jeudi 23 janvier 2020

Un Enlèvement au sérail de Mozart abscons au Grand-Théâtre de Genève


Genève (Suisse). Grand-Théâtre. Mercredi 22 janvier 2020

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Die Entführung aus dem Serail. Photo : (c) Carole Parodi

En faisant appel à l’opposante turque Asli Erdogan, le Grand Théâtre de Genève trahit Mozart et l’esprit des Lumières pour transformer l’Enlèvement au sérail en un spectacle illégitimement brechtien

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Die Entführung aus dem Serail. Photo : (c) Carole Parodi

Singspiel en trois actes sur un livret de Gottlieb Stephanie le Jeune, Die Entführung aus dem Serail (l’Enlèvement au sérail) est le deuxième des grands ouvrages scéniques de Mozart. Créé avec succès à Vienne en 1782, cet ouvrage écrit sur un texte allemand à la suite d’une commande de l’empereur Joseph II établit la réputation de Mozart dans la capitale autrichienne. Le compositeur, qui voulait éblouir à la fois l’empereur et le public viennois afin d’assurer son avenir de musicien indépendant, réussit ici le premier chef-d’œuvre de l’opéra allemand.

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Die Entführung aus dem Serail. Photo : (c) Carole Parodi

S’agissant d’un singspiel, équivalent allemand de l’opéra-comique français, l’action se déploie essentiellement pendant les dialogues parlés, et la musique n’intègre pas de récitatifs accompagnés. Mozart fonde sa musique sur l’exotisme de l’empire ottoman récemment défait par l’Autriche aux portes de Vienne. L’on y trouve de la musique turque à l’imitation des fanfares des janissaires utilisées pour stimuler la soldatesque turque. Comme beaucoup de comédies de l’époque, quantité d’éléments sont empruntés à la commedia dell’arte.

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Die Entführung aus dem Serail. Photo : (c) Carole Parodi

Or rien de ce caractère prétendument exotique dans la nouvelle production du Grand-Théâtre de Genève. Point de commedia dell’arte, point non plus d’exotisme, et s’il y a bien « turquerie », ce n’est pas au sens du XVIIIe siècle, mais d’une façon plus tragique et contemporaine, puisque l’Opéra genevois a fait appel à l’opposante au régime d’Erdogan, qui, malgré l’homonymie, l’a faite emprisonner à plusieurs reprises en raison de son soutien à la cause kurde, Asli Erdogan, qui entend critiquer dans son approche de l’Enlèvement au sérail les absolutismes et abus de pouvoir là où Mozart pose un immense sourire. Car, ici, il ne s’agit pas de harem mais de cité répondant au nom de Sérail où chacun se perd au milieu de la foule qu’agite une vie absurde et qui tournent indéfiniment en quête d’eux-mêmes. Ce texte politiquement correct aux élans plus ou moins brechtiens qui détonnent avec la partition de Mozart rend ce spectacle abscons. Les personnages de l’œuvre de Mozart et Stéphanie le Jeune sont dédoublés par leur incarnation vieillie de trente ans par des comédiens qui disent le texte d’Erdogan en français qui, lugubre, va à l’encontre de la musique solaire de Mozart, tandis que les protagonistes que leurs doubles devenus vieux contemplent chantent en allemand, et que le rôle de Selim Pacha est carrément omis. Même la partition subit des camouflets, avec six des vingt et un numéros coupés et l’ajout d’un finale tiré des ballets de l’opéra de jeunesse de Mozart Ascanio in Alba. La mise en scène de Luk Perceval est minimaliste et n’aide pas à la compréhension de cette salade turque.

Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791), Die Entführung aus dem Serail. Photo : (c) Carole Parodi

Heureusement, Mozart est musicalement bel et bien présent, grâce à Fabio Biondi, qui sert la partition avec un élan qui suscite parfois des décalages entre la fosse et le plateau mais qui permet de goûter les couleurs chamarrées de l’Orchestre de la Suisse Romande. La distribution est homogène, avec une Blonde brillamment chantée par Claire de Sévigné, la Konztanze juvénile d’Olga Pudova, l’excellent Osmin de Nahuel Di Pierro, le solide Pedrillo de Denzil Delaere, et le brillant Belmonte de Julien Behr qui a malencontreusement du mal à venir à bout des fioritures vocales que lui réserve Mozart.

Bruno Serrou

Jusqu’au 2/02. Rés. : (+41-22) 322 50 50. www.gtg.ch

2 commentaires:

  1. Effectivement... une profonde déception. Par contre, je suis beaucoup plus critique de la direction de Fabio Biondi.

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  2. Merci de m'apprendre un peu de tout sur la musque classique et contemporaine. Moi, je trouve des informations utiles sr le flûte à bec d'où je vous propose de jeter un coup d’œil en cliquant sr ce lien: https://www.amazon.com/dp/B07N7QZXLM/ref=nav_timeline_asin?_encoding=UTF8&psc=1

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