lundi 15 décembre 2014

Entretien avec Christophe Coin, violoncelle et viole de gambe

Christophe Coin au violoncelle. Photo : DR

Familier de la musique du XVIIe siècle jusqu’au début du XXe, notamment par le biais du Quatuor Mosaïque dont il est membre fondateur, Christophe Coin est à cinquante-six ans célébré par ses pairs et par les mélomanes. Né à Caen en 1958, violoncelliste, gambiste, chef d’orchestre, pédagogue - il enseigne le violoncelle baroque au Conservatoire de Paris depuis 1984 et la viole de gambe à la Schola cantorum de Bâle -, Coin est le principal artisan du renouveau du violoncelle baroque en France. Suivant depuis nombre d’années son activité, je souhaitais depuis longtemps le rencontrer dans le cadre d’une interview. L’occasion m’en a été donnée en octobre dernier par le quotidien La Croix sur l’invitation de l’Académie de l’Orchestre Français des Jeunes Baroque réunie en session sous sa direction au Grand Théâtre de Provence à Aix-en-Provence, que je remercie ici vivement pour leur aide.

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Violoncelle baroque. Photo : DR

Violoncelle et viole de gambe

Bruno Serrou : Les aptitudes solistes du violoncelle n’étaient guère exploitées pendant très longtemps, jusqu’à ce que Pablo Casals le remette en avant. Est-ce exact ?
Christophe Coin : Il y a toujours eu de grands violoncellistes. Pour ne parler que de l’école française, cette dernière remonte à Jean-Louis Duport (1749-1819) et à son frère aîné Jean-Pierre (1741-1818), qui créa en 1797 les deux Sonates Op. 5 de Beethoven avec le compositeur au piano et contribua à fonder l’école allemande du violoncelle, Jean-Baptiste Bréval (1753-1823)… Il y a eu autour du conservatoire tout au long du XIXe siècle de grands violoncellistes. Evidemment, le répertoire n’était pas aussi large que celui du piano ou du violon, le violoncelle étant resté avant tout un instrument d’orchestre et d’accompagnement. Pablo Casals a de fait constitué une exception qui a fait parler du violoncelle, mais je pense que le boom quantitatif date en vérité de Mstislav Rostropovitch. C’est lui qui a fait en sorte que dans les conservatoires aujourd’hui  il y a pratiquement autant de violoncellistes que de violonistes. Ce qui n’était pas du tout le cas quand je me suis mis au violoncelle…

André Navarra (1911-1988). Photo : DR

B. S. : Qu’est-ce qui vous a conduit à choisir le violoncelle ?
C. C. : Rien, au départ je jouais du piano. Mais mon professeur, qui aimait les instruments à cordes, a dit à mes parents : « Ce garçon a de l’oreille, il faut lui faire faire un instrument à cordes. » Ma mère m’a interdit le violon d’emblée, et comme il y avait un excellent professeur de violoncelle à Caen, Jacques Ripoche, qui était aussi un pédagogue formidable, passionné, qui s’engageait corps et âme pour ses élèves, je suis entré  dans sa classe… Le personnage m’a immédiatement fasciné. Sa façon de jouer était d’un grand violoncelliste à la pâte sonore formidable. Surtout, il m’a tout de suite parlé de musique. Puis, à douze ans, je suis allé chez André Navarra. A l’époque, pour entrer au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris, il n’y avait pas besoin d’avoir son bac, et il n’y avait pas en violoncelle la même demande qu’aujourd’hui. Le niveau technique, à la sortie du conservatoire, équivaut à celui requis pour y entrer aujourd’hui. La quantité d’élèves qui se présentent au Conservatoire suscite forcément une émulation, du coup la base de la pyramide s’élargit…

B. S. : André Navarra vous a fait découvrir une partie du répertoire, mais il jouait sur un instrument moderne. Qu’est-ce qui vous a conduit à vous intéresser au violoncelle baroque et à la viole de gambe ? Les avez-vous travaillés au Conservatoire ?
C. C. : Absolument pas. En fait, grâce à Navarra, j’ai obtenu une bourse d’étude pour le rejoindre à Vienne à son invitation afin d’approfondir le répertoire que je n’avais pas eu le temps d’étudier au Conservatoire de Paris d’où j’étais sorti diplômé à l’âge de seize ans. C’est là que j’ai rencontré Nikolaus Harnoncourt, alors que je m’intéressais déjà à ce type d’approche, jouant en autodidacte la viole de gambe.

