Le coffret de 67 CD consacré à l'intégrale des enregistrements de Pierre Boulez pour CBS/Sony. Photo : (c) Bruno Serrou
L’air de rien, l’enrichissant bon
an mal an d’un maillon qui aura fait chaque fois date, Pierre Boulez est l’un des chefs d’orchestre
qui ont le plus enregistré de l’histoire du disque. Abstraction faite de ses premiers
enregistrements réalisés pour les labels français Adès, la Guilde du Disque et
Erato, et de quelques « pirates », l’essentiel de la discographie de
Pierre Boulez a été réalisé par la Columbia américaine et britannique devenue CBS
puis Sony Classical, enfin, à partir de 1993, par l’éditeur allemand Deutsche
Grammophon.
Pierre Boulez entouré de Jean-Louis Barrault et de son épouse Madeleine Renaud à l'époque du Domaine musical. Photo : DR
Dans la perspective du
quatre-vingt-dixième anniversaire du compositeur chef d’orchestre français, le
label américano-japonais a réuni l’intégralité de ses enregistrements réalisés
par Columbia puis CBS Masterworks et enfin Sony à Paris, Londres, Cleveland et
New York, entre 1966 et 1991, avec les Orchestres de l’Opéra national de Paris,
de Cleveland, Philharmonique de New York, Symphonique de Londres. Symphonique
de la BBC, du Covent Garden de Londres, New Philharmonia, Philharmonia Chamber
Orchestra, le Domaine Musical, le London Sinfonietta et l’Ensemble
Intercontemporain. Soit cent-quarante œuvres de vingt compositeurs dont lui-même
avec cinq de ses partitions, et onze formations orchestrales, le tout réparti
en soixante-sept CD présentés pour l’essentiel dans les reproductions des
pochettes originales réduites au format du disque compact, ce qui pose de gros
problèmes de lectures des textes et des graphies réduits en proportion.
Pierre Boulez. Photo : DR
Haendel et Beethoven
Parmi ces compositeurs et ces œuvres,
un certain nombre ne seront jamais repris par Boulez, à l’instar des pages de
Haendel, Beethoven, Berio, Carter, Falla, Roussel et Wagner, ainsi que la
majorité des pièces de Berlioz et de Schönberg, voire de Mahler. Ainsi, pour
les Haendel, il m’avait déclaré en 1993 : « D’aucuns considèrent que mes Haendel ont été
une "faute", ce que je ne conteste pas. Vous savez, quand on est
embarqué dans une machine, on accepte parfois les choses parce que l’orchestre
est là, et que l’on se dit qu’il faudrait peut-être faire un enregistrement...
L’on ne peut se désister. Mais je ne veux pour rien au monde reprendre ces
œuvres. J’ai d’ailleurs demandé à Sony de ne pas les rééditer. Avant New York,
j’avais gravé une Water Music avec l’Orchestre de La Haye pour la Guilde
du Disque. Après avoir enregistré pour ce label le Sacre du printemps et
Noces de Stravinsky, ses responsables artistiques m'ont demandé d’enregistrer
un Haendel pour l’orchestre, ce que j’ai fait... » Sony a donc négligé
cette fois la requête de Boulez, considérant sans doute que s’il fallait
relever le défi d’une intégrale il n’y avait aucune raison de choisir le bon
grain de l’ivraie, et que, pour que le discophile puisse se faire une idée
complète d’un artiste il convient de lui donner accès au meilleur comme au pire
de ses enregistrements.
Ainsi, les deux Beethoven qui appartiennent bien évidemment au
répertoire de Boulez depuis les années soixante alors qu’il dirigeait au
Festival d’Edimbourg l’Orchestre Symphonique de la NDR de Hambourg, œuvres qui
sont les maillons faibles de ce coffret, plus encore que les Haendel (Concerto pour deux orges et cordes, Ouverture de Bérénice, Musique pour les feux d’artifices royaux,
Water Music suites), qui, il faut
bien le reconnaître, méritent plus l’attention que ce que voulait bien concéder
Boulez voilà vingt ans. Fruit de ses saisons de concerts comme directeur
musical du New York Philharmonic Orchestra, la Symphonie n° 5 en ut mineur
op. 67 de Beethoven est en effet abordée lourdement dans un tempo
excessivement étiré, les quatre initiaux et le développement qui suit se
présentant molto pesante, et il en
sera ainsi jusqu’à la fin de cette œuvre fameuse entre toutes, alors que la moins
courue cantate Mer calme et heureux
voyage op. 112, mieux tenue que la symphonie, mérite que l’on s’y attarde
davantage, ne serait-ce qu’en raison de la rareté de l’œuvre.
