mardi 17 septembre 2013

La 24e Session de composition Voix nouvelles de Royaumont célèbre les 70 ans de son animateur, Brian Ferneyhough


Saison de l’abbaye de Royaumont, Session de composition Voix nouvelles, salle des Combles, salle des Charpentes, Cuisine des moines, samedi 14 septembre 2013

L'abbaye de Royaumont. Photo : (c) Bruno Serrou

La rentrée musicale parisienne se déroule chaque fin d'été à quelques encablures de la capitale, en un lieu magique jadis monastère royal. Ouverte à toutes les musiques de tous les temps, la création contemporaine et les jeunes espoirs de la composition y occupent une place centrale.

Inaugurée voilà soixante dix sept ans, la Saison de Royaumont est le rendez-vous musical le plus innovant de la fin d’été. Depuis 1964, sous l’égide de la Fondation Groüin-Lang propriétaire de l’abbaye cistercienne fondée par saint Louis aujourd’hui dans le Val d’Oise, elle propose une diversité de programmation qui court de la Renaissance jusqu’à la création la plus hardie, en passant par la danse, le jazz et les musiques traditionnelles. 

 Salle des Combles, le Namascae Lemanic Modern Ensemble dirigé par Azis Sadikovic. Photo : (c) Agathe Poupaney
Ce premier samedi consacré à la jeune création contemporaine s’est déroulé sous une pluie battante, contrairement à la coutume. Pas un instant de répit n’a été concédé par la météo aux mélomanes pour s’égayer dans le parc presque huit cents fois centenaire (1). Ainsi, la musique aura été la seule motivation d’un public moins nombreux que la normale mais plus choisi et concentré que d’habitude. Cette journée était placée sous l’égide de Brian Ferneyhough, directeur artistique de la Session de composition Voix nouvelles qu’il anime depuis 1990, entouré de deux nouveaux professeurs par sessions, cette année les compositeurs Fabien Levy et Oscar Blanchi. Pour son soixante-dixième anniversaire, le compositeur britannique aura été samedi dernier, à l’instar de son aîné György Ligeti, qui aurait célébré ses 90 ans, le référent du jour.  

Cette journée a néanmoins été consacrée pour l’essentiel aux travaux d’élèves. Ces derniers ont comme toujours bénéficié d’interprètes de haut rang, avec deux ensembles en résidence de grande qualité qui ont amplement fait leurs preuves par ailleurs, le Namascae Lemanic Modern Ensemble basé à Annemasse, à la frontière franco-suisse (Haute-Savoie), et l’ensemble strasbourgeois Linea de Jean-Philippe Wurtz. 

Salle des Charpentes, le Namascae Lemanic Modern Ensemble dirigé par Elena Schwarz. Photo : (c) Agathe Poupaney

Quinze œuvres d’autant de stagiaires âgés de 20 à 30 ans ont été présentées au public dans le cadre de deux concerts exécutés par les membres du Namascae Lemanic Modern Ensemble dirigé tour à tour par le compositeur chef d’orchestre suisse William Blank et par deux jeunes chefs découverts comme stagiaires de la Session de direction d’orchestre Péter Eötvös/Linea au printemps dernier (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2013/05/abbaye-de-royaumont-peter-eotvos.html), le Suissesse Elena Schwarz et l’Autrichien Azis Sadikovic. Néanmoins, souvent dans des partitions pour la plupart cantonnées à des formations réduites (trios, quatuors, quintettes, sextuors), la nécessité d’un chef ne s’est pas toujours clairement avérée indispensable, quelle que soit la difficulté d’exécution. Aucune pièce ne s’est vraiment détachée du lot, à l’exception dans le premier des deux concerts de l’après-midi salle des Combles d’Introspeccion pour soprano, hautbois, clarinette, saxophone et percussion de l’Espagnole Carolina Cerezo Davila (née en 1993), Cantor dust pour basson, cor, trompette, trombone, percussion et contrebasse de l’Italien Zeno Baldi (né en 1988) et d’Artificial White pour soprano, saxophone, vibraphone, piano et quatuor à cordes du Britannique Michael Cutting (né en 1987). Dans S88 pour soprano, piano et alto, l’Allemand Malte Giesen (né en 1988) dote ses interprètes de gobelets en plastique amplifiés qui leur permettent d’émettre des sonorités originales au sein d’une écriture sans réelle inventivité. 

