mardi 22 janvier 2019

Julie Fuchs et Alphonse Cemin dans un récital riche et original


Photo : DR

Paris. Théâtre de l’Athénée. Lundi 21 janvier 2019

Lancés en 1977 par Pierre Bergé, les Lundis musicaux de l’Athénée sont l’un des rendez-vous majeurs pour les musiciens de renom qui cherchent à se produire dans des programmes originaux devant un public de connaisseurs.

Soprano aux aigus soyeux et au médium voluptueux, Julie Fuchs et son flamboyant partenaire Alphonse Cemin, avec qui elle fit ses classes de musique de chambre au Conservatoire de Paris, ont concocté un programme particulièrement original et passionnant. Une première partie consacrée à la mélodie française, une seconde au répertoire anglo-saxon, chacune commençant par une chanson populaire et se concluant sur des romances plus « légères ».

Vêtue d’une longue robe sombre ouverte sur les jambes,les cheveux rassemblés en arrière, en parfaite osmose avec son pianiste, Julie Fuchs a ouvert le récital sur une chanson de Barbara, Une petite cantate, qu’elle a chanté avec justesse, dans l’esprit de la voix lyrique de sa créatrice, tout en évitant soigneusement de l’imiter pour rester elle-même, démontrant ainsi l’universalité de l’art de Barbara. La cantatrice a enchaîné cette chanson directement à Claude Debussy, les six Ariettes oubliées de 1888 sur des poèmes de Paul Verlaine, dont le duo restitue avec onirisme la moindre inflexion, la cantatrice chantant de son timbre délicat l’infinie diversité des vers du poète et le pianiste donnant des harmonies d’un Debussy de vingt-six ans les polychromies éclatantes et les résonnances habitées. Trois autres mélodies de Debussy de nostalgique tonalité, Regrets et Apparition (1884) sur deux poèmes de Stéphane Mallarmé, avant Trois poèmes de Louise de Vilmorin de Francis Poulenc à la sensualité gourmande.

Sur un poème de E. E. Cummings, The Sun in My Mouth, mis en musique par l’artiste islandaise polymorphe Björk, Julie Fuchs a ouvert la seconde partie de soirée de sa voix chaude et naturelle, donnant ainsi un tour délicieusement « classique » à cette pièce, soutenue par le toucher raffiné d’Alphonse Cemin. Mais le « clou » de la soirée a été le cycle de six mélodies de l’Américain trop méconnu George Crumb (né en 1929), Apparition [Elegiac Songs and Vocalise pour soprano et piano amplifié] sur des poèmes de Walt Whitman. Un cycle extraordinaire de 1979, à la fois lyrique et hors normes côté piano, l’interprète jouant autant du clavier que des cordes dans le coffre et des pédales pour les résonances, le tout exploité de façon originale, tout en écoutant la cantatrice, qu’il ne couvre à aucun moment, Alphonse Cemin instillant à l’instrument des couleurs debussystes. Le récital s’est conclu sur deux arrangements de Songs de Cole Porter, Use Your Imagination et Sing me Guitar chanté avec allant par Julie Fuchs. Trois bis ont suivi, deux pages légères de Poulenc et Nuit d’Etoiles de Debussy sur un poème de Théodore de Banville.

Bruno Serrou

1) Julie Fuchs et Alphonse Cemin sont à l’Opéra de Bordeaux le 27 janvier

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