Nancy. Opéra national de Lorraine. Dimanche 6 mai 2018
Jules Massenet (1858-1912), Werther. Stéphanie d'Oustrac (Charlotte) et Edgaras Montvidas (Werther). Photo : (c) Opéra national de Lorraine
Pour sa prise de rôle, la mezzo-soprano française Stéphanie d’Oustrac s’est imposée
d’entrée dimanche à l’Opéra de Nancy comme une hallucinante Charlotte.
Jules Massenet (1858-1912), Werther. Photo : (c) Opéra national de Lorraine
Créé en allemand à Vienne en 1892, présenté pour la première fois en
France à l’Opéra de Paris en 1893, Werther
est avec Manon l’œuvre emblématique
de Jules Massenet. Puisant dans le roman épistolaire de Goethe Les souffrances du jeune Werther,
Massenet exalte le pathos romantique tout en évitant la facilité. Il suffisait
à la fin de la représentation de dimanche d’écouter les réactions du public pour
mesurer combien Werther peut toucher
jusqu’aux plus réfractaires à l’art lyrique.
Jules Massenet (1858-1912), Werther. Photo : (c) Opéra national de Lorraine
Le metteur en scène Bruno Ravella met en avant le sentiment hypertrophié
d’un romantisme exacerbé, qui devient l’unique élément guidant le protagoniste
central qui a face à lui une femme de devoir. Werther est sous l’emprise de
l’émotion et de l’égotisme, entre sublime et nature à laquelle il voue un
véritable culte, tandis que Charlotte se doit d’exclure toute expression de son
ressenti.
Jules Massenet (1858-1912), Werther. Photo : (c) Opéra national de Lorraine
Décors et costumes romantiques de Leslie Travers, peu d’espace tant dans la
scénographie que dans les pensées. Décors pastel au premier acte, fermé et
oppressant. Lorsque Werther comprend que Charlotte lui est devenue inaccessible,
le plafond s’abaisse sur les murs et le décor devient une boîte. Dans le
deuxième acte la maison du couple Charlotte/Albert, plus enserrée encore avec
ses murs couverts d’immenses toiles représentant de profondes forêts sombres
façon Oskar David Friedrich. Charlotte accompagné sur un piano le chant de
Sophie et lit les lettres de Werther assise devant un vieux bureau, deux accessoires
évacués tirés depuis les coulisses, tandis que les murs aux tableaux peints à fresque montent
dans les cintres pour laisser place à un espace nu entouré de murs blancs
disposés en triangle tandis que la neige tombe et que la lumière laisse brièvement apparaître un ample tilleul.
Jules Massenet (1858-1912), Werther. Photo : (c) Opéra national de Lorraine
La distribution est de grande qualité, surtout les trois principaux
personnages, Werther, Charlotte et Sophie. Pour sa prise de rôle, Nathalie
d’Oustrac campe une Charlotte sensuelle à la voix de velours, d’une tenue et
d’une texture onctueuse. Face à elle, le Werther torturé plein de charme,
d’élan et de vaillance du ténor lituanien Edgaras Montvidas et la Sophie lumineuse de Dima
Bawab. L’Albert de Philippe-Nicolas Martin est solide, seul le Bailli
vieillissant de Marc Barrard détone.
Jules Massenet (1858-1912), Werther. Photo : (c) Opéra national de Lorraine
Le jeune chef canadien Jean-Marie Zeitouni prend la partition à bras le
corps, démontrant un plaisir évident à la diriger, sollicitant l’orchestre nancéen
qui n’hésite pas plaît à prendre des risques, les nombreux solos instrumentaux
permettant aux divers pupitres de briller.
Bruno Serrou
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