Paris, Salle Pleyel, mercredi 18 janvier 2012
Andris Nelsons - Photo : DR
Hier soir, à la tête de
l’Orchestre de Paris, Andris Nelsons a confirmé son immense potentiel. A
trente-trois ans, le chef letton a en effet affirmé son talent, à la fois comme
chef accompagnateur et comme architecte de grandes fresques sonores. Son écoute
est grande, indubitablement, à en juger de l’extrême attention qu’il a portée
au jeu et au discours d’une intensité lumineuse de Sergey Khachatryan. Le jeune
violoniste arménien est à vingt-six ans un musicien particulièrement
impressionnant. Dans le monumental Concerto
pour violon en ré majeur op.61 de
Beethoven, il a fait entendre avec son Guarneri « Ysaÿe » des beautés
stupéfiantes flirtant avec l’inouï. Un toucher divin, des sonorités charnues et
polychromes, un nuancier infini, une vision d’une plénitude absolue…
Khachatryan a élargi le champ des possibles de cette partition extraordinaire
que l’on croyait pourtant connaître jusque dans ses moindres recoins. Nelsons a
serti à son soliste un écrin soyeux et ardent pour offrir avec lui une vision
spirituelle et raffinée, sollicitant avec élan un Orchestre de Paris clairement
ravi de répondre à la moindre inflexion de leur interprétation commune.
En seconde partie, Andris Nelsons,
qui a déjà eu plusieurs fois l’occasion de démontrer à Paris ses affinités avec
l’univers straussien, a dirigé Une symphonie alpestre op. 64 impressionnante de grandeur et de spiritualité. Dans ce
monument sonore qu’est l’ultime grande partition symphonique de Richard
Strauss, le chef letton a en effet réussi la gageure d’exalter l’écriture
foisonnante et sensuelle du compositeur bavarois, mais aussi à lui donner une
profondeur, un souffle métaphysique comme peu de ses confrères ont su le faire.
En effet, non content de décrire des paysages de carte postale comme c’est trop
souvent le cas, il a instillé à l’œuvre dès le nocturne introductif un climat
spirituel particulièrement touchant, pour atteindre une grandeur quasi mystique
au centre de la partition, Auf dem Gipfel
(Au sommet), tout en faisant des
nombreux passages champêtres une offrande panthéiste, tandis que le climat du finale,
après un orage magistral, est apparu comme annonciateur de l’atmosphère
tendrement crépusculaire des Quatre
derniers lieder composés trente-trois ans plus tard. La centaine de
musicien de l’Orchestre de Paris réunie pour l’occasion a répondu dextrement aux
sollicitations du jeune chef à la gestique précise et économe (à croire qu’il a
fait siens les dix commandements de Richard Strauss aux apprentis chefs
d’orchestre), un orchestre restant constamment clair, même dans les moments les
plus touffus, chaleureux (les cordes), suave (les bois) et conquérant (les
cuivres, malgré de petites fautes d’attaques).
Bruno Serrou
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