Viole de gambe. Photo : DR

B . S. : Ne trouviez-vous pas à cette époque cet instrument bizarre ?
C. C. : Plus que bizarre. Et j’avais eu l’occasion d’entendre les frères Kuijken, Jordi Savall, de voir une exposition itinérante qu’avait organisée la Comtesse Geneviève Thibaud de Chambure. J’avais poursuivi Jordi [Savall] plusieurs concerts durant en lui demandant si je pouvais prendre une leçon avec lui. Il a fini par me faire entrer à la Schola Cantorum de Bâle, ce qui m’a conduit à étudier parallèlement le violoncelle à Vienne et la viole de gambe à Bâle. J’avais dix-huit ans. Il m’a fallu peu de temps pour me centrer sur la Schola et je me suis installé à Bâle pour y poursuivre mes études. Mais je continuais le violoncelle et je me rappelle à Bâle y avoir suivi une master class d’un mois de Mstislav Rostropovitch. Je n’avais donc pas complètement perdu de vue le violoncelle. Mon professeur du conservatoire de Caen m’avait fait travailler le violoncelle sur des cordes en boyau parce qu’il considérait que c’est vraiment ainsi que l’on forge le son, et c’est ainsi que lorsque j’ai étudié plus tard les instruments anciens je n’étais pas en terra incognita.

Jordi Savall. Photo : DR

B. S. : En quoi le boyau est-il plus indiqué pour travailler le son que le métal ?
C. C. : Parce que c’est plus difficile, c’est moins gagné d’avance et qu’il faut plus comprendre la façon de produire la vibration, de ne pas grincer, siffler, etc. Sur un instrument monté métal, il y a toujours quelque chose qui sort, quoi que l’on fasse, qui est plus ou moins correct, mais on a tout de suite un résultat, tandis que sur le boyau, c’est juste ou cela ne l’est pas, il n’y a pas trente-six mille solutions.

B . S. : L’accord tient-il mieux avec le métal ?
C. C. : Tous ces problèmes de stabilité, d’hydrométrie entrent beaucoup moins en ligne de compte avec les cordes métallique…

Christophe Coin à la viole de gambe. Photo : DR

B. S. : La viole de gambe, sur le plan technique, en quoi diffère-t-elle du violoncelle ?
C. C. : La viole de gambe se rapprocherait davantage du luth que du violoncelle, du fait qu’elle a plus de cordes, qu’elle a des frettes et que sa structure est beaucoup plus légère. Cet instrument n’est pas dans le paysage de l’orchestre simplement parce qu’il n’est pas aussi sonore. Il est aussi plus compliqué parce qu’il a six cordes, voire sept pour des violes françaises. Tant et si bien qu’il était vraiment l’instrument de la noblesse. Tandis que le violoncelle est la basse du violon, et il est beaucoup plus clair.

B . S. : Viole et violoncelle ont -ils cohabité ?
C . C. : Ils ont cohabité, mais pas en tant qu’instruments solistes. Le soliste qui faisait pendant au violon était la viole de gambe. Ce n’est qu’après, au XVIIIe siècle, quand on a commencé à monter dans les positions, à utiliser la position du pouce pour aller beaucoup plus haut, que le violoncelle a commencé à être un instrument soliste.

B. S. : Le jeu des deux instruments est-il comparable ?
C . C. : La tenue d’archet est différente, les gambistes le tiennent en bas, les violoncellistes ont la main en haut, ce qui suscite d’importantes différences.

B. S. : Les avez-vous découvertes en autodidacte ?
C . C. : J’ai commencé en autodidacte, mais j’ai également pris des cours avec Jordi Savall. Je ne pouvais pas tomber mieux. J’ai eu tout de suite un excellent professeur.

B . S. : Les rencontres avec les grands sont-elles toujours des moments importants pour un musicien ? Parce que vous pouvez très bien aller vers eux avec un fort désir d’enrichissement artistique, sans que cela aboutisse à quelque chose.
C. C. : Cela arrive, mais à l’époque, pour apprendre la viole de gambe il n’y avait pas autant de choix que maintenant pour un jeune, dans les conservatoires qui comptent vous avez désormais une classe de viole de gambe. A l’époque, ce n’était pas du tout le cas, il fallait aller soit à La Haye soit à Bâle. Peut-être y avait-il une classe à Londres et une autre en Allemagne, mais il y avait très peu de choix.

