jeudi 28 janvier 2021

Pascal Dusapin, invité central du festival de création musicale Présences de Radio France 2021

Pour ses 30 ans d’existence, le festival Présences de Radio France fondé en 1991 par Claude Samuel célèbre du 2 au 7 février le compositeur français le plus prolifique et le plus joué de la génération des années 1950, Pascal Dusapin

Pascal Dusapin (né en 1955). Photo : (c) Radio France / Christophe Abramovitz

« La musique de Pascal Dusapin allie comme peu d’autres esprit et sensualité » écrit du compositeur français son confrère et ami belge Bernard Foccroule, lui-même compositeur, organiste et directeur d’institution qui fut le premier à lui commander un opéra, Medeamaterial, alors qu’il était directeur du Théâtre de la Monnaie de Bruxelles, maison d’Opéra dont Dusapin est aujourd’hui encore l’un des compositeurs privilégiés, au même titre que son aîné Philippe Boesmans. En fait, pour Dusapin sa propre musique est l’expression du corps et de ses mouvements, et d’une spiritualité qui tient d’une incarnation voire une révélation métaphysique en rapport avec le monde, l’émotion. « Il est impossible de vivre dit-il sans espérer quelque chose de supranaturel à l’homme, mais même le divin est l’expression du monde des hommes invariable à toute civilisation. Dans l’Iliade par exemple, ce sont les hommes qui créent leurs propres dieux et les corrompent au point que ces derniers se disputent entre eux comme le font les hommes. »

Né à Nancy en 1955, reconnu comme l’un des compositeurs français majeurs de sa génération, Pascal Dusapin est aussi l’un des plus prolifiques et les plus joués. « Un artiste se nourrit de tout ce qui lui arrive dans la vie, et les études en tant que telles ne servent à rien. La  certitude du travail que l’on a à accomplir s’acquiert sur un très court laps de temps », dit ce créateur qui n’a suivi aucun cursus d’études traditionnel, suivant la classe d’Olivier Messiaen au Conservatoire de Paris en auditeur libre, l’enseignement d’Iannis Xenakis à l’université de Vincennes et un séminaire de Franco Donatoni en Italie avant d’être pensionnaire à la Villa Médicis à Rome. « Les jeunes compositeurs ont aujourd’hui plus de mal à sortir du rang. Pas seulement parce qu’ils sont beaucoup plus nombreux. Le nouvel académisme, comme les bruitistes ou les saturationnistes, les techniques se rationnalisent, notamment avec une série de catalogages d’effets, ce qui va à l’encontre de ce que je fais, chacune de mes œuvres étant le fruit d’un travail et d’une réflexion spécifiques. »

Photo : DR

Pascal Dusapin n’est pas un compositeur désespéré malgré la morosité du temps présent. « Un artiste qui a quelque chose à dire trouvera toujours le moyen de s’exprimer. Reste néanmoins à voir dans quelles conditions, considérant l’évolution actuelle du politique. Ainsi, la plus grande bibliothèque musicale d’Europe, qui se trouve à Amsterdam, qui voit son budget largement amputé parla seule volonté d’un politicien de 39 ans biberonné au rock, qui ne veut rien entendre du monde de la musique symphonique qui à ses yeux ne représente rien. Ces questions sociétales comme la cancel culture dépendent d’universitaires et de fonctionnaires salariés, jamais de personnalités indépendantes qui se battent pourtant pour que la Culture ait une valeur certaine. »

Atteint de la covid-19 en mars, Pascal Dusapin a retrouvé son atelier après deux mois difficiles, ne retrouvant que peu à peu ses capacités de travail. « Je voyage beaucoup moins, par la force des choses, Trois nouvelles productions de mes opéras ont été non pas annulées mais reportées, et je travaille sur des commandes qui m’ont été passées pour les années 2022 à 2024, notamment sur un nouvel opéra. » Le compositeur n’en reste pas moins inquiet face à l’avenir. « Les artistes, les théâtres sont très mal traités. La Culture n’est plus un bien essentiel. Chaque fois que la ministre ou un artiste s’exprime sur les difficultés du secteur, elle ou il a droit à une bordée d’injures. Les gens qui apportent une part de rêve sont toujours méprisés, dénigrés. On donne des milliards au secteur de la Culture, mais ce ne sont pas les artistes qui en profitent, ce sont les salariés, les administrations, les techniciens. Quatre vingt dix pour cent des budgets sont engloutis par le fonctionnement. Je ne parle néanmoins pas le langage de l’amertume, n’ayant aucun problème matériel. Les artistes sont des boucs-émissaires, or les grandes économies ont souvent une grande politique artistique. »  

Contrairement à celle de l’an dernier, l’édition 2021 de Présences se déroule sans public, pour cause de couvre-feu. Mais émanation de Radio France, tous les concerts sont retransmis sur France Musique en direct et en streaming. « C’est pour moi une frustration totale, se désole Pascal Dusapin. En effet la musique est partage, or cette fois je ne sais pas qui je touche pendant le festival. Mais en même temps c’est très émouvant que Radio France fasse tout pour que ce festival de création musicale contemporaine ait lieu, en dépit du contexte et de l’épée de Damoclès qui plane dessus jusqu’à la fin de cette édition. »

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