dimanche 8 décembre 2024

Excellente reprise de la remarquable production de «Dialogues des carmélites» de Francis Poulenc par Olivier Py avec une distribution toujours brillante

Paris. Théâtre des Champs Elysées. Vendredi 6 décembre 2024

Francis Poulenc (1899-1963), Dialogues des carmélites. Vannina Santoni (Blanche de La Force). 
¨hoto : (c) Vincent Pontet

Reprise en ce début de mois de décembre 2024 par le Théâtre des Champs-Elysées de la remarquable production d’Olivier Py de Dialogues des carmélites de Francis Poulenc que l’institution de l’avenue Montaigne a créée en 2013 et reprise en 2018. Soirée d’une force déchirante, avec une distribution idéale formant une authentique troupe, orchestre et chef différents des deux fois précédentes, le brillant Jérémie Rohrer qui dirigeait le Philharmonia Orchestra la première fois puis l’Orchestre National de France, remplacés cette fois par l’excellente cheffe new-yorkaise Karina Canellakis dirigeant l’orchestre Les Siècles, dont l’historique a carrément effacé dans le programme de salle le nom de son fondateur, François-Xavier Roth…

Francis Poulenc (1899-1963), Dialogues des carmélites. Sophie Koch (Madam de Croissy), Vannina Santoni (Blanche de La Force. Photo : (c) Vincent Pontet

Je ne reviendrai pas ici sur la genèse de l’œuvre que j’avais exposée dans ces colonnes le soir de sa première représentation (voir http://brunoserrou.blogspot.com/2013/12/olivier-py-et-jeremie-rohrer-offrent.html), et me focaliserai sur les spécificités de cette seconde reprise. Dans un décor superbe de simplicité et signifiant digne d’un carmel, au dégradé de gris de Pierre-André Weitz, à l’instar de ses costumes, la direction d’acteur d’Olivier Py retravaillée par Daniel Izzo donne sa dimension spirituelle et son caractère propre à chacun des personnages. L’agonie de la première Prieure telle un Christ en croix recouverte d’un linceul sur un lit entouré d’une table de nuit et d’une lampe fixés sur un mur, le tout de couleur blanche, les apparitions de la crèche aux moments cruciaux, celle de la Cène reconstituées par des femmes, le sacrifice de l’Agneau, le finale sur le plateau nu donnant sur un ciel nocturne étoilé vers lequel les carmélites vêtues de longues chemises blanches s’éloignent les unes après les autres au son de la guillotine, sont quelques-uns des moments les plus bouleversants d’une mise en scène qui n’en est pas avare.


Francis Poulenc (1899-1963), Dialogues des carmélites.
Photo : (c) Vincent Pontet

Violoniste virtuose, disciple de Simon Rattle, cheffe principale du Netherlands Radio Philharmonic Orchestra, hôte de l’Orchestre de Paris, Karina Canellakis s’est déjà illustrée en novembre 2021 dans la fosse du Théâtre des Champs-Elysées dans Eugène Onéguine de Tchaïkovski à la tête de l’Orchestre National de France. Il est clair que Canellakis aime cette œuvre, lui donnant une force dramatique, un lyrisme puissamment évocateur, à l’écoute de chaque protagoniste qu’elle soutient avec une attention particulière au verbe, à l’articulation, au débit du texte, ne couvrant jamais les voix, même dans les moments les plus tendus, au point d’instaurer un véritable dialogue avec les protagonistes dont l’orchestre est le prolongement et le reflet. Elle est en parfaite adéquation avec le plateau, traduisant les non-dits, les sentiments profonds des personnages, galvanisant un orchestre Les Siècles aux sonorités sombres et opalescentes.

Francis Poulenc (1899-1963), Dialogues des carmélites
Photo : (c) Vincent Pontet

Comme précédemment, l’exceptionnelle réussite de ces Dialogues tient aussi à une distribution magistrale, toujours emmenée par Patricia Petibon, cette fois en Mère Marie de l’Incarnation. La voix s’est en effet étoffée, la ligne de chant reste d’une solidité pérenne et le timbre s’est épanoui et élargi. Dans le rôle de Sœur Blanche de l’Agonie du Christ, qui porte les moindres intentions du metteur en scène, revient à Vannina Santoni, voix lumineuse et brûlante qui lui permet de donner toute la complexité du personnage avec une juste humanité. Tour à tour exaltée et modeste, docile et rebelle, cassante et fragile, la novice entrée au carmel pour échapper au monde extérieur qui l’effraie est poignante de vérité. Autour d’elle, la noble Madame Lidoine de Véronique Gens, intègre et généreuse, à la vocalité aussi brillante qu’en 2013. L’ardente Madame de Croissy éperdue d’angoisse et de doutes de Sophie Koch. L’exhortation blasphématoire de sa première Prieure épouvantée par la perspective de la mort, est saisissant d’effroi tant la cantatrice atteint une violence insoutenable, altérant habilement sa ligne de chant torturée par la douleur. Manon Lamaison se substitue à Sabine Devieile en Sœur Constance de saint Denis tendre et rêveuse, incarnant un être pur et profond. Réduits à la portion congrue, les hommes sont néanmoins à la hauteur des religieuses, avec un Alexandre Duhamel campant émouvant Marquis de La Force, et, surtout, un Sahy Ratia dont la voix de ténor mozartien s’impose dans la figure tourmentée du Chevalier de La Force. Les autres rôles, comme Loïc Félix en Père confesseur du couvent de Compiègne, sont tout aussi méritants, ainsi que le Chœur Unikanti dirigé par Mathieu Poulain.

Bruno Serrou

 

 

 

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