Navarra, Harnoncourt, Savall, Rostropovitch, Hogwood, Kuijken

B . S. : Qu’est-ce qui vous a incité à vous intéresser à la musique ancienne plutôt qu’à l’avenir du violoncelle, en vous tournant vers les compositeurs d’aujourd’hui ? Pourquoi remonter le temps plutôt qu’aller de l’avant ?
C . C. : Je me suis intéressé à l’apport personnel qu’a l’interprète dans cette musique. Il n’y a pas le poids de la tradition, puisqu’elle a été interrompue. Quand j’allais chez Navarra, ses élèves copiaient le coup d’archet du maître et nous jouions comme le maître. Il n’était pas question d’imaginer autre chose, et nous ne nous le serions jamais permis. Nous jouions ainsi parce que c’était la tradition de l’école du maitre. Alors que quand j’ai découvert cette musique ancienne il n’y avait pas de nuances, d’indication de tempo, il fallait tout imaginer. J’ai trouvé que l’instinct avait une part importante, le côté un peu plus libre était une bouffée d’air pur par rapport au côté académique du conservatoire à l’époque.

B . S. : La musique baroque a été vraiment redécouverte dans les années 1980…
C . C. : Oui, avec Jacques Merlet, à la radio… J’écoutais tous les dimanches la cantate de Bach qu’il diffusait. C’est lui qui m’a fait découvrir Harnoncourt. Un peu plus tard, quand j’ai eu la chance de pouvoir assister à Vienne aux concerts d’Harnoncourt et de son Concentus Musicus, j’ai été évidemment d’autant plus intéressé. J’étais encore avec Navarra, mais j’allais aux concerts Harnoncourt en cachette, évitant soigneusement de le lui dire.

B . S. : Comment avez-vous pris contact avec Harnoncourt, lui-même violoncelliste de formation ?
C . C. : Je l’ai rencontré par l’intermédiaire de sa fille, qui jouait de la flûte à bec - elle est aujourd’hui chanteuse. Nous avions formé ensemble un petit groupe qui s’appelait Récréation. Il comptait cinq instruments, flûte à bec, hautbois, violon, clavecin et violoncelle. Elle m’a présenté à son père et qui m’a donné l’occasion de lui jouer quelque chose, puis il m’a engagé pour jouer au sein du Concentus Musicus. C’est ainsi que les choses se sont réalisées.

B. S. : L’intégration dans son ensemble s’est-elle faite rapidement ?
C. C. : Je suis allé voir Harnoncourt à Salzbourg où il donnait un cours magistral. L’année où j’y suis allé il avait choisi Idomeneo de Mozart. Nous avons travaillé toute l’année sur cet opéra. A l’issue du cours, c’était table ouverte, c’est-à-dire qui avait envie de jouer, jouait. Qui du Beethoven, qui du Diego Ortiz, chacun amenait quelque chose et Harnoncourt faisait des commentaires, donnait des conseils. J’aimais beaucoup ce genre de pratique que l’on ne fait pas chez nous. Harnoncourt a repris en fait une méthode de l’un de ses professeurs viennois, Josef Mertin, qui passait de Bach à Brahms, pouvait parler dans un même cours de Strauss et Mahler et de la musique de la Renaissance. Aujourd’hui tout est beaucoup plus étiqueté, catalogué, spécialisé, ce qui est regrettable.

B . S. : Vous qui enseignez au Conservatoire de Paris, essayez-vous d’appliquer ce système ou êtes-vous obligé de restreindre votre champ d’investigation ?
C . C. : Théoriquement, j’enseigne le répertoire ancien, mais évidemment j’ai dans ma classe des violoncellistes qui sont intéressés aussi par le fait de jouer Mendelssohn avec pianoforte. En vérité, tout ce qui ne date pas d’aujourd’hui est de la musique ancienne.

