samedi 14 décembre 2024

Magistral dialogue intergénérationnel entre l’Orchestre Français des Jeunes et deux musiciens aguerris, Michael Schønwandt et Elisabeth Leonskaïa à la Philharmonie de Paris

Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Mercredi 11 janvier 2024 

Michael Schønwandt, Orchestre Français des Jeunes
Photo : (c) Bruno Serrou

Place de nouveau à la jeunesse pour la seconde soirée de suite à la Philharmonie de Paris. Après le Conservatoire de Paris CNSMDP mardi, c’était au tour de l’Orchestre Français des Jeunes de s’illustrer, dirigé pour la dernière fois par Michael Schønwandt dans un programme exigeant tant il associait brio, homogénéité, virtuosité, beauté du son, avec la touchante Piccola musica notturna de Luigi Dellapiccola, l’« Empereur » de Ludwig van Beethoven par une Elisabeth Leonskaïa aux doigts d’airain et dans un Impromptu de Franz Schubert, et le dense et complexe Concerto pour orchestre de Béla Bartók impeccablement mené, et en bis en guise d’adieu au chef danois présent depuis quatre ans, un festif España d’Emmanuel Chabrier avec de facétieux contrebassistes dansant avec leurs instruments

Michael Schønwandt, Elisabeth Leonskaïa, Orchestre Français des Jeunes
Photo : (c) Bruno Serrou

La quarante-deuxième année d’existence de l’Orchestre Français des Jeunes (OFJ) aura été la dernière des quatre saisons de Michael Schønwandt à sa tête. Toutes décorations fièrement accrochées au revers de sa queue de pie en cette soirée parisienne, le chef danois avait lui-même succédé à Fabien Gabel en 2021, et il sera lui-même relayé en 2025 par une Estonienne, Kristiina Poska. Cette dernière aurait l’intention de retourner à l’une des constantes de cette phalange à but pédagogique, la mise en résidence d’un compositeur vivant autour d’une œuvre spécifiquement composée pour elle.

Michael Schønwandt, Orchestre Français des Jeunes
Photo : (c) Bruno Serrou

Résident depuis l’été 2023 de la saline royale d’Arc-et-Senans et de l’Opéra de Dijon en Bourgogne Franche Comté, installé dans les murs de la Philharmonie de Paris depuis l’ouverture de cette dernière en janvier 2015, l’OFJ est considéré par son haut degré d’excellence comme le navire amiral des orchestres de jeunes français. Sa mouture cru 2024 a donné son dernier concert de la saison dans la Salle Pierre Boulez sous la direction de son directeur musical depuis 2022, le Danois Michael Schønwandt. Ce concert conforte le niveau d’excellence atteint par les jeunes recrues de cette formation à but pédagogique qui s’impose toujours davantage comme un passage obligé pour les apprentis musiciens qui entendent se lancer dans une carrière d’orchestre. D’autant que, comme de coutume depuis la fondation de l’OFJ en 1982, les œuvres proposées à la centaine d’élèves des conservatoires nationaux, régionaux et étrangers âgés de 16 à 26 ans par les responsables de l’orchestre pour les sessions de cette année ont permis comme de coutume de mettre en valeur à tour de rôle les divers pupitres de l’orchestre, aussi bien les cordes que les bois, les cuivres et la percussion.

Elisabeth Leonskaïa, Orchestre Français des Jeunes
Photo : (c) Bruno Serrou

L’OFJ a confirmé une fois de plus n’avoir rien à envier à quantité d’orchestres professionnels aguerris dans un programme varié, réunissant œuvres des XIXe et XXe siècles de compositeurs allemand, hongrois et italien. C’est sur une œuvre rare que s’est ouvert le concert, la touchante Piccola musica notturna (Petite musique nocturne) (1954-1961) de Luigi Dallapiccola (1904-1975) que la jeune phalange a commencé sa prestation avec une pimpante poésie, sollicitée par un Schønwandt économe en gestes mais couvant des yeux ses musiciens, l’ascendance du chef sur l’orchestre conduisant à la mise en exergue de la subtilité et de la mobilité de l’écriture du compositeur italien qui fait chanter comme personne le dodécaphonisme hérité de la Seconde Ecole de Vienne vu par le prisme de l’Italie.

Michael Schønwandt, Elisabeth Leonskaïa, Orchestre Français des Jeunes
Photo : (c) Bruno Serrou

C’est un Concerto pour piano n° 5 en mi bémol majeur op. 73 « Empereur » (1809) de Ludwig van Beethoven (1770-1827) superlatif qu’a offert Elisabeth Leonskaïa au public parisien. Quel engagement ! Quel nuancier ! Quel toucher, plein, puissant, ferme et souple à la fois, aérien, sûr… Ses phrasés, ses rubatos, ses ralentendi, ses sonorités charnelles et d’une amplitude épanouie ont fait sonner le piano tel un très grand orchestre symphonique aux graves à se pâmer, le tout en totale fusion avec le jeune orchestre… Douée d’une technique imparable, la pianiste géorgienne exalte de son instrument des sonorités épanouies et étoffées suscitant des graves dodus et des aigus aux riches harmoniques, n’hésitant pas à s’adonner à une douce mélancolie, que souligne une force adaptée à la plénitude conquérante du Titan de Bonn. Michael Schønwandt a sollicité l’Orchestre Français des Jeunes avec soin, prenant soin tour à tour à soutenir le soliste, à concerter avec elle, à prendre le pas sur elle à bon escient, répondant avec la plus vigilante attention aux options de sa soliste. Sous les doigts d’airain apte au plus large nuancier imaginable, l’Impromptu de Schubert que Leonskaïa a donné en bis a été pur enchantement, la pianiste géorgienne paraissant ainsi répondre de mauvaise grâce aux sollicitations de ses auditeurs.

Michael Schønwandt, Orchestre Français des Jeunes
Photo : (c) Bruno Serrou

Composé en 1943, le Concerto pour orchestre de Béla Bartók (1881-1945) est l’une des partitions les plus exigeantes du répertoire symphonique. Geste large et détendu mais précis, bras solide, Michael  Schønwandt a imposé sa vision dynamique et colorée du Concerto pour orchestre de Béla Bartók, tout en lui instillant l’expressivité idoine. Les musiciens de l’Orchestre Français des Jeunes ont joué le jeu avec un plaisir évident, chaque pupitre traité en solistes s’exposant volontiers à la virtuosité et au brio tout en donnant un patchwork de couleurs et de nuances dense et contrasté, d’une justesse éloquente, jusqu’au sombre registre du Château de Barbe-Bleue, que l’orchestre devait donner en Allemagne à la toute fin de cette tournée. A l’issue de cette enthousiasmante démonstration, à l’instar de chacun de ses concerts depuis 1982, l’Orchestre Français des Jeunes avait préparé un bis, portant cette fois son dévolu sur un compositeur français du XIXe siècle tourné vers la péninsule ibérique, Emmanuel Chabrier (1841-1894) et sa rhapsodie España de 1883, interprétée avec gourmandise par un OFJ ivre de lumière, de rythmes et de sons, au point que les huit contrebassistes ont fini par faire danser leurs instruments.

