vendredi 24 janvier 2025

L’Orchestre de Paris et Frank Peter Zimmermann dirigés par Dima Slobodeniouk ont donné densité et poésie au long Concerto pour violon d’Elgar

Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Jeudi 23 janvier 2025 

Dima Slobodeniouk, Frank Peter Zimmermann, Orchestre de Paris
Photo : (c) Bruno Serrou

Concert au programme sans fil conducteur évident si ce n’est le lien british entre un compositeur germano-saxon fort apprécié à Londres et un compositeur anglo-saxon particulièrement marqué par ses confrères allemands, Felix Mendelssohn-Bartholdy, avec des extraits du Songe d’une nuit d’été en première partie, et Edward Elgar, avec le Concerto pour violon, beaucoup moins couru que celui pour violoncelle. Mais la musicalité inouïe de son interprète, le merveilleux Frank Peter Zimmermann, son expressivité, sa virtuosité naturelle, son archet d’une précision et d’une souplesse saisissantes ont donné de ces 55 minutes de musique, qui font de cette partition l’une des plus longues jamais écrite pour le pour violon concertant du répertoire, une ampleur inédite, l’Orchestre de Paris donnant sous la direction attentive et onirique de Dima Slobodeniouk la dimension d’une symphonie concertante. En bis, Frank Peter Zimmermann a donné un arrangement captivant du lied Le Roi des Aulnes de Franz Schubert par Heinrich Wilhelm Ernst 

Dima Slobodeniouk, Orchestre de Paris
Photo : (c) Bruno Serrou

Tout d’abord, il convient de féliciter la Philharmonie de Paris de réunir de plus en plus de jeunes à ses concerts symphoniques. Celui de l’Orchestre de Paris ce jeudi a en effet compté un nombre impressionnant de jeunes gens qui se sont montrés très à l’écoute des œuvres qui étaient présentées et ont su se fondre dans le rituel des concerts classiques, retenant leur instinct naturel pour les applaudissements ne manifestant classiquement que raclements de gorge et toux intempestifs, et démontrant une concentration totale durant l’exécution des œuvres.

Dima Slobodeniouk, Orchestre de Paris
Photo : (c) Bruno Serrou

Une fois n’est pas coutume, le concerto aura occupé la seconde partie du concert de la semaine de l’Orchestre de Paris, qui a commencé son programme par une demie heure de page d’orchestre. Des onze numéros que comptent les deux opus réunis, seuls cinq mouvements de la musique de scène de Felix Mendelqsohn-Bartholdy (1809-1847) pour la comédie de William Shakespeare Le Songe d’une nuit d’été opp. 21 et 61 ont été proposés, dont les plus fameux, l’Ouverture (op. 21) créée en 1827 qui occupait à elle seule le tiers de cette première partie, et de l’op. 61 de 1843 à la demande du roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV le Scherzo (n° 1) et la Marche nuptiale (n° 9) et deux pages intercalées, l’Intermezzo (n° 5) et le Nocturne (n° 7). A la tête de l’Orchestre de Paris qu’il connaît bien, Dima Slobodeniouk qui s’est déjà produit plusieurs fois à sa tête, l’Orchestre de Paris a joué en toute limpidité de ses qualités intrinsèques, sollicité par le souffle lyrique insufflé par des gestes larges et précis du chef russe, silhouette distinguée et concentré au service de la seule musique, sans jamais se mettre en avant auprès du public par quelque excès de mouvements que ce soit.

Frank Peter Zimmermann, Orchestre de Paris
Photo : (c) Bruno Serrou

Dans le même esprit que le soliste, délicat, fluide, souple, exaltant un nuancier dense et amplement coloré, d’une musicalité subtile, Frank Peter Zimmermann a donné une interprétation d’une grande sensibilité du long Concerto pour violon et orchestre en si mineur op. 61 composé en 1909-1910. Sa présence rayonnante, sa vive intelligence permettant de saisir la moindre arcane de la partition dans laquelle le compositeur s’est mis tout entier, attentif à en attiser les moindres variations, le violoniste allemand a donné une interprétation sans faiblesse, annihilant les longueurs de l’œuvre tirant de son Stradivarius « Lady Inchiquin » de  1711 ex-Fritz Kreisler, créateur et dédicataire du concerto d’Elgar, sur lequel s’exprime superbement le classicisme épuré de Frank Peter Zimmermann, qui éblouit par la sobriété et l’autorité de son jeu, la pureté de sa sonorité. Fondée sur une technique si parfaite qu’elle confine au funambulisme, la virtuosité souple et naturelle et la musicalité rayonnante de Zimmermann suscitent un chant féerique, des pianissimi d’une tendresse délicieuse et d’une précision au cordeau (fabuleux Andante, où Zimmermann magnifie la citation du Tristan de Wagner), tandis que son jeu et sa sonorité se déploient par le biais d’un archet d’une pureté prodigieuse au service d’une grande liberté tant intellectuelle que spirituelle qui lui permet une simplicité surnaturelle. Finesse du timbre, légèreté de l’archet, sobriété du jeu, pureté d’exécution mettent en valeur les propriétés des œuvres qu’il joue, les élans lyriques et passionnés du concerto d’Elgar, que le violoniste conduit à la perfection dans l’Allegro molto en souveraine intelligence avec le chef et l’orchestre jusqu’à la plus touchante nostalgie avant de conclure dans une coda triomphale. Tant et si bien que Frank Peter Zimmermann a donné de lied Erlkönig (Le Roi des Aulnes) de Franz Schubert (1797-1828) une impressionnante paraphrase pour violon seul réalisée par Heunrich Wilhelm Ernst (1814-1865).

Bruno Serrou

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