B . S. : Vous souvenez-vous de votre rencontre avec Jordi Savall ?
C . C. : J’ai intégré Espérion XX assez tôt pour un certain nombre de projets alors que je finissais mes études avec lui, à Bâle. Ce fut pour moi une grande expérience de faire de la musique du moyen-âge, le Livre Vermeil, enregistrer de la musique de la Renaissance, et surtout de faire du consort de violes, parce que je faisais de la viole de gambe d’abord pour jouer de la musique anglaise élisabéthaine, musique que je trouvais absolument fascinante.

Christopher Hogwood (1941-2014). Photo : DR

B . S. : Vous avez également travaillé avec Christopher Hogwood, qui vient de mourir. Son approche de la musique ancienne était différente encore. Avez-vous fait partie de son ensemble ?
C . C. : Uniquement en tant que soliste. En fait je l’ai aussi rencontré à Vienne. Cette année viennoise a vraiment été très importante pour moi… Christopher Hogwood est venu jouer avec un groupe de musique médiéval anglais, l’Early Music Consort qu’il avait fondé en 1967 avec David Munrow. Il y tenait la harpe et l’épinette. Nous avons discuté à l’issue du concert, et quelques années plus tard, il m’écrivait une lettre : « Voilà est-ce que… J’aimerais vous auditionner pour enregistrer les concertos de Haydn sur un violoncelle baroque. » Je ne savais pas encore ce qu’était un violoncelle baroque, je connaissais le violoncelle moderne et la viole de gambe, mais je n’avais jamais imaginé qu’il y eut aussi une autre manière de jouer le violoncelle. J’ai donc commencé à écouter Anner Bylsma, et je me suis fait faire une copie d’un instrument monté comme il convient, une copie d’origine, et je me suis mis à travailler les concertos de Haydn, que je n’avais jamais  travaillé. Pas même avec Navarra je ne sais pas pourquoi, j’avais peut-être travaillé un peu le ré majeur mais pas l’autre, et, de plus, je n’avais aucune expérience de soliste. J’avais vingt-quatre/vingt-cinq ans au moment où j’ai enregistré les concertos de Haydn avec Hogwood, et c’était ma première pratique du concerto. Il faut reconnaître que les Anglais ont fait un travail considérable avec toutes ces intégrales des symphonies de Haydn, de Mozart, etc. C’était un petit peu l’usine, Nous travaillions très vite, de façon très efficace. Les Anglais sont connus pour cela, il n’y a peut-être pas la très forte personnalité que l’on peut trouver chez Harnoncourt, c’est peut-être un peu plus passe-partout, mais c’est quand même d’un très bon niveau musical, technique et musicologique. Après ce premier essai, j’ai continué avec Christopher à enregistrer les sonates et les concertos de Vivaldi, un peu de musique française à la viole de gambe, avec un disque de musique du temps de Louis XIV. Ma collaboration avec Christopher a été riche, même si elle s’est arrêtée voilà quelques années. C’est dur pour moi de voir disparaître tous ces musiciens avec qui j’ai travaillé, collaboré. Gustav Leonhardt, Christopher Hogwood, Frans Bruggen… J’ai eu la chance de jouer avec Leonhardt des sonates de Bach. C’était formidable. Maintenant, ma génération arrive en première ligne. Nous ne sommes plus les pionniers, contrairement à ceux qui nous ont précédés et qui ont fait un travail de défrichage colossal et indispensable.

Quatuor Mosaïque. Andrea Bischof, Erich Höbarth, Anita Mitterer et Christophe Coin. Photo : DR

Quatuor Mosaïque et Ensemble baroque de Limoges

B . S. : Il y a une chose qu’ils n’ont pas faite contrairement à vous, c’est créer un quatuor à cordes voilà trente ans, en plus avec des Viennois. Ce Quatuor Mosaïque, l’avez-vous initié à Vienne ?
C. C. : Cela s’est passé en plusieurs temps. Quand j’étais à Vienne, le groupe d’Elisabeth Harnoncourt comptait dans ses rangs une violoniste, Anita Mitterer, qui tient désormais l’alto dans le Quatuor Mosaïque. Puis j’ai rencontré Andrea Bischof, notre second violon, et plus tardivement Erich Höbarth, premier violon, mais toujours à Vienne. Nous avons eu l’idée de monter à Paris un orchestre de chambre sans chef, comme il s’en trouve désormais pas mal sur instruments anciens. Pour ce faire, nous avons recruté des musiciens qui aimaient ce répertoire et qui, sans être des spécialistes, voulaient simplement jouer les symphonies de Haydn sur instruments anciens et sans chef. Les quatre membres du quatuor, nous en étions les chefs de pupitres. L’orchestre portait d’ailleurs le même nom que le quatuor, et nous jouions dans cette formation afin de trouver une cohésion plus forte afin que le quintette des cordes soit animé par des gens qui se connaissent bien. Puis l’orchestre a disparu, la Fondation Total a arrêté de le soutenir, mais le quatuor a perduré, et nous fêtons en 2015 nos trente ans de Quatuor Mosaïque dans sa même formation qu’à l’origine.

