Salle Favart, lundi 2 janvier 2012
Philippe Do (Amadis) et Hélène Guilmette (Oriane). Photo : Opéra-Comique (DR)
Pour son spectacle d’ouverture de la saison, qui
aura également été le premier rendez-vous musical parisien de l’année 2012, l’Opéra-Comique
a ressuscité un opéra français de la fin du XVIIIe siècle présenté
en avant-première en décembre Théâtre Royal du château de Versailles, Amadis de Gaule de Johann Christian
Bach (1735-1782). Cette tragédie lyrique en trois actes est signée par le
onzième et dernier fils du Cantor de Leipzig, « le Bach de Londres » admiré
par Mozart qui l’a composée sur un livret en langue française d’Alphonse-Marie-Denis
de Vismes de Saint-Alphonse adaptant celui que Philippe Quinault avait écrit pour l’Amadis de Jean-Baptiste Lully en 1684
lui-même tiré du roman de chevalerie espagnol Amadis de Gaula de Garci Rodriguez de Montalvo publié 1508.
Commande de l’Académie royale de musique présentée comme « juge de paix »
dans la bataille qui opposait alors les partisans du Chevalier Gluck, défenseurs
de la musique française, et ceux de Niccolo Piccinni, férus de musique
italienne, les deux compositeurs suscitant à l’époque en France une véritable
guerre partisane qui relança la Querelle des Bouffons du milieu des années 1752-1754, l’œuvre n’a pas tenu longtemps l’affiche, malgré le succès de la première représentation au Palais-Royal, le 14 décembre 1779, en présence de la reine Marie-Antoinette, ne convainquant ni les gluckistes ni les piccinnistes. Au point que l’ouvrage fut
déprogrammé à l’issue de la sixième représentation pour disparaître jusque
dans les années 1990 pour réapparaître grâce à l’enregistrement d’Helmut Rilling hélas chanté en allemand. L’échec de son seizième opéra éloigna définitivement Johann
Christian Bach de la scène lyrique.
L’intrigue d’Amadis
de Gaule est d’une étonnante limpidité pour l’époque, puisque le spectateur ne se perd à aucun moment dans
un quelconque labyrinthe coutumier de l’ère baroque, d’où une efficacité dramatique
rare pour l’époque : la fratrie de magiciens Arcalaüs et Arcabonne poursuit le
paladin Amadis et sa bien-aimée Oriane de sa vindicte depuis qu'Amadis a tué
leur frère Ardan Canile. Après moult épreuves, les amants finissent par se jouer
des pièges imaginés par leurs ennemis, non sans l’aide de la bonne sorcière
Urgande. Ivresse mélodique, rutilance de l'écriture, sensualité, légèreté chatoyante
caractérisent la partition de Johann Christian Bach qui recèle de longs moments
de musique pure attestant d’un orchestrateur de grand talent dans des pages conçues
pour accompagner de fastidieuses séquences de ballets, moments interminables,
surtout dans le finale, malgré l’indubitable qualité de la chorégraphie de Natalie
van Parys.
La mise en scène de Marcel Bozonnet est fine et
inventive, magnifiant la geste théâtrale du « siècle des Lumières », sans
surcharges et vivifiée par une vraie direction d’acteur, le tout dans une élégante
scénographie efficacement allégorique, dans l’esprit de la peinture néoclassique,
signée Antoine Fontaine, pour les décors, et Renato Bianchi, pour les costumes.
L’ensemble est délicatement rehaussé par les lumières de Dominique Bruguière. Dominée
par l’ardente Oriane d’Hélène Guilmette, la distribution où se distinguent
Julie Fuchs (Urgande) et, surtout, Alix Le Saux (la Discorde), est homogène,
malgré la déception suscitée par l’Arcalaüs de Franco Pomponi. Allyson McHardy
campe une Arcabonne convaincante, tandis que Philippe Do est un Amadis au
timbre séduisant mais ses nombreuses vocalises sont peu sûres.
Dans la fosse, Jérémie Rhorer dirige avec fougue son Cercle de l'Harmonie aux
cordes moelleuses mais les bois ne sonnent pas toujours juste (les flûtes à
bec).
Bruno Serrou
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