Bruno Serrou

 

 

 

mercredi 11 décembre 2024

Edgard Varèse en glorieuse jeunesse de Pierre Bleuse à la tête des Ensemble Intercontemporain, Orchestre du Conservatoire de Paris et Ensemble NEXT

Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Mardi 10 décembre 2024 

Pierre Bleuse, Ensemble Intercontemporain, Orchestre du Conserbatoire de Paris. 
Photo : (c) Quentin Chevrier

Compositeur mythique mais peu joué, Edgard Varèse est rarement programmé, moins encore dans le cadre de concerts monographiques… Du moins en France, depuis la mort de Pierre Boulez. Même ses pages les plus fameuses sont peu à l’affiche. Mardi soir, Pierre Bleuse l’a fait, et de belle façon, réunissant l’Ensemble Intercontemporain et les étudiants du Conservatoire de Paris, de l’œuvre solo (Densité 21,5 pour flûte) au très grand orchestre (Arcana)… Ionisation, Octandre, Intégrales, Offrandes, pour finir sur le fascinant Amériques dans sa version aux effectifs plus réduits de 1927 et non pas dans l’originale plus fournie et fauve de 1922. Un concert réjouissant, une vraie fête pour les oreilles et les montées d’adrénaline…

Pierre Bleuse, membres de l'Ensemble Intercontmporain et de l'Orchestre du Conservatoire de Paris
Photo : (c) Quentin Chevrier

La proximité des bureaux et des salles de répétition de l’Ensemble Intercontemporain, du Conservatoire de Paris (CNSMDP) et de la Philharmonie de Paris permet d’associer pédagogie et concerts communs dans des programmes originaux permettant de jouer toutes sortes de répertoires des XXe et XXIe  siècles, depuis la musique de chambre jusqu’au très grand orchestre. C’est en tout cas ce qu’avait souhaité réaliser Pierre Boulez, qui a été le premier à diriger un concert commun. Ce n’est pas la première fois d’ailleurs que les trois entités se réunissent pour offrir au public de la Philharmonie Amériques d’Edgardd Varèse qu’ils ont donné le 3 février 2015 sous la direction de Matthias Pintscher, qui avait choisi de mettre cette œuvre en résonance avec Pli selon Pli de Pierre Boulez, donnant ainsi le tout premier concert entièrement consacré à la musique du XXe siècle. 

Pierre Bleuse, membres de l'Ensemble Intercntemporain et de l'Orchestre du Conservatoire de Paris
Photo : (c) Quentin Chevrier

Sept partitions d’Edgard Varèse parmi la trentaine qu’il a achevées ont été données dans le cadre du concert monographique que lui consacraient l’Ensemble Intercontemporain et l’Orchestre du Conservatoire de Paris associés dans chacune des œuvres du programme sous la direction de Pierre Bleuse. L’éventail des œuvres retenues par le directeur musical de l’Intercontemporain couvre la période la plus fructueuse du compositeur français naturalisé états-unien, allant de 1918 à 1936. La première partie était constituée de pages pour formations réduites, du solo à l’orchestre de chambre avec voix composées entre 1921 et 1936, commençant par l’une des toutes premières œuvres occidentales entièrement vouées à un ensemble de percussionnistes, Ionisation, qui requiert la participation de treize musiciens jouant un total de dix-sept instruments percussifs, dont deux sirènes et un piano. Composée entre 1929 et 1931, créée à Carnegie Hall de New York le 6 mars 1933, cette partition d’environ six minutes a pour finalité, selon son dédicataire Nicolas Slonimsky (1894-1995) qui allait diriger le 25 février 1932 la première audition française d’Arcana, de démontrer la variété et la richesse extraordinaire de rythmes et de timbres qu’un tel ensemble peut produire, en jouant non pas sur la mélodie mais sur la polyphonie rythmique. La tenue et le foisonnement du son, la rigueur rythmique, l’impression de liberté qui émane malgré tout de l’écriture de Varèse ont été remarquablement rendus par les treize musiciens. 

Pierre Bleuse, percussionnistes de l'Ensemble Intercontemporain et du Conservatoire de Paris
Photo : (c) Quentin Chevrier

Pierre Bleuse au micro a tissé le lien entre ces pages polyphoniques et polyrythmiques et l’œuvre monophonique pour flûte en ut, Densité 21,5 (celle du platine) dans laquelle Varèse en 1936 rend hommage à Syrinx (1913) de Claude Debussy (1862-1918). Ainsi mise en résonance avec Ionisation, l’écriture de Densité 21,5 donne à la flûte une dimension plus percussive encore qu’elle n’apparaît généralement, ouvrant tout l’espace que les compositeurs vont exploiter après les années 1950 jusqu’à nos jours, ce qu’a démontré avec un naturel et une maîtrise saisissante d’une virtuosité sans fioriture de Sophie Cherrier. Rare partition de Varèse à être divisée en plusieurs mouvements, au nombre de trois alternant lent-vif-lent, composée treize ans avant l’œuvre pour flûte solo, créé le 13 janvier 1924 au Théâtre Vanderbilt de New York, Octandre exclut la percussion, et, comme le laisse présumer son titre qui renvoie aux fleurs ayant huit étamines, requiert la participation de huit musiciens, sept instruments à vent (bois et cuivres) et une contrebasse. La façon dont Varèse fait chanter le hautbois au début du Assez lent initial, ainsi que la flûte à l’amorce du Très vif et nerveux est magistrale, tout comme l’utilisation du flatterzunge (roulement de la langue dans l’embouchure produisant l’effet de tremolo) qui fera florès jusqu’à nos jours. Conçu à Paris en 1924, créé le 1er mars 1925 à l’Aeolian Hall de New York sous la direction de Leopold Stokowski, Intégrales ajoute à l’effectif d’Octandre une flûte, une clarinette, une trompette piccolo, un trombone basse et un trombone contrebasse, supprime le basson et remplace la contrebasse par une percussion foisonnante confiée à quatre instrumentistes. 

Sarah Aristidou, Pierre Bleuse, membres de l'Ensemble Intercontemporain et de l'Orchestre du Conservatoire de Paris
Photo : (c) Quentin Chevrier

A l’instar d’Octandre, Intégrales compte trois mouvements alternant lent-vif-lent qui ont été pensés pour une projection spatiale. « Je les construisis, écrit Varèse, pour certains moyens acoustiques qui n’existaient pas encore, mais qui, je le savais, pouvaient être réalisés et seraient utilisés tôt ou tard. » Le choix de l’instrumentarium s’est porté sur deux impératifs, la puissance sonore et la précision des attaques et des entretiens, les onze instruments à vent formant un ensemble compact, tandis que les dix-sept instruments à percussion ouvrent le champ d’une richesse infinie des sons à hauteurs indéterminées. Pour conclure cette première partie, Pierre Bleuse a porté son choix sur « un tout petit bout d’œuvre, quelque chose de purement intime » selon l’aveu de Varèse, Offrandes pour soprano et orchestre de chambre, en fait deux mélodies sur des traductions françaises de deux poèmes de langue espagnole, le premier du Mexicain José Juan Tablada, le second du Chilien Carlos Salzedo. Le tour intimiste de l’œuvre dont la partie vocale doit beaucoup à Debussy a été rendu à la perfection par la cantatrice franco-chypriote Sarah Aristidou, de son timbre doux et charmeur, autant dans l’environnement fluide de l’orchestre et enveloppant de la harpe dan Chanson de Là-haut que dans la densité contrastée de La Croix du sud, mais aussi de par sa tenue (robe souple et largement échancrée, pieds nus), dialoguant avec délicatesse et allant avec les vingt-et-un musiciens réunis autour d’elle (flûte, flûte piccolo, hautbois, clarinette, basson, cor, trompette, trombone, sept percussionnistes, harpe, deux violons, alto, violoncelle, contrebasse).

