Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Jeudi 23 janvier 2025
Concert au programme sans fil conducteur évident si ce n’est le lien british entre un compositeur germano-saxon fort apprécié à Londres et un compositeur anglo-saxon particulièrement marqué par ses confrères allemands, Felix Mendelssohn-Bartholdy, avec des extraits du Songe d’une nuit d’été en première partie, et Edward Elgar, avec le Concerto pour violon, beaucoup moins couru que celui pour violoncelle. Mais la musicalité inouïe de son interprète, le merveilleux Frank Peter Zimmermann, son expressivité, sa virtuosité naturelle, son archet d’une précision et d’une souplesse saisissantes ont donné de ces 55 minutes de musique, qui font de cette partition l’une des plus longues jamais écrite pour le pour violon concertant du répertoire, une ampleur inédite, l’Orchestre de Paris donnant sous la direction attentive et onirique de Dima Slobodeniouk la dimension d’une symphonie concertante. En bis, Frank Peter Zimmermann a donné un arrangement captivant du lied Le Roi des Aulnes de Franz Schubert par Heinrich Wilhelm Ernst
Tout d’abord, il convient de
féliciter la Philharmonie de Paris de réunir de plus en plus de jeunes à ses
concerts symphoniques. Celui de l’Orchestre de Paris ce jeudi a en effet compté
un nombre impressionnant de jeunes gens qui se sont montrés très à l’écoute des
œuvres qui étaient présentées et ont su se fondre dans le rituel des concerts
classiques, retenant leur instinct naturel pour les applaudissements ne
manifestant classiquement que raclements de gorge et toux intempestifs, et
démontrant une concentration totale durant l’exécution des œuvres.
Une fois n’est pas coutume, le
concerto aura occupé la seconde partie du concert de la semaine de l’Orchestre
de Paris, qui a commencé son programme par une demie heure de page d’orchestre.
Des onze numéros que comptent les deux opus réunis, seuls cinq mouvements de la
musique de scène de Felix Mendelqsohn-Bartholdy (1809-1847) pour la comédie de William Shakespeare Le Songe d’une nuit d’été opp.
21 et 61 ont été proposés, dont
les plus fameux, l’Ouverture (op. 21) créée en 1827 qui occupait à elle
seule le tiers de cette première partie, et de l’op. 61 de 1843 à la demande du roi de Prusse Frédéric-Guillaume IV le
Scherzo (n° 1) et la Marche nuptiale (n° 9) et deux pages
intercalées, l’Intermezzo (n° 5) et
le Nocturne (n° 7). A la tête de l’Orchestre
de Paris qu’il connaît bien, Dima Slobodeniouk qui s’est déjà produit plusieurs
fois à sa tête, l’Orchestre de Paris a joué en toute limpidité de ses qualités
intrinsèques, sollicité par le souffle lyrique insufflé par des gestes larges
et précis du chef russe, silhouette distinguée et concentré au service de la
seule musique, sans jamais se mettre en avant auprès du public par quelque
excès de mouvements que ce soit.
Dans le même esprit que le soliste,
délicat, fluide, souple, exaltant un nuancier dense et amplement coloré, d’une
musicalité subtile, Frank Peter Zimmermann a donné une interprétation d’une
grande sensibilité du long Concerto pour
violon et orchestre en si mineur op. 61 composé en 1909-1910. Sa présence
rayonnante, sa vive intelligence permettant de saisir la moindre arcane de la
partition dans laquelle le compositeur s’est mis tout entier, attentif à en attiser
les moindres variations, le violoniste allemand a donné une interprétation sans
faiblesse, annihilant les longueurs de l’œuvre tirant de son Stradivarius « Lady
Inchiquin » de 1711 ex-Fritz
Kreisler, créateur et dédicataire du concerto d’Elgar, sur lequel s’exprime superbement
le classicisme épuré de Frank Peter Zimmermann, qui éblouit par la sobriété et
l’autorité de son jeu, la pureté de sa sonorité. Fondée sur une technique si parfaite
qu’elle confine au funambulisme, la virtuosité souple et naturelle et la
musicalité rayonnante de Zimmermann suscitent un chant féerique, des pianissimi d’une tendresse délicieuse et
d’une précision au cordeau (fabuleux Andante,
où Zimmermann magnifie la citation du Tristan
de Wagner), tandis que son jeu et sa sonorité se déploient par le biais d’un
archet d’une pureté prodigieuse au service d’une grande liberté tant
intellectuelle que spirituelle qui lui permet une simplicité surnaturelle. Finesse
du timbre, légèreté de l’archet, sobriété du jeu, pureté d’exécution mettent en
valeur les propriétés des œuvres qu’il joue, les élans lyriques et passionnés
du concerto d’Elgar, que le violoniste conduit à la perfection dans l’Allegro molto en souveraine
intelligence avec le chef et l’orchestre jusqu’à la plus touchante nostalgie
avant de conclure dans une coda triomphale. Tant et si bien que Frank Peter Zimmermann a donné de lied Erlkönig (Le Roi des Aulnes) de Franz Schubert (1797-1828) une impressionnante paraphrase pour violon seul réalisée par Heunrich Wilhelm Ernst (1814-1865).
Bruno Serrou
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