vendredi 29 juin 2012

Premier opéra universellement célébré de Bizet, les Pêcheurs de perles ont conclu la saison de l’Opéra Comique de Paris


Paris, Salle Favart, jeudi 28 juin 2012

C’est sur le dernier lever de rideau des Pécheurs de perles de Georges Bizet (1838-1875) que s’est achevé hier soir la saison 2011-2012 de l’Opéra Comique de Paris. Moins original et puissant que Carmen, postérieur de onze ans, cet opéra en trois actes est l’un des plus célèbres du compositeur. Créé le 30 septembre 1863 au Théâtre-Lyrique à Paris - son auteur avait 25 ans -, il se fonde sur un livret pour le moins banal d’Eugène Cormon et Michel Carré. L’action conte les amours, les rivalités et les ambitions de deux pêcheurs de perles de l’île de Ceylan, Zurga, Nadir, du grand-prêtre Nourabad, et de la séduisante prêtresse Leïla. Sept grands airs ont forgé la renommée de la partition à l’orchestration subtile et aux mélodies ensorceleuses, le duo Zurga-Nadir « C’est toi qu’enfin je revois », l’air de Nadir « Je crois entendre encore » et le duo Nadir-Leïla avec chœur « Ô dieu Brahmâ » au premier acte, la cavatine de Leïla « Me voilà seule dans la nuit » et la chanson de Nadir « De mon amie, fleur endormie » de l’acte II, enfin le duo Leïla-Zurga « Je frémis, je chancelle » et la scène avec chœur « Sombres divinités » du troisième acte. 
C’est avec un plaisir partagé, malgré l’extrême chaleur qui enveloppait hier soir la salle Favart, que le public parisien retrouvait cette œuvre de jeunesse de Bizet, plus présente en région qu’à Paris – je me souviens cependant d’une production convaincante venue de Bologne réalisée par Pier Luigi Pizzi et donnée au Théâtre du Châtelet en 1981 dans la version apocryphe de 1893. D’autant que ce qu’a proposé la salle Favart s’est avéré fort digne. Côté distribution tout d’abord, le Nadir impeccable, notamment par l’articulation et la musicalité, du ténor russe Dmitry Korchak, qui a néanmoins montré ses limites techniques, surmontant difficilement une tessiture globalement trop élevée pour lui. Le baryton André Heyboer s’impose dans le rôle de Zurga par la puissance naturelle de sa voix. Le Nourabad de Nicolas Testé est noble et altier, comme doit l’être impérativement tout grand-prêtre. Seul le registre aigu pourrait être plus franc et souple, la voix semblant parfois contrainte par un médium trop dur. Mais la vraie perle de la soirée est la jeune soprano bulgare Sonya Yoncheva, frêle et mobile silhouette au timbre de lumière et à la projection parfaite. Non seulement la voix est agile et les aigus d’une élasticité impressionnante, mais la cantatrice est aussi une ardente comédienne.  Le chœur Accentus est assez long à s’échauffer, mais finit par convaincre peu à peu. Evitant l’orientalisme kitsch par trop systématique dans cet ouvrage, Yoshi Oïda réalise un travail remarquablement dépouillé, dans l’esprit de son maître Peter Brook, associant le réalisme de somptueux costumes à une scénographie volontairement primitive mais dont la simplicité est étonnamment contrariée par deux encombrants miroirs plantés de chaque côté de la scène et qui renvoient des mouvements marins du fond de scène, et par des cintres d’où pendent quelques carcasses de barques de pêcheur remuant dans les airs. Cadre d’insupportables et envahissants ballets, le plateau couleur sable incliné façon vague mis en lumière par un éclairage à dominante bleue, est bien exploité par le metteur en scène nippon, qui donne à l’Inde et à ses rites un tour japonisant.

Malgré des cuivres trop sonores et pas toujours en place, surtout les cors, peu glorieux, l’Orchestre philharmonique de Radio France répond volontiers aux sollicitations du chef britannique Leo Hussain, qui déchaîne des sonorités parfois tonitruantes mais sait aussi ménager des tensions judicieusement dramatiques.
Bruno Serrou
Photos : (c) Pierre Gribois / Opéra Comique de Paris

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