Sophie Cherrier
Photo : (c) Quentin Chevrier

Changement total d’atmosphère et de cadre, le plateau étant totalement éclairé dans la seconde partie, entièrement occupée par les deux grandes œuvres pour très grand orchestre. Deux partitions magistrales qui un siècle après leur genèse restent d’une prodigieuse créativité dont nombre de compositeurs d’aujourd’hui feraient bien de s’inspirer. Tout d’abord Arcana composé en 1925-1927 pour bois par cinq (trois flûtes piccolos, deux flûtes, trois hautbois, cor anglais, heckelphone, deux petites clarinettes, deux clarinettes, clarinette basse, trois bassons, deux contrebassons), huit cors, cinq trompettes, deux trombones, trombone basse, trombone contrebasse, tuba, tuba contrebasse, timbales, six percussionnistes, cordes (16, 16, 14, 12, 10), créé le 8 avril 1927 à Philadelphie par le Philadelphia Orchestra dirigé par Leopold Stockowski, spécialiste des partitions colossales, cette œuvre reste aujourd’hui encore comme la parangon de la musique moderne. Dès les exploisions introductives, l’auditeur a su combien les jeunes musiciens du CNSMDP réunis sous la houlette de leurs aînés de l’Ensemble Intercontemporain dirigés avec force conviction par Pierre Bleuse allaient se régaler et emporter dans l’alchimie de leurs sonorités fébriles et la polyrythmie endiablée leur auditoire pour les transporter dans les étoiles décrites dans l’épigraphe de la partition par le biais d’une citation de l’Astronomie hermétique du médecin astronome, philosophe, alchimiste suisse Paracelse (1493-1541). Au fourmillement des motifs qui jalonnent l’œuvre, les interprètes ont réussi à donner unité et mobilité, ce qui a maintenu d’un bout à l’autre de l’exécution de l’œuvre fluidité et transparence des textures, quelles que soient les nuances, la complexité harmonique, l’ossature rythmique, les transmutations mélodiques sous la pulsion d’un élan irrésistible, le son étant en constantes métamorphoses.

Pierre Bleuse, Ensemble Intercontemporain, Orchestre du Conservatiure de Paris
Photo : (c) Quentin Chevrier

Chef-d’œuvre absolu de la musique du XXe siècle que Pierre Boulez, à l’instar d’Arcana, a souvent dirigé, principalement dans sa version originale de 1922, de New York à Paris en passant par l’Angleterre et l’Allemagne - la dernière fois que je l’ai vu se produire dans cette partition colossale dans laquelle il excellait c’était Salle Pleyel à la tête de l’Ensemble Modern Orchestra en septembre 2007 -, Amériques d’Edgardd Varèse tient de la bravoure. Le gigantisme de cette ample page d’orchestre de vingt-quatre minutes a conclu le concert en apothéose, avec ses cent dix sept instruments (bois par cinq, huit cors, six trompettes, cinq trombones, deux tubas, deux timbaliers, 9 percussionnistes - dont une sirène de police/pompier -, xylophone, glockenspiel, célesta, deux harpes, soixante cordes). Cette partition composée au lendemain de la Première Guerre mondiale (1918-1921), datée de 1922, créée le 9 avril 1926 par l’Orchestre de Philadelphie et son directeur musical de l’époque, Leopold Stokowski, lui-même habitué des œuvres aux orchestrations surabondantes, apparaît aujourd’hui encore plus inventive que jamais. Emplie des fureurs de la ville, de la vie et des effluves sonores d’un continent entier, Amériques donne à tout ce que l’on peut entendre au concert d’orchestres un tour d’œuvres mort-nées, pour ne pas dire inutiles, tant Varèse ose, l’esprit continuellement en éveil, l’ouïe ouverte sur le monde qui l’entoure pour engendrer un poème symphonique hors du temps et hors normes, ludique, dramatique, téméraire, jubilatoire, enchâssant les séquences qui semblent n’avoir rien de commun entre elles mais qui, dans leur continuité, forment un tout consubstantiel, malgré des contrastes sonores d’une brutalité inouïe. La formation symphonique réunie pour la circonstance, Ensemble Intercontemporain et Orchestre du Conservatoire de Paris confondus dont huit membres de l’Ensemble NEXT, a rayonné tel un magicien doté de cent têtes et de deux cents bras, stimulé par la direction précise et énergique de Pierre Bleuse, qui, longue baguette à la main, a littéralement soulevé l’impressionnant continent Amériques de Varèse dont il a su édifier la diversité des plans et des dynamiques tout en rendant palpable leur simultanéité, le tout magnifié par l’acoustique particulièrement transparente et polychrome de la Philharmonie de Paris d’une qualité sans équivalence en France. Seule aura manqué un certain liant, une certaine mobilité souple et aérée qui faisaient la spécificité de la conception de Pierre Boulez de l’univers stratosphérique d’Edgardd Varèse. Mais le bonheur de l’écoute aura été total.

Bruno Serrou


lundi 9 décembre 2024

Le magicien russe Dmitry Masleev a ensorcelé le public de Piano**** au Théâtre des Champs-Elysées

Piano****. Théâtre des Champs-Elysées. Samedi 7 décembre 2024 

Dmitry Malseev. Photo : (c) Bruno Serrou

Delicatesse du toucher, virtuosité transcendante, interprétations de feu sous une sereine assurance de jeu, Dmitry Masleev a galvanisé le Théâtre des Champs-Elysées dans le cadre de Piano**** dans Piotr Ilitch Tchaïkovski, Frédéric Chopin, Carl Filtsch et Franz Liszt, auxquelk il a ajouté en bis Jean-Sébastien Bach, Edvard Grieg et Alexandre Griboïedov 

Dmitry Malseev. Photo : (c) Bruno Serrou

Découvert voilà sept ans peu après sa victoire au prestigieux Concours Tchaïkovski dans un récital au Festival de La Roque d’Anthéron, Parc du château de Florans le 29 juillet 2016 (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2016/07/deux-futurs-grands-du-piano-enluminent.html), Dmitry Masleev se produit depuis lors régulièrement en France où chacune de ses prestations confirme l’impression laissée à cette occasion qui a immédiatement fait de lui l’un des grands pianistes de la génération née dans les années 1980.