George Szell et Pierre Boulez prenant le thé au JTatsumura Silk Factory's Tea House pendant la tournée de l'Orchestre de Cleveland au Japon en mai 1970. Photo : collection Cleveland Orchestra
Roussel et Wagner
Autre réserve sérieuse, la Troisième
Symphonie d’Albert Roussel, toujours avec le Philharmonique de New York,
dont l’interprétation s’avère laborieuse, surtout mise en regard de la
vigoureuse La Péri de Paul Dukas.
Parmi les autres curiosités, Das
Liebesmahl der Apostel (la Cène des
Apôtres) pour chœur d’hommes et orchestre de Richard Wagner que Pierre
Boulez a été l’un des premiers à enregistrer, et qui figure aux côtés
d’ouvertures d’ouvrages du « Sorcier de Bayreuth » qu’il n’a pas eu
l’occasion ou la volonté de diriger au théâtre, outre l’ouverture de concert Eine Faust Ouvertüre et Siegfried Idyll dans sa version pour
grand orchestre, l’ouverture de Tannhäuser,
le prélude des Maîtres Chanteurs de
Nuremberg, le prélude de Tristan
et Mort d’Isolde et les Wesendonck Lieder, toutes œuvres qu’il
ne reprendra pas, DG et Philips/Decca publiant ses intégrales d’opéras de
Wagner captés à Bayreuth, dès 1970 Parsifal
mis en scène par Wieland Wagner, puis le Ring
du centenaire de Bayreuth mis en scène par Patrice Chéreau, d’abord en DVD puis
en CD, tandis que circule sur YouTube le Tristan
und Isolde capté au Japon par la NHK dans la mise en scène de Wieland
Wagner pour Bayreuth.
Pierre Boulez et Wieland Wagner travaillant sur Parsifal de Richard Wagner en 1966. Photo : DR
Falla, Mahler, Berlioz et
Berg
Plus précieux encore sont les témoignages de Pierre Boulez dirigeant
Manuel de Falla (le Tricorne et le Concerto pour clavecin), d’une richesse
de timbre et d’une énergie stupéfiante, le Klagende
Lied de Gustav Mahler qu’il reprendra certes pour DG mais en négligeant le
mouvement initial, Waldmärchen, que
Mahler retira il est vrai dans sa version définitive mais qui, aux oreilles de
nombre de mahlériens, est une page majeure du compositeur austro-bohémien.
Les affinités de Boulez avec la musique d’Hector Berlioz sont clairement revendiquées, bien que ce dernier « reste un phénomène isolé si l’on considère ce qui se passe autour de lui ». Sa place dans l’estime de Boulez est égale à celle qu’il porte pour Debussy et Ravel, pour rester dans le domaine de la musique française, et s’il n’a pas gravé Roméo et Juliette pour Sony, qui « n’en voulait pas à l’époque » (Pierre Boulez, 1993), il le fera plus tard pour DG. Mais sa Symphonie fantastique op. 14 de 1967 avec le London Symphony Orchestra est indispensable, d’autant plus qu’elle figure au côté de son œuvre-sœur, le rare Lélio, ou le retour à la vie op. 14b aussi enregistré à Londres 1967 avec pour récitant rien moins que l’ami de toujours, Jean-Louis Barrault, le Berlioz du film de Christian-Jaque la Symphonie fantastique en 1942.
