lundi 9 mai 2022

Un Songe d’une Nuit d’Eté de Britten aux mille et une merveilles de Laurent Pelly à l'Opéra de Lille

Lille. Opéra. Vendredi 6 mai 2022

Benjamin Britten (1913-1976), A Midsummer Night's Dream (Un Songe d'une Nuit d'Eté). Photo : (c) Simon Gosselin

Fidèle à sa réputation, l’Opéra de Lille propose un spectacle éblouissant, A Midsummer Nigth’s Dream (Un Songe d’un Nuit d’Eté) de Benjamin Britten (1913-1976) qu’il a confié au metteur en scène Laurent Pelly, qui signe l’un de ses spectacles les plus accomplis.

A plus d’un siècle de distance, le Songe d’une nuit d’été (1590-1595) de William Shakespeare (1564-1616) a inspiré deux joyaux du théâtre lyrique : la musique de scène de Felix Mendelssohn en 1843 et l’opéra en trois actes de Benjamin Britten, qui adapta lui-même le livret avec son ami intime le ténor Peter Pears en 1960 pour leur propre Festival d’Aldeburgh où il a été créé le 11 juin 1960. Pour son cinquième opéra, écrit six ans après le tragique Tour d’écrou, le compositeur britannique a opté pour la féerie et l’humour, associant féerie, rire, comédie sentimentale, pastiche. Ainsi, le compositeur restitue-t-il dans son Songe la dimension fantasque et poétique de la comédie éponyme qui, au fil des interventions malicieuses de Puck, démontre l’éphémère de l’amour. Cela avec des moyens à la fois conformes à la tradition et éminemment personnels, son orchestre de chambre polychrome incarnant la magie de la nature, le romantisme du royaume des fées, le grotesque des artisans athéniens.

Commençant son opéra comique par la scène du rêve qui ouvre le deuxième acte de la comédie de Shakespeare, Britten en a restitué l’esprit avec sa musique qui pénètre jusqu’au plus secret de l’âme des personnages d’une histoire complexe. Celle-ci se déroule au cœur d’une forêt puis dans un palais, et réunit pour mieux les désunir deux couples d’amants sous le contrôle du roi des elfes, Oberon, qui charge son serviteur Puck de le réconcilier à travers eux avec son épouse Tytania.

Pour cette onirique rêverie, Laurent Pelly plonge au cœur d’une profonde et chaude nuit étoilée propice à toutes les chimères des jeux de l’amour avant de laisser place au rire dans le troisième acte de commedia dell’arte, tirant une multitudes de ressources d’un décor nocturne à la machinerie judicieusement conçue par le metteur en scène lui-même et Massimo Troncanetti d’où surgissent de toutes parts des elfes lucioles, des trapèzes sur lesquels dansent des fées célestes, des miroirs qui créent des illusions optiques, tandis que les pyjamas des amants dessinés par Pelly et Jean-Jacques Delmotte confirment qu’il s’agit bel et bien d’un songe. Le public lillois s’est volontiers laissé porter par l’humour de l’œuvre mêlée à la malice chimérique d’une mise en scène gorgée de surprises.

Le bonheur arrivant rarement seul, cette éclatante production est magnifiée par une distribution sans défauts. Ce qui n’était pas garanti dans un tel ouvrage considérant les dix-neuf personnages à distribuer. Les deux rôles centraux réunissent l’Oberon de Nils Wanderer, contre-ténor au timbre riche et à la voix épanouie subtilement conduite, et sa reine Tytania incarnée par Marie-Eve Munger pleine d’abattage à la voix charnue, somptueusement timbrée et apte à de vocalises éthérées. Les deux couples d’amoureux sont parfaitement assortis, Antoinette Dennefeld (Hermia) et David Portillo (Lysander), Louise Kemény (Helena) et Charles Rice ((Demetrius) étant pleins de charme et tout en spontanéité juvénile, Dominic Barberi est un Bottom puissant, inépuisable battant à la verve débordante, Charlotte Dumartheray campe un Puck malicieux gaffeur au corps d’acrobate de petite taille. Ajoutons à cela la fine équipe d’enfants personnifiant la petite troupe d’elfes magnifiquement chantés par le Jeune Chœur des Hauts-de-France. Dirigé avec précision et allant par le chef provençal Guillaume Tourniaire,  l’Orchestre National de Lille, virtuose, participe avec éclat à la féerie en relevant sans faillir les défis de l’écriture singulièrement véloce de Benjamin Britten, jusques et y compris les fausses notes précisément écrites.

Un spectacle magistral à voir de toute urgence, et que les théâtres lyriques seraient bien inspirés de présenter à leurs publics.

Bruno Serrou

Opéra de Lille. Jusqu’au 22 mai. Rés. : 03.62.21.21.21. www.opera-lille.fr

 

 

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