B . S. : Le répertoire du Quatuor Mosaïque est large.
C. C. : Il commence un peu avant Joseph Haydn. Mais les premiers quatuors de Haydn sont aussi les premiers quatuors à cordes en tant que tels, et nous allons jusqu’au deuxième quatuor de Béla Bartók et à ceux d’Anton Webern. Nous changeons d’archets en fonction des œuvres et des époques, mais nous gardons les mêmes instruments montés boyaux. Nous varions parfois les diapasons.

Talon d'un archet baroque. Photo : DR

B. S. : L’archet forge-t-il le son ?
C. C. : Oui, sur un même violon si l’on change d’archet c’est presque comme si l’on changeait de violon. En outre, notre technique de jeu est aussi fonction de l’archet. L’archet fait beaucoup de différence, et c’est plus ou moins par le biais de l’archet que l’on peut retrouver au plus près la technique et le style d’une musique. 

B. S. : A la limite, peu importe l’instrument ?
C. C. : Oui… Enfin… Je dirai que les cordes boyau sont quand même importantes, d’abord parce que ces archets-là sont faits pour elles. Elles suscitent donc aussi une grande différence, mais les autres détails relatifs au montage de l’instrument me paraissent plus secondaires.

B. S. : La durée de vie d’un archet peut-elle être comparable à celle d’un instrument ? Il n’existe sans doute pas d’archets qui remontent au XVIIIe siècle…
C. C. : Détrompez-vous ! Ceux qui ont été montrés ici, à Aix-en-Provence, ont été réalisés entre 1710 et 1780. Mais il est vrai qu’un archet est plus fragile qu’un instrument. C’est pourquoi il en reste peu. 

B. S. : Participez-vous à la facture des archets ?
C. C. : Oui, quand nous avons la chance de trouver un bel archet authentique ou d’en dénicher un dans un musée, nous essayons de faire un relevé le plus précis possible et nous incitons les archetiers à faire des copies ou au moins de s’inspirer d’un type d’archet. 

B. S. : Donnez-vous beaucoup de concerts avec le Mosaïque ?
C. C. : Moins qu’avant, mais nous avons toujours notre cycle annuel de quatre concerts au Konzerthaus de Vienne. Fin octobre, nous sommes en tournée au Japon et aux Etats-Unis, et nous nous produisons une fois par an au minimum à Paris. Nous essayons toujours de trouver un fil conducteur, par exemple les derniers quatuors de Beethoven, Beethoven et la France, mais il nous arrive aussi de donner des concerts comme récemment à Venise, avec des œuvres méconnues voire inconnues. La semaine dernière, nous avons joué des pages de Kreutzer, Reicha, Baillot et Jadin que nous avons découvertes grâce au Palazzetto Bru Zane.

B. S. : Vous travaillez régulièrement avec le Palazzetto ?
C. C. : Une fois par an nous participons à l’un des thèmes qu’il traite. Il propose ou nous proposons des partitions, ce sont des échanges.

Christophe Coin et l'Ensemble baroque de Limoges en 2008. Photo : DR

B. S. : L’Ensemble baroque de Limoges que vous avez créé en 1991…
C. C. : … Je ne l’ai pas créé. Il l’a été avant mon arrivée par Jean-Michel Asler, à qui j’ai succédé. J’ai pris la direction de l’Ensemble baroque de Limoges quelques années après sa fondation, et j’y suis resté jusqu’en 2012. C’est devenu une fondation, et certaines directions ont été prises que je ne suis pas arrivé à suivre ni à cautionner. Nous avons donc préféré nous séparer.