Dmitry Malseev. Photo : (c) Bruno Serrou

Un peu plus d’un an après sa venue à Paris Théâtre des Champs-Elysées à l’invitation de Piano**** (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2023/11/le-captivant-recital-du-pianiste-russe.html), ces deux mêmes institution et producteur ont accueilli le pianiste russe pour un récital dont la structure lui est caractéritique. Dmitry Masleev est un artiste toujours impressionnant de maîtrise, d’intensité, de musicalité. Car chez lui tout est vraiment musique, e de toute évidence il ne pense qu’a elle. Il n’est jamais démonstratif, il reste concentré, empli des partitions qu’il a dûment sélectionnées et du piano sur lequel il les joue. A la fin de chaque pièce, il ne s’attarde pas en saluts, se limitant à un  rapide hochement de tête, et retourner au plus vite à son clavier, pour continuer à offrir tout ce qu’il a en lui de musique, de technique pure, de couleurs, d’expressivité. Tel un véritable florilège alternant pages de virtuosité et moments élégiaques, son programme consacrait toute sa première partie au seul Piotr Ilich Tchaïkovski, assurément son compositeur favori, ouvrant son récital sur une sélection de huit morceaux extraits des Dix-huit Pièces pour piano op. 72 composées en 1893 concomitamment avec la Symphonie n° 6 « Pathétique », les deux (Berceuse, andante mosso), cinq (Méditation, andante mosso), quatre (Danse caractéristique, allegro giusto), sept (Polacca de concert, tempo di polacca), quatorze (Chant élégiaque, allegro), quinze (Un poco di Chopin - Tempo di mazurka), seize (Valse à cinq temps (vivace)) et dix-huit (Scène dansante - Invitation au trépak (allegro non tanto)), suivis de quatre extraits des plus populaires de la Suite pour piano du ballet « Casse-Noisette » (1891-1892) arrangée par Mikhaïl Pletnev, Marche, Danse de la fée dragée, Intermezzo et Danse russe (Trépak) qui, sous les doigts de magicien de Masleev ont sonné avec une poésie, une diversité rythmique et un sens de l’évocation de grande acuité dans un environnement sonore d’une infinie variété.

Dmitry Malseev. Photo : (c) Bruno Serrou

La seconde partie de la soirée réunissait trois compositeurs. Elle s’ouvrait sur trois grandes pièces de Frédéric Chopin, deux Noctunes, le premier des trois de l’opus 9 en si bémol mineur (1832) et le vingtième en ut dièse mineur op. posth. (1830), qui encadraient la Polonaise n° 6 en la bémol majeur op. 53 dite « Héroïque » de 1842, l’une des plus célèbres partitions du compositeur polonais dont Masleev s’est joué des difficultés avec une aisance singulière, sans jamais laisser paraître la moindre impression de prouesse technique pour donner toute la place à la seule musicalité. Infiniment plus rare, le Transylvanien Carl Filtsch (1830-1845) dont la fort courte vie ne lui a pas laissé le temps de développer un talent pourtant des plus prometteurs, si l’on en juge le peu qu’il laissa. Cet élève de Chopin vécut moins de quinze ans (il est mort dix-sept jours avant son quinzième anniversaire), emporté par la tuberculose. « Mon Dieu ! Quel enfant ! s’écria Chopin. Personne ne m’a jamais compris comme lui… Ce n’est pas une imitation, c’est le même sentiment, un instinct qui le fait jouer sans réfléchir comme s’il ne pouvait en être autrement. » Dmitry Malseev a enchaîné deux pages de tonalité funèbre composées en 1843 et 1844, l’Impromptu n° 3 en si bémol mineur « Adieu ! » noté Adagio et « L’Adieu à Venise » en ut mineur, cette dernière œuvre ayant été écrite peu avant son décès dans la Cité des Doges où il est enterré, non loin d’Igor Stravinski, de Serge Diaghilev et de Luigi Nono. Malseev en donne la caractère fébrile avec une sensibilité souveraine, une maîtrise du temps et du discours exemplaire. Autre admirateur du jeune Filtsch, Franz Liszt, qui déclara un jour « Si ce garçon décide de voyager, je suis fini ! ». C’est avec lui que le pianiste russe a conclu son concert, avec la fameuse Totentanz (Danse macabre) dans sa version virtuosissime pour piano seul. Elaborée sur la séquence terrifiante du Dies Irae de l’office catholique des morts déjà utilisée notamment par Hector Berlioz dans la Symphonie fantastique et qui sera l’un des éléments moteurs de la création de Serge Rachmaninov, entre autres, variée cinq fois dans un climat différent où passent squelettes, cercueils, sorcières, spectres comme l’écrit Michel Lenaour, dans une virtuosité poussée dans ses limites extrêmes, pour se conclure en apothéose, après des glissandi furieux des deux mains, illustrant le combat victorieux du Ciel contre la volonté d’anéantissement de l’Enfer par l’entremise du seul clavier du piano. Ce qiui frappe à l’écoute de Malseev c’est la magnificence des sonorités qu’il tire de l’instrument avec une facilité naturelle qui fascine tant elle transcende le piano qui se fait orchestre au grand complet, tandis qu’aucun effort physique n’apparaît tant le jeu est souple, serein, parfaitement maîtrisé, sans excès de pathos ni surcharges expressives.

A ce programme fourni et varié raffermi par une structure fort élaborée, Dmitry Masleev a ajouté trois bis, une transcription de Alessandro Marcello (1673-1747) de l’Adagio du Concerto en fa majeur pour hautbois et orchestre BWV 1053 de Jean-Sébastien Bach (1685-1750), un extrait de Peer Gynt (Dans l’antre du roi de la montagne) d’Edvard Grieg (1843-1907) et une Valse du compositeur diplomate russe Alexandre Griboïedov (1894-1829).

A noter que Dmitry Masleev publie en janvier 20255 chez Aparte un CD (1) réunissant sous le titre Dies Irae des œuvres pour piano et orchestre de Franz Liszt, Serge Rachmaninov et Jean-Sébastien Bach, qu’il dirige du piano.

Bruno Serrou

1) 1 CD Aparte AP384. Durée : 56 mn. Enregistré 0 Moscou en juin 1923. DDD

 


dimanche 8 décembre 2024

Excellente reprise de la remarquable production de «Dialogues des carmélites» de Francis Poulenc par Olivier Py avec une distribution toujours brillante

Paris. Théâtre des Champs Elysées. Vendredi 6 décembre 2024

Francis Poulenc (1899-1963), Dialogues des carmélites. Vannina Santoni (Blanche de La Force). 
¨hoto : (c) Vincent Pontet

Reprise en ce début de mois de décembre 2024 par le Théâtre des Champs-Elysées de la remarquable production d’Olivier Py de Dialogues des carmélites de Francis Poulenc que l’institution de l’avenue Montaigne a créée en 2013 et reprise en 2018. Soirée d’une force déchirante, avec une distribution idéale formant une authentique troupe, orchestre et chef différents des deux fois précédentes, le brillant Jérémie Rohrer qui dirigeait le Philharmonia Orchestra la première fois puis l’Orchestre National de France, remplacés cette fois par l’excellente cheffe new-yorkaise Karina Canellakis dirigeant l’orchestre Les Siècles, dont l’historique a carrément effacé dans le programme de salle le nom de son fondateur, François-Xavier Roth…

Francis Poulenc (1899-1963), Dialogues des carmélites. Sophie Koch (Madam de Croissy), Vannina Santoni (Blanche de La Force. Photo : (c) Vincent Pontet