Sans Jean-Louis Barrault, Pierre Boulez n’aurait peut-être pas fait la carrière que l’on sait. C'est lui qui met en scène en 1963 la création à l’Opéra de Paris de Wozzeck d’Alban Berg dirigé par Pierre Boulez - la captation de la création de l’intégrale de Lulu dans ce même théâtre mis en scène par Patrice Chéreau sera assurée par DG en 1979 - et que CBS/Sony enregistra lors de sa reprise en 1966 avec quasi la même distribution, à l’exception de la fabuleuse Helga Pilarczyk remplacée par la moins convaincante Isabel Strauss (voir l'archive de l'INA d'août 1964 : http://fresques.ina.fr/en-scenes/fiche-media/Scenes01079/creation-de-wozzeck-a-l-opera-de-paris.html). De Berg encore, les trésors que constituent Der Wein avec Jessye Norman (1977), le Sept Lieder de Jeunesse dans les versions de 1972 avec Heather Harper et BBC Symphony et 1987-1988 avec Jessye Norman et le London Symphony Orchestra, les Altenberg Lieder avec Halina Lukomska et le BBC (1967) et Jessye Norman et le LSO (1984), le Concerto pour violon « à la mémoire d’un Ange » et la Lulu-Suite, toutes œuvres qu’il ne réenregistrera pas, mais aussi le Kammerkonzert avec Daniel Barenboïm et Saschko Gawriloff, les Trois Pièces pour orchestre op. 6 et les Trois Pièces de la Suite lyrique. « Berg me fascine, me disait Pierre Boulez en 1993. Bien sûr parce que l’expression musicale est de premier ordre et très émouvante. Mais ce qui m’attire aussi chez lui c’est ce qui m’attire chez Proust, c’est-à-dire que ce sont des artistes qui savent merveilleusement créer des labyrinthes, et les labyrinthes de Berg, comme ceux qui se trouvent dans Wozzeck, Lulu, ou la Suite lyrique sont des labyrinthes de haute complexité où l’on peut se perdre, et il me semble que de même que chez Proust, lorsque vous lisez La recherche du temps perdu, il y a des endroits où l’on se perd, et il est vraiment très agréable de se perdre. »
Leonard Bernstein et son successeur Pierre Boulez à la tête du NYPO, deux compositeurs chefs d'orchestre se passent le relais en 1971. Photo : (c) Christian Steiner / Archives du New York Philharmonic Orchdestra
Les affinités de Boulez avec la musique d’Hector Berlioz sont clairement revendiquées, bien que ce dernier « reste un phénomène isolé si l’on considère ce qui se passe autour de lui ». Sa place dans l’estime de Boulez est égale à celle qu’il porte pour Debussy et Ravel, pour rester dans le domaine de la musique française, et s’il n’a pas gravé Roméo et Juliette pour Sony, qui « n’en voulait pas à l’époque » (Pierre Boulez, 1993), il le fera plus tard pour DG. Mais sa Symphonie fantastique op. 14 de 1967 avec le London Symphony Orchestra est indispensable, d’autant plus qu’elle figure au côté de son œuvre-sœur, le rare Lélio, ou le retour à la vie op. 14b aussi enregistré à Londres 1967 avec pour récitant rien moins que l’ami de toujours, Jean-Louis Barrault, le Berlioz du film de Christian-Jaque la Symphonie fantastique en 1942.
