant l’oublier, et à qui il essaye vainement de l’arracher…

                         Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893), Eugène Onéguine. Photo : (c) Théâtre des Champs-Elysées

Dans sa scénographie quasi nue plus symboliste que réaliste, permettant une grande liberté dans l’espace pour le développement de l’action, qui s’exprime sur la totalité du plateau du Théâtre des Champs-Elysées parfois resserrée par un cadre mural rectangulaire à trois côté orné de deux jeux de deux fois trente chaises, de tables de casino et d’une chambre s’y intégrant par le dessous de scène, un décor uniformément blanc, ornementé par les seuls tissus colorés des élégants costumes de Thibault Vancraenenbroeck, Stéphane Braunschweig, en véritable homme de théâtre, sait ce que direction d’acteur signifie. Il donne en effet à chacun de ses protagonistes une humanité et une authenticité remarquable, y compris dans les chœurs, qu’il sait faire bouger comme trop peu de metteurs en scène d’opéra, jusqu’à les faire danser avec art. Braunschweig a réussi cette gageure dans un opéra pourtant réputé réfractaire au théâtre, remarquablement servi il est vrai par la cohésion totale entre solistes, chœur et orchestre.

                  Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893), Eugène Onéguine. Photo : (c) Théâtre des Champs-Elysées

Gelena Gaskarova, Tatiana déjà en 2010 à Pleyel dans une version concertante de l’Orchestre National du Capitole de Toulouse sous la direction de Tugan Sokhiev. La soprano pétersbourgeoise a campé une magnifique et touchante Tatiana, et sa présence rayonnante, la grâce infinie de sa ligne de chant, le vif argent de son timbre ont transcendé certaines duretés dans l’aigu et des fortissimos légèrement décolorés. Jean-Sébastien Bou, s’impose en campant un Onéguine complexe, dur et froid puis ardent et suppliant. Autre chanteur impressionnant, le brûlant Lenski de Jean-François Borras, ténor puissant, solide, à la voix vif-argent, tandis que Jean Tietgen est un Prince Gémine de noble stature. Mireille Delunsch excelle en Madame Larina dont elle fait un personnage touchant, Alisa Kolosova gratifie Olga de sa voix pleine au mezzo de velours, Delphine Haidan est une généreuse nourrice, Marcel Beekmann - qui ne fait pas oublier le Triquet de Michel Sénéchal ni celui de Jean-Paul Fouchécourt - et Yuri Kissin complètent l’ensemble à la perfection, tandis que le Chœur de l’Opéra National de Bordeaux est impressionnant de volume et d’homogénéité. Souple et onctueux, l’Orchestre National de France fait un sans faute sous la direction déliée, expressive et délicate de la violoniste chef d’orchestre états-unienne Karina Canellakis.

Bruno Serrou

Jusqu’au 19 novembre. Coproduction du Théâtre des Champs-Elysées et de l’Opéra National de Bordeaux, cet Eugène Onéguine sera bientôt repris dans la capitale aquitaine

 


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