Je ne reviendrai pas ici sur la genèse de l’œuvre que j’avais exposée dans ces colonnes le soir de sa première représentation (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2013/12/olivier-py-et-jeremie-rohrer-offrent.html), et me focaliserai sur les spécificités de cette seconde reprise. Dans un décor superbe de simplicité et signifiant digne d’un carmel, au dégradé de gris de Pierre-André Weitz, à l’instar de ses costumes, la direction d’acteur d’Olivier Py retravaillée par Daniel Izzo donne sa dimension spirituelle et son caractère propre à chacun des personnages. L’agonie de la première Prieure telle un Christ en croix recouverte d’un linceul sur un lit entouré d’une table de nuit et d’une lampe fixés sur un mur, le tout de couleur blanche, les apparitions de la crèche aux moments cruciaux, celle de la Cène reconstituées par des femmes, le sacrifice de l’Agneau, le finale sur le plateau nu donnant sur un ciel nocturne étoilé vers lequel les carmélites vêtues de longues chemises blanches s’éloignent les unes après les autres au son de la guillotine, sont quelques-uns des moments les plus bouleversants d’une mise en scène qui n’en est pas avare.


Francis Poulenc (1899-1963), Dialogues des carmélites.
Photo : (c) Vincent Pontet

Violoniste virtuose, disciple de Simon Rattle, cheffe principale du Netherlands Radio Philharmonic Orchestra, hôte de l’Orchestre de Paris, Karina Canellakis s’est déjà illustrée en novembre 2021 dans la fosse du Théâtre des Champs-Elysées dans Eugène Onéguine de Tchaïkovski à la tête de l’Orchestre National de France. Il est clair que Canellakis aime cette œuvre, lui donnant une force dramatique, un lyrisme puissamment évocateur, à l’écoute de chaque protagoniste qu’elle soutient avec une attention particulière au verbe, à l’articulation, au débit du texte, ne couvrant jamais les voix, même dans les moments les plus tendus, au point d’instaurer un véritable dialogue avec les protagonistes dont l’orchestre est le prolongement et le reflet. Elle est en parfaite adéquation avec le plateau, traduisant les non-dits, les sentiments profonds des personnages, galvanisant un orchestre Les Siècles aux sonorités sombres et opalescentes.

Francis Poulenc (1899-1963), Dialogues des carmélites
Photo : (c) Vincent Pontet

Comme précédemment, l’exceptionnelle réussite de ces Dialogues tient aussi à une distribution magistrale, toujours emmenée par Patricia Petibon, cette fois en Mère Marie de l’Incarnation. La voix s’est en effet étoffée, la ligne de chant reste d’une solidité pérenne et le timbre s’est épanoui et élargi. Dans le rôle de Sœur Blanche de l’Agonie du Christ, qui porte les moindres intentions du metteur en scène, revient à Vannina Santoni, voix lumineuse et brûlante qui lui permet de donner toute la complexité du personnage avec une juste humanité. Tour à tour exaltée et modeste, docile et rebelle, cassante et fragile, la novice entrée au carmel pour échapper au monde extérieur qui l’effraie est poignante de vérité. Autour d’elle, la noble Madame Lidoine de Véronique Gens, intègre et généreuse, à la vocalité aussi brillante qu’en 2013. L’ardente Madame de Croissy éperdue d’angoisse et de doutes de Sophie Koch. L’exhortation blasphématoire de sa première Prieure épouvantée par la perspective de la mort, est saisissant d’effroi tant la cantatrice atteint une violence insoutenable, altérant habilement sa ligne de chant torturée par la douleur. Manon Lamaison se substitue à Sabine Devieile en Sœur Constance de saint Denis tendre et rêveuse, incarnant un être pur et profond. Réduits à la portion congrue, les hommes sont néanmoins à la hauteur des religieuses, avec un Alexandre Duhamel campant émouvant Marquis de La Force, et, surtout, un Sahy Ratia dont la voix de ténor mozartien s’impose dans la figure tourmentée du Chevalier de La Force. Les autres rôles, comme Loïc Félix en Père confesseur du couvent de Compiègne, sont tout aussi méritants, ainsi que le Chœur Unikanti dirigé par Mathieu Poulain.

Bruno Serrou

 

 

 

jeudi 5 décembre 2024

Captivante "Symphonie fantastique" de l’Orchestre de Paris et Klaus Mäkelä

Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Mercredi 4 décembre 2024 

Klaus Mäkelä, Orchestre de Paris. Photo : (c) Bruno Serrou

Concert à « 3B » mercredi soir à la Philharmonie de Paris par l’Orchestre de Paris et son directeur musical Klaus Mäkelä, une œuvre riche commandée par l’orchestre pour le Festival d’Aix-en-Provence, A Sky too Small de la britannique Charlotte Bray puissance fort bien construite et instrumentée, le sublime Concerto n° 3 de Beethoven par une Mitsuko Uchida comme absente, tant son toucher est apparu arachnéen, suscitant un nuancier manquant de carnation, et une Symphonie fantastique de Berlioz de feu, avec un chef rayonnant et dynamique à la tête d’une formation chantant dans son jardin de façon idiomatique

Klaus Mäkelä, Orchestre de Pa'ris. Photo : (c) Bruno Serrou

Pas trouvé d’autre lien que ces « 3B » dans le programme proposé par l’Orchestre de Paris pour son premier concert du mois de décembre 2024, quatre jours après sa semaine « Résurrection » de Gustav Mahler. Certes, Hector Berlioz (1803-1869) portait pour Ludwig van Beethoven (1770-1827) une admiration proche de l’idolâtrie, quant à notre contemporaine Charlotte Bray (née en 1982), outre le fait qu’elle soit Britannique, nationalité que ses deux illustres aînés appréciaient particulièrement (Shakespeare et l’Ecosse en commun, la première épouse comédienne Harriet Smithson pour le second), elle s’avère être une brillante orchestratrice qui n’a apparemment rien à envier à l’Allemand et au Français… C’est avec la jeune quadragénaire, originaire d’Oxford, formée au Conservatoire de Buckingham (violoncelle, composition), élève de Mark Anthony Turnage au Royal College of Music de Londres, d’Oliver Knussen et de Magnus Lindberg, elle a été lauréate du Prix Lili Boulanger en 2014, année où le Festival d’Aix-en-Provence l’a invitée à donner une master class (voir https://festival-aix.com/medias/video/master-class-de-compositeur-charlotte-bray-2014). Fondée sur une tragique histoire vraie d’une incarcération forcée au fond d’un puits sombre où le captif ne voit que le ciel infini, A Sky too Small (Un ciel trop petit) pour orchestre (bois par deux, quatre cors, trois trompettes, deux trombones, tuba, trois percussionnistes, harpe, cordes). Tel un poème symphonique, la partition commandée par le Festival d’Aix-en-Provence et l’Orchestre de Paris qui l’ont créé le 13 juillet de cette année, décrit les tourments psychiques et physiques subits par le captif qui subit la haine et la terreur de ses geôliers, le cadre et l’environnement de sa détention, son activité réduite qui consiste essentiellement à tourner en rond dans sa fosse, la narration se faisant par le biais d’une écriture instrumentale dense, limpide, variée qui tient l’auditeur en haleine, trop brièvement finalement tant les sept minutes de cette œuvre sombre et dramatique contiennent d’expressivité.

