Olivier Messiaen (1908-1992) devant le clavier du Cavailé-Coll de l'église de La Trinité à Paris. Photo : DR
« La seule réalité se situe dans le domaine de la Foi. C’est
par la rencontre avec un Autre que nous pouvons le comprendre. Mais il faut
passer par la mort et la Résurrection, ce qui suppose le saut hors du temps.
Assez étrangement, la musique peut nous y préparer, comme image, comme reflet,
comme symbole. En effet, la musique est un perpétuel dialogue entre l’espace et
le temps, entre le son et la couleur, dialogue qui aboutit à une unification.
Le musicien qui pense, voit, entend, parle au moyen de ces notions
fondamentales, peut, dans une certaine mesure, s’approcher de l’Au-delà. »
Ainsi s’exprimait Olivier Messiaen, qui, disparu le 27 avril 1992,
a aujourd'hui « sûrement retrouvé au Ciel ses grands camarades organistes
morts avant lui et auprès de qui il ne reste certainement pas inactif »,
selon la formule de son épouse, la pianiste Yvonne Loriod. Chantre du
catholicisme, pas musicien mystique mais exégète en musique des mystères
chrétiens, artiste de la joie et de la lumière, maître de la modernité, pédagogue
sans pareil, il aimait naturellement partager sa passion de la musique, dispensant
son savoir avec discernement et discrétion, comme l’attestent ses nombreux
élèves, notamment le plus grand d’entre eux, Pierre Boulez, qui se souvient que
son aîné fut le seul de ses professeurs à détenir les qualités cardinales d’un
pédagogue, « avoir de l’imagination pour ses élèves, faire passer le
souffle de l’histoire, le souffle des compositeurs ».
« Né croyant », Olivier Messiaen se reconnaissait trois
grands thèmes d’inspiration, sa foi catholique, l’amour humain, la nature. A
deux siècles de distance, la musique de Messiaen-le-catholique partage avec celle
de Bach-le-protestant une spiritualité irrépressible, une même capacité au réconfort,
le pouvoir d’illuminer ceux qui l’écoutent. Si la Bible, particulièrement le
Nouveau Testament, les Epîtres de saint Paul, les Psaumes, les Prophètes, la
Genèse, l’Exode, le Missel, la Somme
théologique de Thomas d’Aquin, Jan van Ruusbroec, Jean de la Croix, Thérèse
de Lisieux, les Fioretti de François
d’Assise, Ernst Hello, Romano Guardini, Dom Columbia Marmion, Thomas Merton ou Hans
Urs von Balthasar animent l’essentiel de sa création, il ne jugeait pas nécessaire
de composer une musique pour le culte, car il estimait ne pas être un
compositeur liturgique, ne reconnaissant que le plain-chant pour seule musique
liturgique. Pourtant, s’il confia l’expression de sa foi autant au piano qu’à l’orchestre, c’est aux
soixante-et-un jeux du Cavaillé-Coll de l’église de La Trinité qu’il se donna
tout entier, leur apportant un sang nouveau, des couleurs, des registrations, des
harmonies inédites. « L’orgue était l’instrument d’Olivier Messiaen par
excellence, rappelait Yvonne Loriod. Il l’appelait d’ailleurs l’instrument-roi.
C’est sur lui seul qu’il pouvait s’exprimer sans intermédiaire. Pendant plus de
soixante ans, jusque deux mois avant sa mort, il accompagna les offices
dominicaux de la paroisse, car c’était son emploi principal, à La Trinité. Il
jouait les classiques à la messe de dix heures, à celle de onze heures, c’étaient
les romantiques, à midi la musique contemporaine. Ainsi, chaque paroissien
choisissait son service en fonction de ce qu’il voulait entendre. Mais, fort
scrupuleux, il respectait les textes du jour, restait intransigeant. »
« J'attendais avec impatience la fin de l’office, se souvient
le dramaturge René de Obaldia (1). C'est que, sitôt après le Ite missa est, Olivier Messiaen se
prenait à improviser, à jouer du Messiaen ! »
Bruno Serrou
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(1) In plaquette-programme
éditée en 1995 à l’occasion du Festival d’Art Sacré par l’église de La Trinité,
Olivier Messiaen homme de foi, Regard sur
son œuvre d’orgue.
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