Toulouse, Théâtre du Capitole, vendredi 3 février 2012
Luciana D'Intino (Azucena) - Photo : Capitole de Toulouse - DR
Volet central de la grande trilogie
populaire que Giuseppe Verdi (1813-1901) conçut en 1851-1853, placé entre Rigoletto et La traviata, Il Trovatore
(Le Trouvère) est des trois ouvrages à
la fois le plus conventionnel du point de vue musical et le plus alambiqué côté
livret. Comme si le compositeur avait voulu compenser une intrigue notoirement invraisemblable
et abscons par une partition directement expressive et d’une intensité dramatique
au romantisme exacerbé. Fondé sur un livret singulièrement embrouillé de
Salvadore Cammarano et Leone Emanuele Bardare inspiré de la pièce El trovador (1836) du dramaturge
espagnol Antonio García Gutiérrez (1813-1884) chez qui Verdi avait déjà puisé en 1843 le
sujet de Simon Boccanegra, Il Trovatore cumule les situations les
plus abracadabrantes qui reflètent un goût prononcé de l’excessif et du
sinistre, du fatal et du tragique.
Les quatre parties précédées d’un
prologue de l’opéra portent des titres indiquant l’action et son cadre, le duel, la gitane, le fils de la gitane, le supplice, le tout contant l’histoire de deux hommes, un
puissant, le comte de Luna, et un trouvère, Manrico, amoureux d’une même
jeune-femme, Leonora. Rivalité qui incite les deux prétendants à un combat
mortel alors que, sans le savoir, ils sont frères, tandis qu’une gitane,
Azucena, qui entend venger sa mère morte sur un bûcher après avoir tué l’un de
ses enfants, s’avère être leur demi-sœur. Ce drame surréaliste et inextricable
se termine de macabre façon, Leonora s’empoisonnant pour échapper à l’aîné à
qui elle s’est promise afin de sauver le cadet, qui, lui-même, finit sur l’échafaud
auquel son frère l’a condamné…
Réalisée avec le
Liceu de Barcelone et Opera de Oviedo, la nouvelle production du Trouvère vue vendredi au Théâtre du
Capitole de Toulouse(1) est signée Gilbert Deflo. Sa mise en scène sans
direction d’acteur laisse les chanteurs errer l'âme en peine sur un plateau
vide, allant à l’encontre de ses propres notes d’intention qui revendiquent des
chanteurs-acteurs, tandis que la scénographie de William Orlandi est réduite à
des déploiements et chutes de vélums de soie à la plastique plus ou moins
réussie mais d’un usage si intensif et systématique qu’il en devient agaçant, y
compris pour les cintres qui finissent par bloquer l’un d’eux, interrompant ainsi
le spectacle quelques minutes, et à des costumes quelque peu caricaturaux. Au
lieu d’en éclairer l’intrigue, cette dramaturgie rend l’opéra plus incompréhensible
encore.
Heureusement, l’aspect musical sauve la production du naufrage,
grâce à la direction habitée et nuancée de Daniel Oren, qui dirigera en avril
prochain à l’Opéra de Paris(2), attentif aux chanteurs et jouant d’un nuancier
subtil qui, de toute évidence, enchante l’Orchestre du Capitole et enjolive une
distribution inégale dominée par l’émouvante Leonora de Carmen Giannattasio et
par l’impressionnante Azucena de Luciana D'Intino et, côté masculin, par le puissant
Manrico de Marco Berti.
Bruno Serrou
2) Du 13 avril au 11 mai, Cavalleria
rusticana et Pagliacci à l’Opéra Bastille
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