Pierre Boulez à Paris en mars 1980. Photo : (c) Diego Goldberg/Corbis
Sans Jean-Louis Barrault, Pierre Boulez n’aurait peut-être pas fait la carrière que l’on sait. C'est lui qui met en scène en 1963 la création à l’Opéra de Paris de Wozzeck d’Alban Berg dirigé par Pierre Boulez - la captation de la création de l’intégrale de Lulu dans ce même théâtre mis en scène par Patrice Chéreau sera assurée par DG en 1979 - et que CBS/Sony enregistra lors de sa reprise en 1966 avec quasi la même distribution, à l’exception de la fabuleuse Helga Pilarczyk remplacée par la moins convaincante Isabel Strauss (voir l'archive de l'INA d'août 1964 : http://fresques.ina.fr/en-scenes/fiche-media/Scenes01079/creation-de-wozzeck-a-l-opera-de-paris.html). De Berg encore, les trésors que constituent Der Wein avec Jessye Norman (1977), le Sept Lieder de Jeunesse dans les versions de 1972 avec Heather Harper et BBC Symphony et 1987-1988 avec Jessye Norman et le London Symphony Orchestra, les Altenberg Lieder avec Halina Lukomska et le BBC (1967) et Jessye Norman et le LSO (1984), le Concerto pour violon « à la mémoire d’un Ange » et la Lulu-Suite, toutes œuvres qu’il ne réenregistrera pas, mais aussi le Kammerkonzert avec Daniel Barenboïm et Saschko Gawriloff, les Trois Pièces pour orchestre op. 6 et les Trois Pièces de la Suite lyrique. « Berg me fascine, me disait Pierre Boulez en 1993. Bien sûr parce que l’expression musicale est de premier ordre et très émouvante. Mais ce qui m’attire aussi chez lui c’est ce qui m’attire chez Proust, c’est-à-dire que ce sont des artistes qui savent merveilleusement créer des labyrinthes, et les labyrinthes de Berg, comme ceux qui se trouvent dans Wozzeck, Lulu, ou la Suite lyrique sont des labyrinthes de haute complexité où l’on peut se perdre, et il me semble que de même que chez Proust, lorsque vous lisez La recherche du temps perdu, il y a des endroits où l’on se perd, et il est vraiment très agréable de se perdre. »
Pierre Boulez dirige l'Orchestre Philharmonique de New York en 1975. Photo : (c) Archives du NUPO
Bartók,
Debussy, Stravinski et Ravel
Nous retrouvons bien sûr les compositeurs
favoris de Pierre Boulez, dont il est depuis toujours l’un des meilleurs
interprètes dans l’absolu, ses Bartók, d’une force vitale saisissante,
dramatique et impétueux à souhait, dont les trois partitions scéniques, le Château de Barbe-Bleue, où il manque étonnamment
le prologue parlé contrairement à la version DG, le Prince de bois et le Mandarin
merveilleux - qu’il avait dirigé pour la première fois en juillet 1957 à
Aix-en-Provence en remplaçant au pied levé Hans Rosbaud, malade -, ainsi
que le Concerto pour orchestre et de
la Musique pour cordes, percussion et
célesta, aux côtés des Scènes
villageoises, des Quatre Pièces
orchestrales et de la Suite de danses
Sz 77. De Claude Debussy, modèle de Boulez auquel sa musique renvoie
constamment, son premier Pelléas et
Mélisande capté au Covent Garden de Londres fin 1969 début 1970, et,
surtout, de sublimes Jeux qui n’ont
jamais été égalés par quiconque, ni avant ni après cet enregistrement de 1966
avec le New Philharmonia de Londres, mais aussi La Mer, dans une interprétation changeante comme l’écume, les Nocturnes, Images, Danses, Prélude à
l’après-midi d’un faune, Première
Rhapsodie et le plus rare Printemps.
De Stravinski, les indispensables ballets pour Nijinski, sans doute dans leurs meilleures versions laissées par Pierre Boulez, qui en a fait l’un de ses chevaux de bataille, l’Oiseau de feu sous ses formes d’intégrale et de suite, un exceptionnel Petrouchka, violent, aigre, tendu haletant jusqu’à la suffocation, et un Sacre du printemps au cordeau, magnifié par un Orchestre de Cleveland aux sonorités de braise, trois partitions scéniques accompagnées par un Chant du Rossignol onirique et un Scherzo fantastique virevoltant, tandis que le Stravinski néo-classique est représenté par les deux Suites et par les Symphonies d’instruments à vent.
