Soutenue par une distribution de
haute tenue et par un orchestre de Lille stigmatisé par l’excellent chef
italien Roberto Rizzi Brignoli, le Nabucco
de Giuseppe Verdi présenté par l’Opéra de Lille pèche par une mise en scène de
Marie-Eve Signeyrole cherchant à trop démontrer.
Giuseppe Verdi (1813-1901), Nabucco. Photo : (c) Frédéric Iovino/Opéra de Lille
Créé le 9 mars 1842 à la Scala de
Milan où il est repris cinquante-sept fois en moins de trois mois, Nabucco est le premier succès populaire
de Verdi. Le climat général du troisième opéra du compositeur italien est
cataclysmique et imposant, d’une redoutable efficacité psychologique, tandis
que la partition préfigure l’art entier de son auteur, de Macbeth à Otello. Aujourd’hui
encore, par ses tenants et ses aboutissants, cet ouvrage séduit par les
questions que son intrigue met en jeu et qui restent d’actualité :
oppression d’un peuple par un tyran qui va jusqu’à imposer sa propre divinité, esclavage,
antagonismes religieux, résistance à l’oppression, luttes d’influences,
conflits de génération…
Giuseppe Verdi (1813-1901), Nabucco. Photo : (c) Frédéric Iovino/Opéra de Lille
C’est tout cela qu’a tenté
d’amalgamer la metteuse en scène française Marie-Eve Signeyrole, qui fait
ressortir la schizophrénie des personnages, emplis de contradictions et de combats
psychologiques intérieurs. Du coup, le public se perd, et mal lui en prend s’il
tente de se repérer, car il en oublie la musique, ce qui n’est pas la finalité
de l’opéra, œuvre d’art total.
Giuseppe Verdi (1813-1901), Nabucco. Photo : (c) Frédéric Iovino/Opéra de Lille
Au sein de cet amoncellement d’informations
parfois contradictoires, la direction d’acteur très fouillée donne à chacun des
protagonistes une consistance psychologique d’où émane la complexité de
l’entendement humain qui imprègne jusqu’aux effectifs choraux. En effet, les
Chœurs des Opéras de Lille et de Dijon - coproducteur du spectacle qui le
reprend la saison prochaine - réunis s’avèrent à la fois homogènes et bigarrés,
entonnant notamment la fameuse plainte des Hébreux Va pensiero avec une onctuosité apaisée, soutenus par un Orchestre
National de Lille en très grande forme, cordes aiguës brillantes, tapis de
basses moelleux, cuivres luxuriants, bois veloutés, sous la direction singulièrement
efficace de Roberto Rizzi Brignoli.
Giuseppe Verdi (1813-1901), Nabucco. Photo : (c) Frédéric Iovino/Opéra de Lille
Le baryton géorgien Nikoloz
Lagvilava campe un Nabucco d’une intensité saisissante, passant avec une troublante
humanité du tyran absolu au pantin manipulé par l’imposant Zaccaria de la basse
sud-coréenne Simon Lim et sauvé par le cynique Abdallo du ténor français
François Rougier. La vindicative Abigaille de la soprano américaine Mary
Elizabeth Williams est elle aussi d’une exceptionnelle complexité, évoluant de
la fille félonne et sans scrupule à la femme défaite qui finit par se convertir.
Malgré un large vibrato, sa voix pleine au large ambitus lui permet de se jouer
avec agilité des nombreuses difficultés vocales de son rôle.
Bruno Serrou
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire