mardi 6 mars 2012

Derniers feux du cycle Beethoven par Bernard Haitink et le Chamber Orchestra of Europe


Salle Pleyel, lundi 5 mars 2012
 Bernard Haitink. Photo : DR
La Salle Pleyel aime de toute évidence les symphonies de Beethoven, et son public s’en félicite de toute évidence, tant les places sont disputées. Mais cette tradition est bien établie à Paris puisque c’est au Conservatoire que, depuis son pupitre de premier violon, François-Antoine Habeneck, fut le premier au monde à diriger et à inscrire régulièrement au répertoire de son orchestre parisien l’intégrale des symphonies du maître de Bonn. Commencé la saison dernière, le cycle des neuf symphonies beethoveniennes de Bernard Haitink et de l’Orchestre de Chambre d’Europe (Chamber Orchestra of Europe) s’est achevé hier sur les deux pages extrêmes du genre, cela cinq mois après les derniers feux du cycle beethovénien de Riccardo Chailly et de son Orchestre du Gewandhaus de Leipzig.
Ce répertoire est familier à cette formation chambriste d’excellence créée en 1981 sous le parrainage de Claudio Abbado, constituée de 57 musiciens, tous solistes ou membres d’autres orchestres, venant de toute l’Europe et actuellement basée à Londres, qui l’a notamment travaillé voilà plus de vingt ans et enregistré en 1990 sous la direction avec le chef autrichien Nikolaus Harnoncourt, donnant alors un coup de vent nouveau dans l’interprétation beethovénienne en retrouvant au plus près les conditions originelles d’exécution avec des effectifs réduits jouant sur instruments modernes avec des coups d’archet baroques, des trompettes naturelles et des petites timbales à peau. Ce qui a séduit Haitink, qui a vu là l’occasion d’une expérience inédite pour lui et de renouveler à 83 ans son approche de la somme beethovenienne, loin des grandes phalanges symphoniques qu’il a dirigées tout au long de sa vie, les Orchestres du Concertgebouw d’Amsterdam, de la Staatskapelle de Dresde, Symphonique et Philharmonique de Londres, etc., avec lesquels il a laissé plusieurs témoignages de l’évolution de sa vision des symphonies de Beethoven.
Les impressions ressenties en janvier 2011 se sont confirmées hier : manque de chair de la pate orchestrale et de conviction dans la geste du chef hollandais. La Symphonie n° 1 en ut majeur op. 21 a été tirée de deux côtés opposés, avec côté orchestre des sonorités étriquées, des couleurs ternes et manquant de relief, tandis que le chef reniait les élans haydniens si prégnants ici, tirant cette page de 1799 vers la maturité du compositeur, mettant un peu trop d’emphase et de grandeur dans l’Adagio initial , dans l’Andante où le cantabile manquait de luminosité, et dans l’Adagio introduisant le finale, tandis que le Menuetto est apparu un peu pesant, mais donnant dynamique et allant à l’Allegro conclusif. Dans la Neuvième Symphonie, les textures se sont encore avérées comprimées et filandreuses, d’autant plus que le timbalier s’est fait pour le moins envahissant, placé côté cour derrière les seconds violons et devant les bois et usant continuellement de ses baguettes dures (sauf dans l’Adagio) d’une frappe souvent peu nuancée. S’il a été possible d’apprécier les réponses entre les pupitres et l’indubitable virtuosité instrumentale (malgré de petites fautes de cors) grâce aux effectifs réduits (12-10-8-6-4 cordes) et à leur disposition (premiers violons, violoncelles (contrebasses derrière), altos, seconds violons), l’exécution est apparue sans carnation, et seul le finale, malheureusement terni par une basse, Hanno Müller-Brachmann, manquant de grave et au timbre peu séduisant – les autres membres du quatuor vocal (Jessica Rivera, Karen Cargill et Roberto Sacca) étaient plus en phase –, mais le Grand Chœur de la Radio néerlandaise, plus concentré que le Chœur de Radio France avec Riccardo Chailly même si les ppp n’étaient pas très précis, ont efficacement participé à l’apothéose finale de l’Hymne à la Joie baignée de lumière. Cette intégrale restera essentiellement par la bouleversante Eroica entendue en janvier 2011, l’une des plus belles versions qu’il ait été donné d’écouter en concert… Un pur miracle.
Bruno Serrou
 Concert accessible sur Arte Web live

1 commentaire:

  1. Je me suis inscrit sur votre blog car j'ai toujours beaucoup de plaisir à lire les critiques musicales. J'ai été abonné des années à la défunte revue Répertoire. J'ai appris énormément de choses grâce à elle sur la musique en général.
    Je connais comme tout le monde les symphonies Harnoncourt/Beethoven mais je n'avais encore jamais eu l'occasion de voir cet orchestre de chambre en vrai, ni à la télé. J'ai de toute façon vu que deux concerts dans ma vie. L'orchestre national de France à Orange et celui plus modeste d'Avignon Provence en Avignon.
    Merci pour le lien sur "Arte Web live". Un site que je connaissais pas. Ce concert est très bien filmé et j'ai particulièrement aimé cette neuvième symphonie n'ayant pas votre don d'écoute, ni votre finesse d'analyse. Je n'ose pas imaginer ce que devait être la Troisième symphonie.
    Bien à vous
    Alain

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