Mitsuko Uchida (piano), Mohamed Hiber (violon solo), Klaus Mäkelä, Orchestre de Paris
Photo : (c) Bruno Serrou

Composé entre 1800 et 1802, créé à Vienne le 5 avril 1803, dédié l’année suivante au prince Louis-Ferdinand de Prusse, le Concerto n° 3 pour piano et orchestre en ut mineur op. 37 de Beethoven compte parmi les chefs-d’œuvre les plus extraordinaires de la littérature concertante pour l’instrument-roi. Beethoven atteint en effet un l’équilibre parfait entre le soliste et l’orchestre qu’il traite tels des partenaires. Un véritable dialogue s’instaure d’ailleurs dans le vaste développement de l’Allegro con brio initial, où le piano acquiert une totale indépendance et une virtuosité singulière dans son propre champ expressif, avec pour point d’orgue les sublimes accords en creux qui ouvrent la coda conclusive. Ce n’est pas la part dévolue à l’orchestre qui a péché par faiblesse, bien au contraire, Klaus Mäkelä et ses musiciens de l’Orchestre de Paris brodant un tissu orchestral onctueux, brillamment éclairé de l’intérieur, empli d’exquises sonorités et poussant à l’expressivité, mais le piano de Mitsuko Uchida n’est pas entré dans le discours de la phalange parisienne. L’artiste japonaise résidant à Londres m’est apparue étrangement absente, contrainte entourée des bruissements de l’orchestre en regard de la discrétion de son interprétation, la pianiste semblant se concentrer sur sa technique, au demeurant irréprochable, au détriment de l’expression, restant constamment sur son quant-à-soi. Après plusieurs rappels, Mitsuko Uchida a fini par s’asseoir de nouveau devant le Steinway de la Philharmonie, pour une curieuse tentative de bis avortée, s’essayant à plaquer trois accords avant de se relever lentement comme prise de panique de ne pas trouver ce qu’elle pouvait jouer…

Mitsuko Uchida, Klaus Mäkelä, Orchestre de Paris. Photo : (c) Bruno Serrou

La Symphonie fantastique (1830) d‘Hector Berlioz avec laquelle l’Orchestre de Paris a été porté sur les fonts baptismaux par son fondateur Charles Münch en 1967, est nous le savons tous dans l’ADN des musiciens, qui se transmettent la tradition de générations en générations, et la façon enlevée dont Klaus Mäkelä les a revigorés ce mercredi soir par une conception monumentale d’énergie, de mobilité, les gestes proprement chorégraphiques comme entrant dans la pâte sonore pour mieux la ciseler, le chef finlandais semblant chercher la vitalité jusqu’au tréfonds de l’orchestre (parmi tous les musiciens, retenons ici le cor anglais Gildas Prado, la clarinette de Philippe Berrod et la petite flûte Bastien Pelat, cornistes et harpistes, ainsi que le violon solo invité, Mohamed Hiber), avec une précision ahurissante, engendrant un véritable bain de jouvence pour les yeux et pour les oreilles, tant le chef a réussi à susciter une tempête sonore phénoménale, se laissant emporter lui-même jusqu’au vertige, ce qui a constitué comme un tremplin pour le public avide d’applaudissements intempestifs… Mais l’on a beau se dire « oh, encore une fantastique », chaque écoute de cette œuvre si souvent programmée, ne cesse de susciter l’enthousiasme à chacune de ses apparitions à l’affiche de l’Orchestre de Paris…

Bruno Serrou

 

 

mardi 3 décembre 2024

L’Orchestra dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia de Rome, son directeur musical Daniel Harding et la violoniste Lisa Batiashvili ont offert à Paris une féerique fête des sons

Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Lundi 2 décembre 2024 

Daniel Harding, Orchestra dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia
Photo : (c) Cheeese - Ava du Parc

Quand un orchestre italien brille dans tous les répertoires (France, Russie, Allemagne, Italie), c’est une véritable fête pour les oreilles… L’Orchestra dell’Accademia Nazionale di Santa Cecilia dirigé avec élégance et sensibilité par Daniel Harding, son directeur musical. Avec, après l’Après-midi d’un faune de Claude Debussy, la solaire Lisa Batiashvili dans le Concerto n° 2 pour violon de Serge Prokofiev d’une limpidité lumineuse, suivi d’un touchant hommage avec l’orchestre à son pays, la Géorgie, qui traverse en ce moment de tragiques épreuves avec un arrangement de choral pour orgue de Johann Sebastian Bach pour violon et orchestre. Une onirique et chatoyante Symphonie n° 2 de Johannes Brahms, suivie d’un hommage à Giacomo Puccini mort voilà cent ans le 30 novembre avec l’intermezzo du troisième acte de Manon Lescaut à tirer des larmes 

Daniel Harding, Orchestra dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia
Photo : (c) Cheeese - Ava du Parc

A l’instar de la flûte solo d’un moelleux et d’une sensualité fruitée d’Andrea Oliva et du flux magique des des doigts courant sur les cordes des deux harpes de Silvia Podrecca et d'Anna Aslesano, il est apparu dès l’amorce du concert que l’Orchestre de l’Académie Nationale de Sainte Cécile de Rome se situe parmi les grandes phalanges symphonique européennes, grâce à l’expérience d’excellence forgée pendant dix-huit ans par Antonio Pappano et de son successeur en 2023, Daniel Harding. Le son ample et charnel de l’orchestre donne au Prélude à l’après-midi d’un faune de Claude Debussy d’après un poème de Stéphane Mallarmé une carnation suave et charnelle bienvenue qui va judicieusement à l’encontre des timbres évanescents que l’on trouve trop souvent dans l’exécution de cette œuvre conçue pour le concert en 1892-1894, vingt ans avant d’être chorégraphiée en 1912 par Vaslav Nijinski pour les Ballets russes de Serge de Diaghilev.  

Lisa Batishvili (violon), Daniel Harding, Orchestra dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia
Photo : (c) Cheeese - Ava du Parc

Avec en soliste la prodigieuse Lisa Batiashvili, le Concerto pour violon et orchestre n° 2 en sol mineur op. 63 de Serge Prokofiev a atteint une beauté stupéfiante. Composé à Paris, Voronej et Bakou, créé le 1er décembre 1935 au Teatro monumental de Madrid par le virtuose français Robert Soetens, ce second concerto pour violon du compositeur russe techniquement exigeant est mû par une virtuosité prégnante mais non pas envahissante, au point qu’il en émane avant tout un lyrisme ardent, Prokofiev donnant la primauté au chant en se détournant de toute tentation aux frictions sonores. Les qualités de musicienne de la violoniste géorgienne se manifestent dès l’amorce du concerto, où le violon seul s’exprime. Cette merveilleuse artiste irradie, projetant sur le public des flamboiements foudroyants de ses extraordinaires sonorités, d’une ferveur, d’une variété de coloris phénoménale, des timbres épanouis de son archet plein, délié, d’une précision, d’une légèreté, d’une ampleur expressive telle qu’elle exalte un nuancier d’une ampleur et d’une diversité qui lui permettent d’atteindre une intensité expressive et plastique ahurissante. Il convient aussi de saluer les sublimes dialogues de la violoniste géorgienne avec l’orchestre et ses solistes. 