Salle des Charpentes, le Namascae Lemanic Modern Ensemble et les compositeurs de la 24e Session Voix nouvelles. Photo : (c) Bruno Serrou 

Dans le second, présenté salle des Charpentes, s’est imposé le Mexicain Juan de Dios Magdaleno (né en 1984) avec … Canto cosmico… pour baryton, flûte et percussion rivalisant de bruits blancs et de souffle avant que la voix ne module de plus en plus dans le grave, tandis que Quartet « clothed like birds, with wings as garments » pour hautbois, cor, trompette et percussion de l’Autralo-Barhreïnien  Luke Paulding (né en 1987) riche en timbres et en couleurs, avec une partie de trompette sans doute difficile à exécuter tant elle est tendue dans l’aigu, et Multiple Exposure pour flûte, hautbois, clarinette, cor, trompette, trombone et contrebasse de l’Américano-Suisse William Dougherty (né en 1988) exploitant les instruments à contre-emploi et usant de modes de jeux souvent originaux, se sont avérées inventives. Mais le plus inattendu restera la pièce emplie d’humour signée par le Polono-Coréen Eunho Chang (né en 1983), qui, avec un inénarrable Le Café pour deux sopranos - il convient ici de saluer la performance des deux cantatrices, Angèle Chemin et Hélène Walter - rivalise avec le Duo des Chats de Gioacchino Rossini, instituant un dialogue de deux femmes autour d’un café à la fin de courses dans un grand magasin où elles ont acheté de la maroquinerie Vuitton, et qui découvrent aimer le même homme, prénommé Riccardo… Les sopranos désireuses d’élargir leur répertoire de duettistes devraient très vite s’emparer de cette page d’une dizaine de minutes…

Cuisine des moines, l'Ensemble Linea. Photo : (c) Bruno Serrou

Le concert du soir était confié à l’Ensemble Linea dirigé par son directeur, Jean-Philippe Wurtz, ensemble qui, au terme de ses cinq ans de résidence à Royaumont, atteint désormais un niveau enviable. C’est sur une œuvre du compositeur américain Alex Mincek (né en 1975), qui suivit ma Session de composition Voix nouvelles en 2007, Chamber concerto donné en création mondiale que s’est ouvert le programme hommage à Ferneyhough et Ligeti. C’est d’ailleurs sur le modèle du Kammerkonzert de ce dernier que Mincek a conçu sa partition, qui requiert le même instrumentarium. Le premier des quatre mouvements s’ouvre sur un bourdon de contrebasse et violoncelle qui prélude à des accords saccadés et des attaques rêches de l’ensemble instrumental. Le mouvement central est très mécanique d’essence avec des rythmes allant se décalant, conformément au modèle ligétien. Coloré, vif et puissant, le morceau est rehaussé par les timbres stridents du clavecin auquel fait écho un premier violon de braise, tandis que le piano instaure une résonance somptueuse. Le troisième mouvement est aérien avec cette note répétée à satiété du piano. Le lent final se présente tel un concerto grosso aux rythmes aquatiques et se conclut sur une longue tenue d’orgue rejoint par le tutti. Donné en première audition française, fondé sur un florilège de textes spirituels compilés par le moine Defensor, Liber Scintillanum (Livre des étincelles) pour six instruments de Brian Ferneyhough (né en 1943) apparaît étonnamment moins scintillant que l’œuvre de son ex-élève, est d’une complexité rythmique saisissante qui instille pourtant une impression de stabilité et de linéarité étonnante. 

Cuisine des moines, Jean-Philippe Wurz et l'Ensemble Linea. Photo : (c) Agathe Poupaney

Le Kammerkonzert de György Ligeti (né en 1923) a constitué le point d’orgue de la journée. Composé en 1969-1970 pour treize instrumentistes (piccolo/flûte, hautbois/hautbois d’amour/cor anglais, deux clarinettes/clarinette basse, cor, trombone, clavecin/orgue électronique, piano/célesta, deux violons, alto, violoncelle, contrebasse), ce concerto de chambre se situe dans la continuité de Lontano (1967) tout en ouvrant la création de Ligeti sur de nouvelles perspectives. Ainsi, le Kammerkonzert se présente-t-il comme une œuvre de synthèse, ménageant à la fois un climat d’apesanteur et de statisme par l’emploi de la « micro polyphonie » et une énergie d’où il émane au contraire une impression de chaos. L’écriture particulièrement rigoureuse de Ligeti se porte sur tous les niveaux de l’élaboration de l’œuvre, que ce soit dans l’architecture des quatre mouvements comme dans la conduite mélodique, canonique, sonore et temporelle. L’interprétation qu’en ont donné l’Ensemble Linea et Jean-Philippe Wurtz s’est imposée par la beauté des timbres, la précision des attaques, le fondu des sonorités, la souplesse d’exécution, la précision du jeu, suscitant ainsi un plaisir de l’écoute sans limite, à mille lieues de la prestation qu’en avait donné l’Ensemble du Lucerne Festival Academy Orchestra sous la direction de Heinz Holliger en juin dernier en clôture du Festival ManiFeste de l’IRCAM (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2013/07/heinz-holliger-conclut-le-festival.html).

Bruno Serrou

1 commentaire:

  1. silvouplait donner moi tout de suite des composition connu avec le hautbois comme instrument jens veut 3

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