Hans Zender (né en 1936) à sa table de travail. Photo : DR
Formation vouée à la musique du XXe siècle
mais souhaitant néanmoins participer aux célébrations du bicentenaire Franz Schubert
(1), l’Ensemble Intercontemporain possède à son répertoire l’une des plus
bouleversantes partitions de l’histoire de la musique, le prodigieux cycle de
lieder le Winterreise (le Voyage d’hiver) du compositeur
viennois, proposé dans la version d’un autre compositeur, notre contemporain
Hans Zender. Ce dernier a su respecter le travail de son illustre aîné tout en
signant une œuvre originale allant bien au-delà d’une simple orchestration. Une
véritable gageure réalisée avec un tact et un cachet uniques, modèle de
délicatesse et de caractère.
Surtout connu comme chef d’orchestre – il dirige
régulièrement en France, mais aussi à l’Opéra de Hambourg, le Festival de
Bayreuth lui confiant Parsifal dès
1975 –, Hans Zender est à [81 ans] l’un des compositeurs les plus représentatifs de
l’école allemande contemporaine aujourd’hui un peu négligée en France. Disciple
de Bernd Aloïs Zimmermann, l’auteur de Die
Soldaten (les Soldats), il se place dans la mouvance
de Pierre Boulez tout en imposant une personnalité puissante. Il s’intéresse
depuis une quinzaine d’années aux télescopages de l’histoire de la musique, à
son interdépendance. Ainsi, ses Dialog
mit Haydn (1982), Schubert Chöre
(1986), Cinq Préludes de Claude Debussy (1991), sont autant
d’étapes menant à son « interprétation composée » du cycle de
Schubert conçue en 1993.
... A écouter
Requérant une formation instrumentale inusitée au
début du XIXe siècle (machine à vent, saxophone, accordéon,
harmonica, percussion multiple...), cette « transformation créatrice »
transmuant les sons du piano en polychromie orchestrale, greffe quelques ajouts
d’invention libre (voix parlée, interludes, simultanéité de mélodies
additionnelles, etc.). Ecrite pour ténor et vingt-quatre musiciens, elle
souligne et déforme des pans entiers de l’original sans jamais le trahir, alors
même qu’elle instaure de nouveaux rapports entre poèmes et musique. « Depuis
que l’on a inventé la notation, rappelle Zender, la transmission de la musique
se fait selon deux réalités, celle du texte fixé par le compositeur et celle de
la réalité sonore, actualisée par l’interprète. Ma propre lecture du Voyage d’hiver ne cherche pas une
nouvelle interprétation expressive, mais profite systématiquement des libertés
que chaque interprète s’attribue intuitivement. » Cette interprétation envoûtante
du chef-d’œuvre de Schubert, sa force émotive et sa puissance évocatrice
terriblement contemporaine lui confèrent un impact singulier.
Bruno Serrou
A lire, Hans Zender, Essais sur la musique. Editions Contrechamps, 2016 (272 pages). A écouter, Hans Zender Schuberts "Winterreise". Christophe Prégardien (ténor), Klangforum Wien, Sylvain Cambreling (direction). 2 CD Kairos 0012002KAI, 1999
1) L'article a été écrit en 1997
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