mardi 2 décembre 2014

Pour sa première tournée européenne avec les Wiener Symphoniker,Philippe Jordan a fait escale à Paris

Paris, Salle Pleyel, vendredi 29 novembre 2014

Le Wiener Symphonieorchester. Photo : (c) Wiener Symphonieorchester

Le Wiener Symphoniker, ou Orchestre Symphonique de Vienne, est l’orchestre viennois par excellence. Il l’est davantage que le Wiener Philharmoniker, émanation de l’orchestre de fosse de l’Opéra d’Etat de Vienne dont la mission principale est de participer aux productions de la célèbre institution lyrique autrichienne. Fondé en octobre 1900 sous le nom de Konzertvereinorchester (Orchestre de la Société des Concerts) avec pour chef permanent Ferdinand Löwe, la phalange est accueillie en résidence par le Konzerthaus en 1913 et adopte six ans plus tard l’intitulé qu’elle porte aujourd’hui, après la sécession du Verein Wiener Tonkünstler Orchester avec lequel il a fusionné en 1914. En 1922, les deux formations s’amalgament définitivement tout en gardant leur indépendance dans l’organisation de leurs concerts. Nombreuses sont les créations dont le Wiener Symphoniker peut se targuer, avec, à titre d’exemple, rien moins que la Symphonie n° 9 d’Anton Bruckner, les Gurrelieder et Pelléas et Mélisande d’Arnold Schönberg, le Concerto pour la main gauche de Maurice Ravel, le Livre aux Sept Sceaux de Franz Schmidt, la Symphonie n° 1 de Karl-Amadeus Hartmann, le Poème de Boris Blacher, le Concerto pour quinze solistes et orchestre de Jean Françaix, etc. Parmi ses chefs permanents, Hans Swarowsky, Herbert von Karajan, Wolfgang Sawallisch, qui le dirige jusqu’au Vatican devant le pape Jean XXIII en 1959, Josef Krips, Carlo Maria Giulini, Guennadi Rojdestvenski, Georges Prêtre, Rafael Frühbeck de Burgos. En 2013, Fabio Luisi laisse le poste vacant…

Philippe Jordan et le Wiener Symphonieorchester. Photo : (c) Sébastien Grébille

… Deux mois à peine après sa prise de fonction comme Directeur musical, Philippe Jordan, également Directeur musical de l’Opéra de Paris, conduit l’Orchestre Symphonique de Vienne en tournée. Tournée qui les a conduits vendredi Salle Pleyel, avec un programme dans lequel la phalange autrichienne excelle. Pour cette première prestation en France du chef suisse à la tête de l’Orchestre Symphonique de Vienne, le ban et l’arrière-ban du Tout-Paris musical s’est bousculé à Pleyel. C’est d’ailleurs sur une partition du plus viennois des compositeurs, la fameuse Symphonie n° 8 en si mineur D. 759 « Inachevée » de Franz Schubert, que Philippe Jordan a ouvert le concert. Malgré un effectif de cordes allégé (14-12-10-8-6), cette partition de caractère dramatique s’est faite sombre et solennelle, Jordan étirant excessivement les tempi, au point d’élaguer les tensions qui donnent à l’Inachevée tout son tragique. A défaut d’émotion, l’auditeur a pu goûter la prestation des pupitres de la phalange viennoise, depuis le velouté des violoncelles et des contrebasses, jusqu’aux chaudes sonorités de la hautboïste Ines Galler et de la clarinette solo, ainsi que la rondeur du son des trombones.

Khatia Buniatishvili. Photo : DR

Dans le Concerto n° 1 pour piano, trompette et orchestre à cordes en ut mineur op. 35 de Dimitri Chostakovitch, seule concession au XXe siècle de ce concert, d’aucuns ont pu regretter la force tellurique d’un Denis Matsuev, et, plus encore, la vivacité de sa consœur chinoise Yuja Wang entendue dans cette même œuvre à Annecy l’été dernier (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2014/08/yuri-temirkanov-celebre-la-russie-avec.html), tant les mains de la pianiste géorgienne Khatia Buniatishvili n’ont fait qu’effleurer - certes avec virtuosité - le clavier sans pouvoir ainsi détacher de ce dernier des sonorités pleines et colorées. En revanche, la trompette vif-argent de l’Autrichien Rainer Küblöck a parfaitement tenu son rôle, le trompette-solo du Wiener Symphoniker étant en outre mis en avant à l’instar de la pianiste, placé entre sa partenaire et le chef.

La seconde partie de la soirée était entièrement occupée par la seule Symphonie n° 7 en la majeur op. 92 de Ludwig van Beethoven – rappelons ici que Philippe Jordan dirige cette saison une intégrale des symphonies du maître de Bonn à la tête de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris -, compositeur que Schubert considérait comme un maître immense, au point de ne jamais oser se permettre de le rencontrer. Avec cette symphonie, sans doute la plus accomplie de Beethoven, le Wiener Symphoniker chante dans son jardin, au point de donner l’impression de pouvoir la jouer seule, malgré la gestique envahissante car trop appuyée et insistante de Philippe Jordan. Les sonorités singulièrement homogènes et les timbres fruités de la formation autrichienne ont flatté l’oreille de l’auditeur, mais la magie n’a pas opéré tant la direction de Jordan s’est avérée peu alerte, la rythmique peu marquée, la conception légèrement emphatique, tandis que la vision globale a manqué d’unité, comme l’ont souligné les longues respirations entre chaque mouvement, particulièrement entre les deux derniers qui forment pourtant un contraste saisissant lorsqu’ils sont enchaînés, comme une pulsion d’énergie foudroyante.

A noter la publication par le label de l'Orchestre Symphonique de Vienne du premier enregistrement avec Philippe Jordan, consacré à la Symphonie n° 6 Pathétique de Tchaïkovski (WS 900 SM)

Bruno Serrou

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