vendredi 8 mars 2019

« Trois contes » extraordinaires de Gérard Pesson et David Lescot à l’Opéra de Lille

Lille (Nord). Opéra de Lille. Mercredi 6 mars 2019

Gérard Pesson (né en 1958), Trois contes. Photo : (c) Simon Gosselin

Gérard Pesson, l’un des compositeurs les plus raffinés de la riche génération de 1958, présente son cinquième opéra, Trois contes. Fidèle à sa volonté d’enrichir le répertoire lyrique avec une commande chaque année depuis quinze ans, l’Opéra de Lille a confié ces trois actes enchaînés à deux personnalités avec lesquelles il travaille régulièrement, le compositeur Gérard Pesson et l’auteur metteur en scène David Lescot, qui collaborent pour la première fois ensemble.

Gérard Pesson (né en 1958), Trois contes, La princesse au petit pois. Photo : (c) Simon Gosselin

Toujours délicate, élégante, emplie de bruissements, d’alliages de timbres d’une exaltante beauté, la musique de ce compositeur de soixante-et-un ans n’incite généralement guère à l’exaltation, toute d’intériorité, de retenue, de self-control, avec son nuancier allant peu au-delà du pianissimo, la délicatesse du jeu instrumental...

Gérard Pesson (né en 1958), Trois contes, Le manteau de Proust. Photo : (c) Simon Gosselin

Cet art de l’esquive, de l’allusif, du raffinement extrême s’avère des plus ludiques. Que de joies sonores en effet dans cette musique, de private jokes, d’allusions et d’illusions. Dans Trois contes, Pesson se fait plus explosif, plus expressif et plus puissant que de coutume. Sur un livret de David Lescot, le compositeur a porté son dévolu sur un conte de Hans Christian Andersen, La Princesse au petit pois, qui narre la même histoire d’un prince qui cherche une « vraie » princesse en six variations autour d’un même sujet, Le manteau de Proust de Lorenza Foschini qui traite de la disparition des effets personnels de Marcel Proust après sa mort et dont le manteau tombe dans les mains d’un collectionneur passionné de l’écrivain. Enfin, Le Diable dans le beffroi d’Edgar Alan Poe, volet le plus désopilant du triptyque, à l’instar du troisième volet du Trittico de Giacomo Puccini, Gianni Schicchi, à l’humour corrosif, avec ces citoyens dont la vie est réglée sur le rythme de l’horloge du beffroi que le diable vient perturber.

Gérard Pesson (né en 1958), Trois contes, Le Diable dans le beffroi. Photo : (c) Simon Gosselin

La musique de Gérard Pesson aux élans humoristiques n’hésite pas à user de nombreuses citations d’œuvres du passé sans qu’elles apparaissent comme des collages, l’orchestration est finement colorée et fluide, la musique expressive. Si le volet central du triptyque paraît plus faible que les deux autres, à aucun moment l’on s’ennuie, bien au contraire, et le public se réjouit spontanément. La mise en scène au cordeau de David Lescot donne à ces Trois contes une puissance théâtrale digne de la commedia dell’arte, magnifiée par les beaux costumes de Mariane Delayre et les décors simples mais évocateurs d’Alwyne de Dardel subtilement éclairés par Paul Beaureilles. La jeune distribution est en tout point remarquable, les mêmes chanteurs tenant plusieurs rôles, avec entre autres la mezzo-soprano Camille Merckx, le baryton Marc Mauillon, le ténor Enguerrand de Hys, la soprano Maïlys de Villoutreys et la soprano Melody Louledjian, tandis que le remarquable Ensemble Ictus dirigé par Georges-Elie Octors sonne comme autant de personnages vivants qu’il y a d’instrumentistes (dix-neuf) dans la fosse.

Bruno Serrou

Jusqu’au 14 mars 2019. 03.62.21.21.21. www.opera-lille.fr. Disponible en direct le 14 mars 2019 sur
https://operavision.eu/fr/bibliotheque/spectacles/operas/trois-contes# pendant six mois. Cette production sera reprise en 2020-2021 par l’Opéra de Rouen, l’Opéra de Rennes et Angers-Nantes Opéra.

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