Paris, Théâtre de l’Athénée Louis Jouvet, samedi 14 décembre 2013
Jacques Offenbach (1819-1880), la Grande Duchesse de Gerolstein. Michel Philippot (Général Boum) et Isabelle Druet (Grande Duchesse de Gerolstein). Photo : (c) Claire Besse
Comme tous les ans dans le cadre
des fêtes de fin d’année depuis une décennie, la compagnie Les Brigands enflamme
le Théâtre de l’Athénée Louis Jouvet et son public, qui s’avère toujours
nombreux, bigarré et enthousiaste. Fidèle à Jacques Offenbach à qui la troupe a
emprunté son nom en 2000, et un an après Croquefer
et l’Île de Tulipatan (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2012/12/croquefer-et-lile-de-tulipatan-deux.html),
Christophe Grapperon retourne de nouveau et avec raison au « petit Mozart des
Champs-Elysées », optant cette fois pour une adaptation pétulante et
enlevée d’un opéra-bouffe au titre plus grand public que les ouvrages de l’an
dernier, avec ses airs plus connus les uns que les autres, la Grande Duchesse de Gerolstein.
Jacques Offenbach (1819-1880) par F. Grünewald, 1881
Cette œuvre composée trois ans
avant la guerre entre la France et la Prusse ayant eu maille à partir avec la
censure du Second Empire à cause du « ridicule » des militaires et
des critiques par trop claires des cours d’Europe et de leur
despotisme, c’est sur ces points qui restent d’actualité en dépit du temps
qui passe que Philippe Béziat, par ailleurs excellent réalisateur de
documentaires sur la musique, a axé sa mise en scène, se réappropriant
totalement l’ouvrage sans négliger pour autant les aspects graveleux de l’original.
D’où le titre La Grande Duchesse « d’après Offenbach ».
Hortense Schneider (1833-1920), en Grande Duchesse de Gérolstein, dont elle a créé le rôle en 1867.
Ainsi Béziat fait du soldat
Fritz, prestement promu général par la Grande Duchesse, un homosexuel amoureux
non plus de Wanda mais du soldat Falk qu’il finira par épouser, ce qui n’est
pas sans poser de sérieux problèmes au général Boum, alors que le baron Grog,
précepteur du prince Paul, le fiancé de la Duchesse, s’avèrera être en fait mère
de trois enfants… La troupe, qui réunit dix-huit interprètes, autant d’instrumentistes
que de chanteurs, réussit sans surcharge à souligner le fantasque et le
burlesque de l’œuvre d’Offenbach et de ses librettistes, Henri Meilhac et
Ludovic Halévy, ce dont joue avec talent Béziat, qui respecte les intentions du
compositeur et de son librettiste en faisant se dérouler l’action dans un camp
militaire. La production s’ouvre d’ailleurs sur une scène qui n’est pas sans
évoquer la scène 5 de l’acte II de Wozzeck
de Berg, avec le ronflement des soldats endormis accompagné ici à la seule contrebasse.
Jacque Offenbach (1819-1880), la Grande Duchesse de Gerolstein. Michel Philippot (Général Boum), Olivier Hernandez (Prince Paul) et Flannan Obé (Baron Puck). Photo : (c) Claire Besse
Malgré ce cadre limité et grâce à la promiscuité des protagonistes et du public, la mise
en scène de Béziat s’épanouit grâce à l’excellent travail du scénographe
éclairagiste Thibaut Fack, qui a l’imagination féconde. Béziat déplace les neuf
musiciens et leur chef, Christophe Grapperon, en divers recoins du plateau, les
faisant participer à l’action, et utilise habilement les cintres du théâtre.
Les comédiens-chanteurs sont animés par une direction d’acteur enlevée et par
une chorégraphie réglée au cordeau par Jean-Marc Hoolbecq. Les
neuf chanteurs, tous d'authentiques comédiens-danseurs,
se donnent sans compter, et le public rit avec eux des situations les plus
invraisemblables. Autour d’Isabelle Druet, Duchesse radieuse, amoureuse
enflammée qui mène sa troupe avec panache et un bagou étincelants, l’on
retrouve la fine équipe des Brigands. François Rougier, qui campe un Fritz
savoureux insensible au charme féminin, Flannan Obé, qui excelle en Baron
Puck fourbe et jaune-zizanie, Emmanuelle Goizé, qui trouble en Baron Grog
travesti. Michel Philippot est un Général Boum débonnaire déjanté, les soldats
David Ghilardi, Olivier Naveau et Guillaume Paire parachèvent cette joyeuse équipe.
Christophe Grapperon dirige avec allant un brillant ensemble brillamment réduit
à neuf instrumentistes par Thibault Perrine.
Bruno Serrou
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