Maurice Ravel ensuite, dont Pierre Boulez aura presque tout enregistré par deux fois (dix-sept œuvres pour CBS/Sony), à l’exception des deux opéras auxquels il n’aura jamais touché. « Enfant, me confiait-il voilà quelques années, ma professeur de piano, qui était très ouvert si l’on reste dans les limites de ma petite ville, Saint-Etienne, qui était tout de même une grande ville, déjà, capitale d’une petite province, considérait Debussy et Ravel comme des compositeurs très importants. C’était en 1936-1937. Ravel était encore vivant, et Debussy n’était mort que dix-huit ans plus tôt. Dans le contexte provincial où je me trouvais alors, il était certainement audacieux de me faire travailler les œuvres de ces deux musiciens. Et je dois dire que depuis ce temps-là j’ai gardé le sens de la modernité, et que ce sont certainement ces deux compositeurs qui m’ont fait saisir ce que peut être la musique contemporaine par rapport à une musique du passé. J’ai eu dès lors très nettement la notion de ce qui est actuel et de ce qui est historique. »
Pierre Boulez et Igor Stravinski. Photos : DR
De Stravinski, les indispensables ballets pour Nijinski, sans doute dans leurs meilleures versions laissées par Pierre Boulez, qui en a fait l’un de ses chevaux de bataille, l’Oiseau de feu sous ses formes d’intégrale et de suite, un exceptionnel Petrouchka, violent, aigre, tendu haletant jusqu’à la suffocation, et un Sacre du printemps au cordeau, magnifié par un Orchestre de Cleveland aux sonorités de braise, trois partitions scéniques accompagnées par un Chant du Rossignol onirique et un Scherzo fantastique virevoltant, tandis que le Stravinski néo-classique est représenté par les deux Suites et par les Symphonies d’instruments à vent.
Pierre Boulez à New York en mars 1986. Photo : (c) Bernard Bisson/Corbis
Maurice Ravel ensuite, dont Pierre Boulez aura presque tout enregistré par deux fois (dix-sept œuvres pour CBS/Sony), à l’exception des deux opéras auxquels il n’aura jamais touché. « Enfant, me confiait-il voilà quelques années, ma professeur de piano, qui était très ouvert si l’on reste dans les limites de ma petite ville, Saint-Etienne, qui était tout de même une grande ville, déjà, capitale d’une petite province, considérait Debussy et Ravel comme des compositeurs très importants. C’était en 1936-1937. Ravel était encore vivant, et Debussy n’était mort que dix-huit ans plus tôt. Dans le contexte provincial où je me trouvais alors, il était certainement audacieux de me faire travailler les œuvres de ces deux musiciens. Et je dois dire que depuis ce temps-là j’ai gardé le sens de la modernité, et que ce sont certainement ces deux compositeurs qui m’ont fait saisir ce que peut être la musique contemporaine par rapport à une musique du passé. J’ai eu dès lors très nettement la notion de ce qui est actuel et de ce qui est historique. »
Pierre Boulez. Photo : DR
Varèse
et Schönberg
Autre compositeur que Boulez s’est plu à
défendre, Edgar Varèse, avec ici d’impressionnants Amériques, Arcana et Ionisation avec le New York
Philharmonic, et des pages pour ensembles dont le fameux Déserts qui suscita le désordre que l’on sait au Théâtre des
Champs-Elysées lors de sa création dirigée par Hermann Scherchen, Hyperprism, Intégrales, Octandre et Offrandes avec l’Ensemble
Intercontemporain. Plus proches encore du compositeur chef d’orchestre, Arnold
Schönberg, dont Boulez a enregistré pour Sony une quasi intégrale, de la Nuit transfigurée op. 4 jusqu’au Psaume moderne op. 50c, tout y est, ou
presque, des opéras, Erwartung, Die glückliche Hand, Moses und Aron (il ne manque que Von heute auf morgen), à l’œuvre chorale
en passant par les oratorios, les pages pour orchestre et pour ensembles et la
musique de film, soit vingt-neuf œuvres au total, tous enregistrements à
connaître impérativement pour qui entend connaître la création du maître de la
Seconde Ecole de Vienne.
Pierre Boulez dirige une répétition du New York Philharmonic Orchestra. Photo : (c) Archives du New York Philharmonic Orchestra
Webern
et Scriabine
Mais celui à qui Boulez voue une admiration
sans bornes, c’est assurément Anton Webern dont la musique constituait à ses
yeux « LE seuil » au début des années 1960. « La modernité de
Webern, me disait-il en 1993, est vraiment un tranchant parce qu’elle a obligé
à repenser toutes les catégories du langage musical, ce qu’est l’expression de
la musique. Il y a trente ans, on pensait que Webern était inexpressif, que sa
musique était celle d’un géomètre... Je pense que c’est une sensibilité un peu
difficile à percevoir et elle est enfouie dans un vocabulaire extrêmement
précis, construit, mais on peut en dire autant de Mallarmé, où il y a des mots
extrêmement choisis, où la grammaire est extrêmement soignée, je dirais même
plus que soignée, au point que la grammaire devient parfois une obsession chez
Mallarmé, et que dans cette obsession se révèle une expression qui oblige à
repenser les catégories du langage d’un point de vue très fondamental. »
Tout Webern figurait dans le coffret original, mais Sony n’a limité ici aux
seules œuvres que Boulez dirige, ce qui conduit à ne trouver dans ce coffret que
deux des trois disques du coffret CD original. Autre novateur, le Russe
Alexandre Scriabine, représenté par le seul Poème
de l’Extase, que Boulez brosse de façon magistrale transportant l’auditeur
dans la folie sonore la plus éclatante.