Daniel Harding, Orchestra dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia
Photo : (c) Cheeeve - Ava du Parc

En bis, Lisa Batiashvili a opté pour un partage avec les pupitres des cordes de la phalange de la capitale italienne dans un adagio de Suite de Jean-Sébastien Bach d’une brûlante émotion. En bis, Lisa Batiashvili a opté pour un partage avec l’orchestre italien dans le choral pour orgue de cantate Ich ruf zu dir, Herr Jesu Christ (Je t’appelle, Seigneur Jésus Christ) BWV 639 de Johann Sebastian Bach par le compositeur suédois Anders Hillborg (né en 1954) pour violon et orchestre.

Daniel Harding, Orchestra dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia
Photo : (c) Cheeee - Ava du Parc

C’est une Symphonie n° 2 en ré majeur op. 73 de braise qu’ont donné à entendre le Santa Cecilia et son « patron » Daniel Harding. Dansante, brûlante, vivifiante, leur interprétation a été si intense et séduisante que son exécution est passée à la vitesse de la lumière. Impossible de retenir le temps, tant la dynamique instillée par le chef britannique à sa formation italienne était étourdissante au point que la notion de temps a été totalement dissoute, le binôme réussissant la gageure de mettre en évidence la sérénité classique de l’œuvre et son énergique modernité. Après la fort longue maturation de la Première Symphonie entendue voilà neuf jours (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2024/11/le-budapest-festival-orchestra-ivan.html) dont la genèse occupa quatorze années de la vie de son auteur (1862-1876), celle de la Deuxième Symphonie prit moins d’un an, en 1877, parallèlement au Concerto pour violon. D’entrée, les violoncelles et les contrebasses ont donné le ton à l’esprit qui allait emporte l’œuvre sur les cimes, l’orchestre romain allant enluminer pendant quarante minutes les longues phrases aux amples respirations caractéristiques de Brahms, soutenus par les pédales de timbales (solide Antonio Catone) dans lesquelles le maître hambourgeois enveloppe toutes ses partitions, leur donnant un relief ahurissant avec des sonorités onctueuses et profondes, patinées par des cuivres miroitant, les cors somptueux menés par Alessio Allegrini qui a enlumine l’exposition du thème principal de l’Allegro non troppo initial, les trompettes moirées, particulièrement le solo Alfonso Gonzales Barquin, étoffés par la présence de trois trombones et d’un tuba, qui se substitue au contrebasson de la symphonie précédente, tandis que les bois à l’instar du hautbois chaleureux et affable de Francesco Di Rosa, tandis que le violons avec à leur tête l’excellent violon solo Andrea Obiso, bien que trop envahissant sur son siège, disposés à l’allemande, faisaient rebondir d’un côté à l’autre du plateau le matériau thématique, particulièrement dans l’Allegro con spirito final, dans le jeu mystérieux sotto voce, tandis que l’orchestre entier a porté en apothéose les ultimes mesures de l’œuvre. Contrairement à la qualité de l’écoute relevée dans la Symphonie « Résurrection » de Gustav Mahler mardi dernier (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2024/11/tout-espoir-de-resurrection-annihile.html), le public s’est avéré moins discipliné, applaudissant entre chaque mouvement, au risque de susciter quelque signe d’incompréhension de la part des musiciens italiens et du chef britannique…

Daniel Harding, Orchestra dell'Accademia Nazionale di Santa Cecilia
Photo : (c) Cheeese - Ava du Parc

Ce qui ne les a pas empêchés d’offrir un bis somptueux, d’une intensité tragique mais sans pathos de l’Interlude orchestral du troisième acte de l’opéra Manon Lescaut (1893) de Giacomo Puccini (1858-1924) pour célébrer la mémoire du maître de l’opéra italien disparu voilà cent ans le 29 novembre…

Bruno Serrou

 

samedi 30 novembre 2024

Emouvante soirée de poésie musicale, fruit de la magique rencontre de deux compositeurs à deux siècles de distance, Franz Schubert et Bernard Cavanna

Paris. Librairie 7L. Studio photo de Karl Lagerfeld. Jeudi 28 novembre 2024

Julie Cherrier Hoffmann (soprano), Saskia Lethiec (violon), Pascal Contet (accordéon), David Louwerse (violoncelle)
Photo : (c) Bruno Serrou

Soirée lyrico-littéraire intimiste (une centaine personnes) dans un lieu magique de la Librairie 7L, lieu de rencontre littéraire et artistique de Chanel, ex-studio photo-bibliothèque de Karl Lagerfeld situé au cœur du Quartier latin, consacrée à Franz Schubert et les merveilleuses transcriptions réalisées par Bernard Cavanna pour soprano et trio violon, violoncelle et accordéon, avec quatorze lieder transcrits mis en résonance avec le Trio n° 1 pour violon, violoncelle et accordéon (1995) de Cavanna, avec Julie Cherrier Hoffmann (soprano), François Marthouret (récitant), Saskia Lethiec (violon), David Louwerse (violoncelle) et Pascal Contet (accordéon), initiateur du concert 

Saskia LMethiec (violon), François Marthouret (récitant), Julie Cherrier Hoffmann (soprano), Pascal Contet (accordéon), David Louwerse (violoncelle). Photo : (c) Dominique Bentejac

Depuis une vingtaine d’années, Bernard Cavanna (né en 1951) s’est attaché aux lieder de Franz Schubert (1797-1828). Mais, contrairement à ses confrères qui s’y sont attachés, ce n’est pas une extension, ni une adaptation, pas même une transposition qu’il propose, mais une intégration à sa propre créativité, à l’esprit au fond assez proche de son modèle, tous deux musiciens de l’intime confession alors que chacun donne l’impression d’une pudique réserve dissimulée par un humour ravageur. Ainsi, tandis que son modèle s’exprimait principalement avec le piano pour la mélodie, Bernard Cavanna a fait avec les lieder qu’il a sélectionnés œuvre personnelle, choisissant trois de ses instruments fétiches, le violon, le violoncelle et l’accordéon, qui « conjuguent les expressions des deux instruments à archet, ’’nobles’’ et chargés d’histoire et de répertoire, à celui plus désuet, populaire, d’un ’’instrument à vent’’, jouant aussi tirer-pousser, l’accordéon », ce dernier ayant fait son apparition au début du XIXe siècle tandis que le brevet est déposé à Vienne quelques mois après la mort de Schubert.

