vendredi 8 juin 2012

Concert de fin de saison parisienne décevant pour l’Orchestre National de France, malgré Emmanuel Ax et Sir Colin Davis

Paris, Théâtre des Champs-Elysées, Jeudi 8 juin 2012
Le programme était peu original, avec une œuvre concertante phare mais trop présente au concert, le Concerto n° 5 pour piano et orchestre en mi bémol majeur op. 73 « L’Empereur » de Beethoven, et une symphonie romantique, certes plus rare mais d’un compositeur populaire, la Symphonie n° 7 en ré mineur op. 70 d’Antonin Dvořák. Ce concert était surtout l’occasion de retrouver l’une des grandes figures de la direction d’orchestre, Sir Colin Davis. Célébré dans le monde, y compris en France, pour ses interprétations de l’œuvre du Français Hector Berlioz, qu’il contribua largement à imposer dans les années 1970, le chef britannique est également réputé dans un large répertoire, de Mozart et Sibelius à Britten et Tippett.
Agé de 85 ans, Colin Davis a le port toujours droit, la stature élégante, et le sourire constamment aux lèvres, malgré un pas hésitant. Le geste est large mais peu précis, contrairement à celui de son cadet russe Guennadi Rojdestvenski vu la veille avec l’Orchestre de Paris, et il dirige assis et le regard souvent rivé sur la partition, mais l’œil est vigilent et les indications de départ plutôt claires. L’Orchestre National de France avait l’air heureux de retrouver un chef qui l’a souvent dirigé, ce qui ne l’a pas empêché de manquer de cohésion côté son, souvent sec et étriqué, et approximatif dans ses attaques, particulièrement les cors, tandis que les trombones se sont faits par trop envahissants. Dans le concerto de Beethoven, Emmanuel Ax a exalté l’énergie et la grandeur de l’œuvre du « Titan de Bonn », se faisant néanmoins poète dans le mouvement lent, exaltant des sonorités lumineuses de son clavier, tandis que Colin Davis confinait un peu trop l’orchestre au rôle d’accompagnateur plutôt que de partenaire. Le pianiste américain, pourtant souvent réticent aux bis, a offert au public qui l’acclamait un lumineux Impromptu de Schubert aux colorations bien dans la continuité de celles du concerto de Beethoven. 
Composée en quatre mois à la demande de la Royal Philharmonic Society de Londres qui en a donné la création le 22 avril 1885 sous la direction de son auteur, la Septième Symphonie est l’une des pages du genre les plus achevées de Dvořák, malgré une popularité moindre que la Symphonie « Du Nouveau Monde ». L’œuvre est très marquée par Johannes Brahms, à qui elle emprunte les longues phrases qui font abstraction des barres de mesure, et à Richard Wagner, ce qui affecte considérablement la fibre bohémienne de l’inspiration de Dvořák. L’œuvre est d’ailleurs dédiée à Hans von Bülow, le créateur de Tristan und Isolde qui devint l’intime de Brahms après s’être détourné de Wagner qui venait de lui subtiliser sa femme. Seul le troisième mouvement, un Scherzo-Vivace, est baigné d’accents typiquement tchèques, tandis que l’Allegro final laisse transparaître des empreints tziganes et slaves. Colin Davis a mis en exergue le souffle germanique, dans l’ensemble de l’œuvre, y compris dans les deux derniers mouvements, au point de surligner les fanfares du finale qui ont écrasé l’ensemble de l’orchestre, y compris les cors, il est vrai hier dans une méforme singulière. L’Orchestre National de France s’est étrangement avéré sec et peu nuancé pour sa dernière prestation parisienne de la saison 2011-2012 au Théâtre des Champs-Elysées, qui était archicomble.
Bruno Serrou
Photos : DR

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