vendredi 17 janvier 2025

Brillante première prestation à la tête de l'Orchestre de Paris du chef britannique Robin Ticciati, actuel directeur musical du Festival de Glyndebourne

Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Mercredi 15 janvier 2025 

Robin Ticciati, Orchestre de Paris. Prise d'écran de répétitions
Document (c) Orchestre de Paris / Philharmonie de Paris

Découverte cette semaine d’un excellent chef qui faisait ses débuts avec l’Orchestre de Paris sous la symbolique du chiffre cinq, le britannique Robin Ticciati, qui a donné une Cinquième de Mahler ardente, colorée, virtuose, d’une remarquable unité, avec un Adagietto dans le juste tempo, objectif mais chantant merveilleusement (dommage qu’il n’ait pas enchaîné le Rondo-Finale sans pause). En première partie, la merveilleuse Lisa Batiashvili a donné un Concerto n° 5 pour violon de Mozart chaleureusement onirique, puis en bis un arrangement pour violon et orchestre à cordes d’une pièce puisant aux sources folkloriques géorgiennes 

Lisa Batiashvili, Robin Ticciari, Orchestre de Paris. Prise d'écran de répétitions.
Document (c) Orchestre de Paris / Philharmonie de Paris

Agé de quarante ans, actuel directeur musical du Festival de Glynbdebourne remarqué sur l'estrade de l'Orchestre National de France dès 2015, disciple de Sir Colin Davis et de Sir Simon Rattle, Robin Ticciati s'est imposé cette semaine au public de la Philharmonie pour sa première apparition à la ta tête de l'Orchestre de Paris, à la fois comme partenaire particulièrement à l'écoute dans une oeuvre concertante de l'ère classique et comme virtuose de la direction dans une partition complexe du répertoire symphonique post-romantique. Merveilleuse violoniste possédant un son extraordinaire de couleurs et de densité, Lisa Batiashvili a donné sous sa direction un Concerto pour violon n° 5 en la majeur KV. 219 dit « turc » (1775) de Mozart d’une chaleur, d’une variété de coloris exemplaires, riches en timbres épanouis par un archet plein, délié, d’une précision, d’une souplesse, d’une force expressive, exaltant un nuancier d’une ampleur saisissante. Chaleureuse, tendre, d’une grâce souriante, son interprétation de l’ultime concerto pour violon du compositeur salzbourgeois a judicieusement alterné insouciance et gravité toujours baignées d’une lumière solaire. 

Lisa Batiashvili, Robin Ticciari, Orchestre de Paris
Photo : (c) Bruno Serrou

En bis, la violoniste franco-géorgienne a présenté des Miniatures aux élans folkloriques de son compatriote Sulkhan Tsintsadze (1925-1991) dans un arrangement pour violon et orchestre à cordes d’un autre compatriote, Nikoloz Rachveli (né en 1979) qui ont constitué un véritable témoignage du cœur en ces temps où la Géorgie fait face à des menaces autant intérieures qu’à ses frontières de l’est.

Robin Ticciati, Orchestre de Paris. Photo : (c) Bruno Serrou

En seconde partie, l’Orchestre de Paris et Robin Ticciati ont donné une interprétation grandiose de la Symphonie n° 5 en ut dièse mineur (1901-1902) de Gustav Mahler. L’auditeur a senti dès l’exposition du premier thème qu'il allait vivre un grand moment sitôt l’attaque à découvert d’une trompette solo sonnant fier et endurant tenue par l’infaillible Frédéric Mellardi, qui, tout en songeant assurément à la fin de la longue Trauermarch tout au long de laquelle il a fort à faire puisque c’est à lui qu’est confié l’essentiel du matériau thématique de ces vingt minutes de musique avant de se retrouver souvent à découvert par la suite, ne s’est jamais relâché jusqu’à sa phrase ultime se concluant ppp a capella à la fin de la coda. Autre performance remarquable, celle du cor solo (Benoît de Basony) qui a étonnamment joué debout le troisième mouvement. Il convient également de saluer la violon solo invitée, Seohee Min, actuelle violon solo de l’Orchestre Philharmonique de Luxembourg, tout aussi magistrale… Mais tous les pupitres seraient à féliciter, notamment la harpiste Anaëlle Tournet et le premier altiste Corentin Bardelot, son homologue contrebassiste Ulysse Vigreux, le flûtiste Vicens Prats, le hautboïste Sébastien Giot, le clarinettiste Pascal Moraguès, le bassoniste Marc Trénel, le tromboniste Guillaume Cottet-Dumoulin, le tubiste Stéphane Labeyre, entre autres, tant l’ensemble de la phalange s’est avéré d’une dextérité exemplaire, formant à eux tous un orchestre remarquable d’équilibre, de cohésion rehaussée par un évident bonheur de jouer ensemble. Robin Ticciati alterne une gestique précise et souple, sans jamais se faire envahissant, le geste retenu mais large et net, battant souplement la mesure, ouvrant largement les bras dans les moments de tendresse et d’onirisme, s’économisant pour laisser un certaine liberté aux musiciens et porter l’écoute du public à son comble, allant jusqu’à le porter au faîte de l’émotion. L’Adagietto a été interprété dans le juste tempo, l’expression s’imposant avec naturel, sans jamais sombrer dans le pathos, et le seul reproche qui puisse être fait au chef britannique se situe dans les trop longues pauses entre les deux derniers mouvements, surtout entre les deux derniers d’en eux, plutôt que de les enchaîner, ce qui heureusement n’a pas suscité d’applaudissements intempestifs de la part du public contrairement aux trois autres mouvements. Une ovation extraordinaire s’est élevée depuis la salle à la fin de l’exécution, le public ne bougeant pas tant que le chef n’a pas tiré la premier violon de la soirée par le bras...

Bruno Serrou

 

 

 

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