B. S. : Le fait de diriger un ensemble ne vous manque-t-il pas ? N’envisagez-vous pas d’en fonder un autre ?
C. C. : Un certain nombre de musiciens de l’Ensemble baroque de Limoges voudraient continuer avec moi, sur des projets ponctuels, peut-être moins ambitieux que ce que nous pouvions faire en étant implanté régionalement. Oui, cela m’intéresse de continuer.

B. S. : La majorité de vos confrères ont un ensemble sur lequel s’appuyer pour leurs projets.
C. C. : Même si c’est très difficile aujourd’hui, nous le voyons avec la Petite Bande qui rencontre de gros problèmes pour se maintenir (1). S bien qu’aujourd’hui remonter un ensemble ce n’est pas gagné. Tout est tellement fragilisé...

Molière, le Bourgeois gentilhomme dans la mise en scène de Denis Podalydès au Théâtre des Bouffes du Nord en 2012. Photo : (c) Théâtre des Bouffes du Nord

Théâtre et opéra

B. S. : Vous aimez aussi vous mesurer à des univers autres que la musique pure, à l’exemple du Bourgeois gentilhomme de Molière avec Denis Podalydès (2) (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2012/07/denis-podalydes-et-christophe-coin.html)... Envisagez-vous de poursuivre ce type d’expérience ?
C. C. : C’est la première fois que je collaborais avec le théâtre, j’avais déjà travaillé avec des danseurs, mais le théâtre m’était terra incognita. Ce qui m’a particulièrement intéressé est le fait de monter les choses au jour le jour, d’échanger les idées, de les essayer, d’abandonner des propositions, d’en garder d’autres. Denis à une manière de travailler un peu comparable à la mienne, c’est-à-dire ne pas avoir d’idées préconçues, avoir besoin de se confronter au texte, au travail et aux acteurs pour définir sa mise en scène. Comme lui, j’ai besoin d’expérimenter sur le moment. Nous avons donc un rythme qui s’homogénéise bien, même si ce n’est pas confortable pour les gens qui attendent des directives précises et en amont. Mais le résultat montre que le travail est toujours vivant, et, surtout, il y a cet esprit de troupe que nous ne connaissons pas, nous autres musiciens, et qui est phénoménal. Répéter tous les jours la même chose avec toujours les mêmes personnes est à la fois chaque fois pareil et chaque fois différent. C’est une vie que les musiciens ne connaissent pas. Si nous donnons un programme quatre/cinq fois, c’est déjà pas mal, mais en faire plusieurs dizaines, voire une centaine est incroyable.

B. S. : Souhaitez-vous continuer sur cette voie ?
C. C. : Nous reprenons le Bourgeois gentilhomme aux Bouffes du Nord en juin prochain (3), puis nous tournerons un peu à l’étranger, avant de nous consacrer à une autre pièce de théâtre, mais d’un esprit totalement différent. Il s’agit en effet Pelléas et Mélisande de Maeterlinck, avec quatre acteurs et deux musiciens. La musique sera probablement plus improvisée et contemporaine, mais il n’y aura pas une note de Debussy ni de l’un ou l’autre compositeur qui a écrit sur le drame de Maeterlinck, parce que trop datés. Même si je n’ai pas le temps ni la vocation de mes confrères qui ne font que ça, je trouve ces projets formidables. Je ne pourrais pas me consacrer à la musique contemporaine, parce que j’aime trop le répertoire qui la précède, mais il y a des compositeurs aujourd’hui qui écrivent de très belles choses.

B. S. : Aimant le théâtre, pourquoi ne vous tournez-vous pas vers l’opéra ?
C. C. : J’ai un peu de problèmes avec l’opéra. Mes quelques expériences en ce domaine ne se sont pas toujours bien passées. Il y a constamment ce problème de hiérarchie qui est très complexe, et il faut passer beaucoup de temps à préparer un opéra en amont, à travailler avec les chanteurs... J’ai besoin du contact avec mon instrument, et il m’est difficile de me libérer sur un laps de temps trop grand. Et, à l’opéra, il y a la question fondamentale de l’entente avec le metteur en scène.

