Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Mercredi 15 janvier 2025
Découverte cette semaine d’un excellent chef qui faisait ses débuts avec
l’Orchestre de Paris sous la symbolique du chiffre cinq, le britannique Robin
Ticciati, qui a donné une Cinquième de Mahler ardente, colorée, virtuose, d’une
remarquable unité, avec un Adagietto
dans le juste tempo, objectif mais chantant merveilleusement (dommage qu’il
n’ait pas enchaîné le Rondo-Finale sans
pause). En première partie, la merveilleuse Lisa Batiashvili a donné un Concerto
n° 5 pour violon de Mozart
chaleureusement onirique, puis en bis
un arrangement pour violon et orchestre à cordes d’une pièce puisant aux
sources folkloriques géorgiennes
Agé de quarante ans, actuel directeur musical du Festival de Glynbdebourne remarqué sur l'estrade de l'Orchestre National de France dès 2015, disciple de Sir Colin Davis et de Sir Simon Rattle, Robin Ticciati s'est imposé cette semaine au public de la Philharmonie pour sa première apparition à la ta tête de l'Orchestre de Paris, à la fois comme partenaire particulièrement à l'écoute dans une oeuvre concertante de l'ère classique et comme virtuose de la direction dans une partition complexe du répertoire symphonique post-romantique. Merveilleuse violoniste possédant un son extraordinaire de couleurs et de densité, Lisa Batiashvili a donné sous sa direction un Concerto pour violon n° 5 en la majeur KV. 219 dit « turc » (1775) de Mozart d’une chaleur, d’une variété de coloris exemplaires, riches en timbres épanouis par un archet plein, délié, d’une précision, d’une souplesse, d’une force expressive, exaltant un nuancier d’une ampleur saisissante. Chaleureuse, tendre, d’une grâce souriante, son interprétation de l’ultime concerto pour violon du compositeur salzbourgeois a judicieusement alterné insouciance et gravité toujours baignées d’une lumière solaire.
En bis, la violoniste franco-géorgienne a présenté des Miniatures aux élans folkloriques de son compatriote Sulkhan Tsintsadze (1925-1991) dans un arrangement pour violon et orchestre à cordes d’un autre compatriote, Nikoloz Rachveli (né en 1979) qui ont constitué un véritable témoignage du cœur en ces temps où la Géorgie fait face à des menaces autant intérieures qu’à ses frontières de l’est.
En seconde
partie, l’Orchestre de Paris et Robin Ticciati ont donné une interprétation
grandiose de la Symphonie n° 5 en ut
dièse mineur (1901-1902) de Gustav Mahler. L’auditeur a senti dès l’exposition du
premier thème qu'il allait vivre un grand moment sitôt l’attaque à découvert
d’une trompette solo sonnant fier et endurant tenue par l’infaillible Frédéric
Mellardi, qui, tout en songeant assurément à la fin de la longue Trauermarch tout au long de laquelle il a fort à
faire puisque c’est à lui qu’est confié l’essentiel du matériau thématique de ces
vingt minutes de musique avant de se retrouver souvent à découvert par la
suite, ne s’est jamais relâché jusqu’à sa phrase ultime se concluant ppp a capella à la fin de la coda. Autre
performance remarquable, celle du cor solo (Benoît de Basony) qui a étonnamment
joué debout le troisième mouvement. Il convient également de saluer la violon
solo invitée, Seohee Min, actuelle violon solo de l’Orchestre Philharmonique de
Luxembourg, tout aussi magistrale… Mais tous les pupitres seraient à féliciter,
notamment la harpiste Anaëlle Tournet et le
premier altiste Corentin Bardelot, son homologue contrebassiste
Ulysse Vigreux, le flûtiste Vicens Prats, le hautboïste Sébastien Giot, le
clarinettiste Pascal Moraguès, le bassoniste Marc Trénel, le tromboniste Guillaume
Cottet-Dumoulin, le tubiste Stéphane Labeyre, entre autres, tant l’ensemble de la phalange s’est avéré d’une
dextérité exemplaire, formant à eux tous un orchestre remarquable d’équilibre,
de cohésion rehaussée par un évident bonheur de jouer ensemble. Robin Ticciati
alterne une gestique précise et souple, sans jamais se faire envahissant, le
geste retenu mais large et net, battant souplement la mesure, ouvrant largement
les bras dans les moments de tendresse et d’onirisme, s’économisant pour
laisser un certaine liberté aux musiciens et porter l’écoute du public à son
comble, allant jusqu’à le porter au faîte de l’émotion. L’Adagietto a été interprété dans le juste tempo, l’expression
s’imposant avec naturel, sans jamais sombrer dans le pathos, et le seul
reproche qui puisse être fait au chef britannique se situe dans les trop longues
pauses entre les deux derniers mouvements, surtout entre les deux derniers d’en
eux, plutôt que de les enchaîner, ce qui heureusement n’a pas suscité
d’applaudissements intempestifs de la part du public contrairement aux trois autres
mouvements. Une ovation extraordinaire s’est élevée depuis la salle à la fin de
l’exécution, le public ne bougeant pas tant que le chef n’a pas tiré la premier
violon de la soirée par le bras...
Bruno
Serrou
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