Saskia Lethiec (violon), Pascal Contet (accordéon), David Louwerse (violoncelle), Bernard Cavanna
Photo : (c) Gérard Touren

L’environnement sonore créé par Bernard Cavanna ne trahit en rien les intimes confidences et la nostalgique pensée de Franz Schubert. Bien au contraire, car le choix de l’instrumentation instille une connotation à la fois plus fluide, plus contrastée, plus dense et diversifiée que le dialogue voix-piano, dont la percussion des touches sur les cordes, aussi délicate soit-elle, est beaucoup moins fusionnelle avec le flux naturel de la voix portée par la respiration du chanteur que peut l’être le trio retenu par l’adaptateur qui, pour sa part, le rend plus prégnant, y compris dans les nombreux passages pizzicati. Parmi les plus de six-cents lieder de Franz Schubert, Bernard Cavanna a porté son dévolu sur des pages d’un jeune homme de moins de dix-huit ans, les célèbres Gretchen am Spinnrade (Marguerite au rouet) et Erlkönig (le Roi des aulnes), et des mélodies moins courues comme Die Tauberpost (Le Pigeon voyageur), qui appartient à l’ultime maturité du Viennois, intégré de façon posthume au recueil intitulé de façon apocryphe Der Schwanengesang (Le Chant du cygne). Quant à Meeres Stille, il est le lied de Schubert préféré de Cavanna, à l’instar de Gretchen am Spinnrade et d’Am Flusse. Ce sont ainsi treize lieder qui ont été offerts jeudi soir dans le cadre chaleureux à l’acoustique parfaitement adaptée à la musique de chambre, qui sonne de façon claire et analytique, donnant à chaque note sa juste place, aux instruments et à la voix leur définition et couleur exactes. Pascal Contet a construit le programme tel un peintre de l’âme, commençant par le célèbre An die Musik (A la musique) publié en 1818 sur un texte de Franz von Schober (1796-1882) - Ô noble art, que de fois dans les heures tristes -, instaurant ainsi sans attendre le climat délicatement désespéré de la soirée. Ce lied était suivi d’Im Frühling (Au printemps) o. 101/1 D. 882 de 1826 sur un poème d’Ernst Schulze (1789-1817) - Le bonheur de l’amour s’enfuit, et seul l’amour reste, l’amour et la souffrance -, puis Das Wandern D. 795 (1823) sur un poème publié par Wilhelm Müller (1794-1827), avant un interlude purement instrumental, les deux mouvements initiaux du somptueux Trio n° 1 pour accordéon et cordes composé en 1995 par Bernard Cavanna dont on retrouve des éléments dans son douloureux Concerto pour violon n° 1 (1998-1999) et auquel Pascal Contet participa à la création en janvier 1996 à Brest puis dans sa version définitive dans le cadre du Festival Musica en septembre 1997, les deux fois au sein du Trio Allers-Retours aux côtés de Noëmie Schindler (violon) et de Christophe Roy (violoncelle).

Julie Cherrier Hoffmann (soprano), Saskia Lethiec (violon), Pascal Contet (accordéon), David Louwerse (violoncelle)
Photo : (c) Bruno Serrou

A l’issue de cet intermède, l’acteur metteur en scène et réalisateur François Marthouret, qui s’est vu confier le rôle du narrateur, a lu en français le poème de Johann Gabriel Seidl (1804-1875) Die Taubenpost (Le pigeon voyageur) auquel le quatuor a enchaîné le lied de Schubert/Cavanna D. 957 (1828) intégré dans Der Schwanengesang (Le Chant du Cygne) que les quatre musiciens ont enchaîné avec Die Junge Nonne (La jeune nonne) D. 828 op. 43/1 sur un poème de Jocob Nicolaus Craigher de Jachelutta (1797-1855) - « Comment la tempête hurlante rugit à travers la cime des arbres » -, le Lied der Mignon (Lied de Mignon) et Gretchen an Spinnrad (Marguerite au rouet) D. 118, premier des soixante-douze poèmes de Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) mis en musique par Schubert, avant d’être de nouveau rejoint par François Marthouret, qui a lu le poème de Goethe Heidenröslein (Petite rose des bruyères) avant d’interpréter le lied op. 3/3 D. 257, avant le second intermède durant lequel le trio d’instrumentistes a offert une interprétation onirique des deux derniers mouvements du Trio n° 1 pour accordéon et cordes de Bernard Cavanna qui se conclut sur une longue et tendre plainte d’une durée comparable aux trois morceaux initiaux de l’œuvre. Les quatre lieder de la troisième et dernière partie enchaînaient lecture du poème par Marthouret et exécution du lied par les quatre musiciens, concluant en un merveilleux bouquet de pages au lyrisme intense, les quatre de 1815 sur des vers de Johann Wolfgang von Goethe, An den Mond (A la lune) D. 193, qui aborde les thèmes de la perte, de la mort, du deuil et explore les liens mystérieux de l’inspiration entre les modes des vivants et des morts, Am Flusse (Au bord de la rivière) D. 160, Meeres Stille (Mer tranquille) op. 3/2 D. 216 où l’angoisse se fait toujours plus prégnante, et le merveilleux Erlkönig (Le Roi des Aulnes) op. 1 D. 328.

Julie Cherrier Hoffmann (soprano), Saskia Lethiec (violon), Pascal Contet (accordéon), David Louwerse (violoncelle), 
Bernard Cavanna. Photo : (c) Pierre Brévignon

La soprano nancéenne Julie Cherrier Hoffmann après un moment d’échauffement nécessaire à l’équilibre de sa voix, a donné de ces lieder des interprétations authentiques de sa voix feutrée à la diction claire, se fondant avec grâce dans les sonorités moelleuses des archets de la violoniste Saskia Lethiec, membre fondateur du Trio Hoboken, et du violoncelliste David Louwerse, soliste de l’Ensemble Variances épris de création, tandis que Pascal Contet donnait un liant discret mais tendrement évocateur à l’ensemble de ses sonorités délicieusement troublantes ouvrant les portes au rêve. Rêve d’autant plus présent que les quatre musiciens ont donné en bis le divin Ständchen (Sérénade) D. 889 de Schubert composé en juillet 1826 sur les mots bien en situation en fin de soirée de la chanson tirée de la scène 3 de l’acte II de la pièce Cymbeline, King of Britain de William Shakespeare - Bonne nuit, bonne nuit, ma bien-aimée. Que les anges du paradis veillent sur toi. Mais, se trouvant dans les locaux où vécut le couturier de Chanel Karl Lagerfeld et tenant à lui rendre hommage, Pascal Contet a voulu qu’artistes et public chantent en cœur La Paloma (La Colombe), chanson d’inspiration cubaine du compositeur espagnol Sebastian Iradier (1809-1865) rendue célèbre par Nana Mouskouri et Mireille Mathieu…

Saskia Lethiec (violon), Bernard Cavanna, François Marthouret (récitant), Julie Cherrier Hoffmann (soprano), Pascal Contet (accordéon), David Louwerse (violoncelle). Photo : (c) Dominique Bentejac

Pour en revenir à l’essentiel, il émane des pages de Franz Schubert d’une profonde mélancolie magnifiées par Bernard Cavanna une intime affliction, et l’émotion point à tout moment dans ces poèmes musicaux au temps suspendu. Reste à souhaiter de la part de Bernard Cavanna, qui en annonce un certain nombre d’autres, qu’il poursuive au plus vite - tempo qui n’est pas évident de sa part pour composer - son remarquable travail sur les lieder de son aîné viennois dont il sait si bien saisir contours et élans avec une bouleversante humanité qu’il partage avec son inspirateur de façon si pénétrante.

Bruno Serrou

1) 1 CD NoMadMusic (2018) avec Isa Lagarde (soprano), Noëmie Schindler (violon), Anthony Millet (accordéon), Atsushi Sakai (violoncelle)