Paris. Philharmonie. Salle Pierre Boulez. Mardi 4 mars 2025
Impressionnant
concert de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse et de son jeune chef
finlandais Tarmo Peltokoski, direction aérée, précise, gestique ciselée, tout
en souplesse et en maîtrise, laissant l’orchestre respirer, cela dès le Prélude à
l’après-midi d’un faune de Debussy, jusqu’à une « Titan » de Mahler au cordeau, chantant à pleins poumons, après un prolifique
moment concertant avec une émouvante et lumineuse Sol Gabetta dans Schelomo d’Ernest Bloch et en bis Prayer pour violoncelle et orchestre du même Bloch
Comme le confirme le concert donné mardi
avec un programme franco-helvèto-autrichien du tournant XIXe-XXe
siècles (1888-1916), l’Orchestre National du Capitole de Toulouse a bien de la
chance depuis sa réforme en 1968 sous l’égide de Michel Plasson, grand défenseur
de la musique française comme la postérité l’atteste par le biais de plus d’une
centaine de disques. Après trente-cinq ans de présence, le chef français cède
la place en 2003 à un jeune chef ossète, Tugan Sokhiev, qui porte la phalange
occitane à un niveau supérieur encore, élargissant son répertoire pendant ses
quinze années de direction musicale à partir de 2008 jusqu’en 2022, suite à sa double démission de ses fonctions à Toulouse et au Théâtre du Bolchoï de Moscou suscitée par l’invasion de l’Ukraine par la
Russie. Désormais, c’est le chef finlandais Tarmo Peltokoski, né avec le
siècle, qui en est le chef titulaire, faisant ainsi perdurer la lignée des
grands directeurs d’orchestre finlandais. Directeur musical de la formation
toulousaine depuis septembre dernier, Peltokoski prouve d’ores et déjà qu’il
est le digne héritier de ceux qui l’ont précédé à ce poste, et combien
orchestre et chef sont en osmose totale.
Ce qui a été mis en évidence dès la
délectable introduction à la flûte puis aux bois du Prélude à l’après-midi d’un faune de Claude Debussy. Œuvre délicate
à dompte tant les équilibres sont raffinés et l’expression onirique et captivante,
véritable juge de paix en matière instrumentale, orchestrale, en précision, expressivité.
L’œuvre concertante a été la partition la plus fameuse d’Ernest Bloch Schelomo (Salomon), « rhapsodie hébraïque » pour violoncelle et
orchestre avec laquelle le compositeur genevois a conclu son Cycle hébraïque en
1915-1916 dont la création a été donnée le 3 mai 1917 au Carnegie Hall de New
York sous la direction d’Artur Bodanzky et, en soliste Hans Kindler, violoncelliste
hollandais qui avait participé en 1912 à Berlin à la création de Pierrot lunaire d’Arnold Schönberg. Dialoguant
en parfaite intelligence avec l’Orchestre National du Capitole de Toulouse
avivé avec magnificence et sensibilité mais sans aucun pathos par la direction
soigné de Tarmo Peltokoski, Sol Gabetta, qui connaît intimement cette œuvre qu’elle
a brillamment enregistrées (1), a porté avec une intensité bouleversante
magnifiée par une palette sonore d’une chaleur, d’une diversité de coloris et de
nuances. En bis, soliste et orchestre ont donné avec ferveur une autre pièce
hébraïque de Bloch pour violoncelle et orchestre, Prière, andante moderato d’inspiration ashkénaze extrait du
triptyque From Jewish Life composé en
1924 pour Hans Kindler.
Tarmo Peltokoski s’est
montré particulièrement à l’aise dans l’univers mahlérien, dirigeant avec
allant et une extrême précision dans l’expression de ses gestes souples et
aérés, au point que l’Orchestre a respiré avec un naturel extrême dans cette
œuvre d’une extrême virtuosité. Le jeune chef finlandais est de toute évidence
en parfaite intelligence dans cette musique complexe à mettre en place tant les
structures sont complexes, mettant à la fois en relief les lignes de force, l’architecture,
l’unité à travers la pluralité, la multiplicité des plans apparaissant en toute
clarté, tout en soulignant l’hétérogénéité de l’inspiration, à la fois populaire,
foraine, militaire, noble et grave, les brutalités, les saillies, la
nostalgie. Unité et altérité dans la conduite de l’œuvre, la rythmique, le
phrasé, les respirations étant extraordinairement en place, le chef finlandais évitant
a en outré pathos et effets trop appuyés. Son orchestre a répondu avec empressement,
suivant son chef sans broncher jusqu’aux limites de la virtuosité sans aucune
faute et avec une homogénéité exemplaire. Les cordes sont sûres, et brûlantes moelleuses
(belles sonorités de la contrebasse solo, des altos et des violoncelles), les
bois sont colorés et admirablement nuancés (magnifique hautbois, mais aussi flûtes,
bassons, clarinettes), cors onctueux, une première trompettes vaillantes,
trombones et tuba au diapason. L’Orchestre National du Capitole de Toulouse
conforte avec son nouveau directeur musical, Tarmo Peltokovski sa place parmi
les meilleures phalanges d’Europe acquise en cinquante-sept ans d’existence et
trois directeurs musicaux.
Bruno Serrou
1) 1 CD Sony Classical 88883762172
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