Paris. IRCAM, Salle de projection. Jeudi 12 et mardi 17 janvier 2023
Fermée pendant sept ans pour cause de travaux de rénovation, la Salle de projection de l'IRCAM, inaugurée en 1977 par Pierre Boulez et l'Ensemble Intercontemporain, a été le cadre pour sa réouverture d’un mini-festival de six jours destiné à tous les publics car ouvert à la diversité des formes d’expression musicale, de la plus mercantile et d’jeuns à la plus savante et à finalité audacieuse. C’est ainsi que l’on peut mesurer combien les innovations de l’IRCAM, aussi aventureuses, ingénieuses, porteuses d’avenir soient-elles, peuvent être plus ou moins malheureuses en servant de cache-misère tant elles laissent croire à des non-musiciens qu’ils sont d’authentiques artistes créateurs alors qu’ils ne sont pas même aptes à produire sciemment une harmonie élémentaire, un rythme autre qui binaire et la moindre nuance autre que fortississississimo. Personnellement, je ne pouvais ce premier soir que me remémorer les fantastiques concerts dont j’ai eu la chance d’être l’un des témoins depuis le l’ouverture de la Salle de projection de l’IRCAM en 1977, notamment ceux dirigés et en présence de Pierre Boulez, ou bien encore une fabuleuse soirée consacrée au monumental Sirius de Karlheinz Stockhausen, qui, installé contre l’échelle centrale côté jardin, manipulait tel un Professeur Tournesol chevelu la console son d’où il diffusait l’œuvre inspirée par la super-étoile de la constellation du Grand Chien, tandis que je me bagarrais avec un critique musical exerçant sa plume notamment dans les colonnes du Canard enchaîné sous le pseudonyme de Luc Des Cygnes, qui, assis juste devant moi, ne cessait de hurler « au scandale », traitant Sirius et son auteur de tous les noms d’oiseaux, empêchant la salle entière d’écouter cette œuvre fondamentale dans la création du maître de Cologne.
Pour la soirée inaugurale, se sont bousculés quelques quatre cents jeunes rapidement hypnotisés par l’enfer sonore d’un groupe au nom improbable de « Tovel x 1024 architecture » venu en toute honnêteté de sa part « faire la promo » de son nouvel album CD… Ce premier des rendez-vous de la série était donc fixé à la « jeunesse », avec un concert d’un groupe au nom improbable mais des plus branchouilles auquel très peu de mes confrères se sont aventurés. Avec raison, parce que lorsque je suis sorti de l’IRCAM après être resté stoïquement jusqu’au bout de mon supplice, mes oreilles étaient saturées de décibels, de mélodies basiques sans la moindre trace de créativité d’une vingtaine de secondes chacune, non pas développées mais répétées ad nauseum par des prétendus « musiciens » qui n’ont de toute évidence jamais appris à jouer d’un instrument quelconque autres que des lutheries électroniques pourvues de boutons pression dont ils connaissent plus ou moins l’usage que pour déclencher des sons informatiques diffusés par le biais de haut-parleurs dont les hurlements rendent une batterie et un saxophone soprano (mal joué) acoustiques inaudibles car couverts par des boum-tak rythmiques d’un clavier électronique tirés par la chanteuse du groupe dignes d’un marteau piqueur faisant passer le minimaliste Philip Glass pour un génie… A noter que la bière et les cigarettes électroniques elles aussi (mais non brevetées IRCAM) circulaient à un rythme effréné…
Bruno Serrou
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