Olivier Messiaen et Pierre Boulez en 1966. Photo : DR
Messiaen,
Berio, Carter et Boulez
Enfin, Pierre Boulez et ses contemporains.
Le maître tout d’abord, Olivier Messiaen, qui n’est représenté que par deux
œuvres, Couleurs de la cité céleste
et Et expecto resurrectionem mortuorum enregistrées toutes deux en
janvier 1966 avec le Domaine musical et les Percussions de Strasbourg.
L’exacte contemporain et ami de Boulez, Luciano Berio, est présent avec les chefs-d’œuvre que sont Chemins II et IV, Corale, Points on the curve to find… et Ritorno degli snovidenia avec l’Ensemble Intercontemporain, enregistrements auxquels Sony a associé l’Allelujah II dirigé par Berio.
Elliott Carter dont Boulez a défendu la musique dès sa rencontre avec son aîné new-yorkais lorsqu’il prit la succession de Leonard Bernstein à la tête de l’Orchestre Philharmonique de New York. Seul A Symphony of 3 Orchestras a été gravé par Sony, et il faudra attendre qu’Erato confie une série d’enregistrements à Pierre Boulez pour que ce dernier aille plus avant dans l’œuvre de son confrère américain.
Last but not least, Pierre
Boulez dirige Pierre Boulez. Moins nombreuses que chez DG, qui a réuni en 2013
la totalité de la création du compositeur sous sa direction musicale et
artistique (voir à ce propos http://brunoserrou.blogspot.fr/2013/06/entretien-avec-pierre-boulez-le-coffret.html),
les gravures CBS/Sony, dont DG a repris dans son coffret de six CD quelques
pages, apportent leur lot d’enseignements, particulièrement Rituel in memoriam Bruno Maderna
enregistré en 1976 avec le BBC Symphony Orchestra, et le Marteau sans Maître dont deux versions sont mises en regard,
celle avec Yvonne Minton et l’Ensemble Musique Vivante (1968/1972), et celle
d’Elizabeth Lawrence et l’Ensemble Intercontemporain (1985), et, surtout, Eclat / Multiples par l’Ensemble
Intercontemporain. Le Livre pour cordes
et Pli selon Pli complètent ces indispensables
documents du compositeur dirigeant sa propre création dans les années 1968-1985.
Pierre Boulez et Luciano Berio. Photo : DR
L’exacte contemporain et ami de Boulez, Luciano Berio, est présent avec les chefs-d’œuvre que sont Chemins II et IV, Corale, Points on the curve to find… et Ritorno degli snovidenia avec l’Ensemble Intercontemporain, enregistrements auxquels Sony a associé l’Allelujah II dirigé par Berio.
Pierre Boulez et Elliott Carter. Photo : DR
Elliott Carter dont Boulez a défendu la musique dès sa rencontre avec son aîné new-yorkais lorsqu’il prit la succession de Leonard Bernstein à la tête de l’Orchestre Philharmonique de New York. Seul A Symphony of 3 Orchestras a été gravé par Sony, et il faudra attendre qu’Erato confie une série d’enregistrements à Pierre Boulez pour que ce dernier aille plus avant dans l’œuvre de son confrère américain.
Pour conclure, signalons que ces disques ne
sont pas classés dans l’ordre alphabétique des compositeurs mais par dates
d’enregistrements et/ou de parutions, le plus souvent dans les couplages
originels.
Bruno Serrou
« Pierre
Boulez The Complete Columbia Album Collection », 67 CD Sony Classical
88843013332
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire