jeudi 19 janvier 2012

La jeunesse du chef Andris Nelsons et du violoniste Sergey Khachatryan enflamme l’Orchestre de Paris

Paris, Salle Pleyel, mercredi 18 janvier 2012

 Andris Nelsons - Photo : DR

Hier soir, à la tête de l’Orchestre de Paris, Andris Nelsons a confirmé son immense potentiel. A trente-trois ans, le chef letton a en effet affirmé son talent, à la fois comme chef accompagnateur et comme architecte de grandes fresques sonores. Son écoute est grande, indubitablement, à en juger de l’extrême attention qu’il a portée au jeu et au discours d’une intensité lumineuse de Sergey Khachatryan. Le jeune violoniste arménien est à vingt-six ans un musicien particulièrement impressionnant. Dans le monumental Concerto pour violon en ré majeur op.61 de Beethoven, il a fait entendre avec son Guarneri « Ysaÿe » des beautés stupéfiantes flirtant avec l’inouï. Un toucher divin, des sonorités charnues et polychromes, un nuancier infini, une vision d’une plénitude absolue… Khachatryan a élargi le champ des possibles de cette partition extraordinaire que l’on croyait pourtant connaître jusque dans ses moindres recoins. Nelsons a serti à son soliste un écrin soyeux et ardent pour offrir avec lui une vision spirituelle et raffinée, sollicitant avec élan un Orchestre de Paris clairement ravi de répondre à la moindre inflexion de leur interprétation commune. 
En seconde partie, Andris Nelsons, qui a déjà eu plusieurs fois l’occasion de démontrer à Paris ses affinités avec l’univers straussien, a dirigé Une symphonie alpestre op. 64 impressionnante de grandeur et de spiritualité. Dans ce monument sonore qu’est l’ultime grande partition symphonique de Richard Strauss, le chef letton a en effet réussi la gageure d’exalter l’écriture foisonnante et sensuelle du compositeur bavarois, mais aussi à lui donner une profondeur, un souffle métaphysique comme peu de ses confrères ont su le faire. En effet, non content de décrire des paysages de carte postale comme c’est trop souvent le cas, il a instillé à l’œuvre dès le nocturne introductif un climat spirituel particulièrement touchant, pour atteindre une grandeur quasi mystique au centre de la partition, Auf dem Gipfel (Au sommet), tout en faisant des nombreux passages champêtres une offrande panthéiste, tandis que le climat du finale, après un orage magistral, est apparu comme annonciateur de l’atmosphère tendrement crépusculaire des Quatre derniers lieder composés trente-trois ans plus tard. La centaine de musicien de l’Orchestre de Paris réunie pour l’occasion a répondu dextrement aux sollicitations du jeune chef à la gestique précise et économe (à croire qu’il a fait siens les dix commandements de Richard Strauss aux apprentis chefs d’orchestre), un orchestre restant constamment clair, même dans les moments les plus touffus, chaleureux (les cordes), suave (les bois) et conquérant (les cuivres, malgré de petites fautes d’attaques).
Bruno Serrou

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