B. S. : Une équipe, cela se crée, vous avez bien réussi à en constituer une au théâtre avec Podalydès, vous pouvez fort bien l’envisager à l’opéra…
C. C. : Oui, si j’avais un orchestre à moi peut-être demanderais-je à Podalydès de faire un opéra avec moi, il n’est d’ailleurs pas dit qu’on ne le fasse pas un jour. Je suis aussi peut-être trop impressionné par les chanteurs. C’est un monde que je ne connais pas assez. Il faut avoir beaucoup d’expérience pour arriver à faire la part des choses et à galvaniser toutes ces énergies…

B. S. : Pourquoi les voix vous impressionnent-elles, alors que vous dirigez l’oratorio ?
C. C. : Je ne sais pas, le monde de l’opéra est un peu spécial, il y a aussi le star system…

Violoncelle baroque et violoncelle moderne

B. S. : Quelles sont les particularités du violoncelle baroque ? Quelles sont celles de votre propre instrument ? Quand vous avez joué à Venise avec les Mosaïques, c’était sur un instrument moderne ?
C. C. : Oui. Il n’y a aucune différence visuelle apparente entre les instruments. Ce que l’on va peut-être relever dès l’abord est que le violoncelle baroque se joue sans pique, coincé entre les jambes. Après, tout le reste se situe dans la construction, les rapports de tensions, mais ce sont des choses invisibles et impalpables pour des gens qui ne sont pas de la partie. L’accord est le même, et c’est plutôt la manière d’aborder le répertoire, la technique qu’une différence d’instrument. Avec le Quatuor Mosaïque, nous avons remarqué que l’on peut jouer Debussy et les premiers Bartók sur des cordes boyaux et que cela marche très bien. Si nous abordons Chostakovitch, là nous commençons à nous poser des questions. Nous sentons que ce n’est plus du tout la même texture.

Christophe Coin (à droite) à Aix-en-Provence écoute un archetier présenter les divers archets baroques aux musiciens de l'Orchestre Français des Jeunes Baroque. Photo : (c) Bruno Serrou

Pédagogie

B. S. : Vous avez suivi des cours de très grands maîtres. Vous-même, depuis quand enseignez-vous au Conservatoire de Paris ?
C. C. : Je m’y suis mis voilà très longtemps. En 1985, je crois. C’est Laurence Boulet qui m’y a fait entrer. En étant sorti comme élève à seize ans, mes propres élèves étaient de ma génération, certains à peine plus jeunes que moi.

B. S. : Les compositeurs se plaisent à dire qu’ils apprennent beaucoup de leurs élèves. Est-ce aussi le cas pour vous ?
C. C. : Oui… mais c’est un peu différent peut-être d’un compositeur, qui analyse une pièce, il a la partition, il a quelque chose de concret sur laquelle il peut s’appuyer pour réfléchir ou méditer, à haute voix ou pas. Tandis que l’approche d’un instrument est différente. Je pense que l’exemple est très important. J’avais un professeur qui jouait avec nous, parfois en même temps que nous, à l’unisson. Pour moi, l’imitation est la façon la plus naturelle d’enseigner un instrument. Après, il faut veiller à ce que l’imitation ne devienne pas celle d’un perroquet qui imite… Il convient donc de laisser aussi à l’élève ses velléités, son goût, son style…

B. S. : Son son aussi ?
C. C. : Ah, le son… c’est peut-être ce que l’on peut le moins changer. Je crois que le son, un élève entre avec et sort avec. Un professeur peut donner des indications, mais je crois que c’est clairement l’oreille de l’élève qui le fait progresser ou pas. Le son est quelque chose de tellement profond, je pense que le professeur peut juste donner un exemple, mais c’est l’élève qui va plus ou moins vouloir chercher le son. Agir sur la qualité du son d’un élève est presque utopique.

B. S. : Vous enseignez non seulement au Conservatoire de Paris, mais aussi à la Schola Cantorum de Bâle, vous donnez aussi des master classes un peu partout. Pourquoi ce besoin d’éclater votre enseignement sur plusieurs lieux ?
C. C. : En fait au CNSMDP, j’enseigne surtout la viole de gambe, et à Bâle je n’enseigne que le violoncelle. Voilà pourquoi je suis sur deux sites. Je répartis ainsi mon travail de professeur, même si j’ai naturellement des élèves violoncellistes à Paris et des élèves gambistes à Bâle. Mais disons que la grande part de mon cursus parisien est consacrée à la viole de gambe.

B. S. : Combien avez-vous d’élèves, entre le CNSMDP et la Schola ?
C. C. : J’en ai une douzaine…

B. S. : Parmi eux, se trouve-t-il des étudiants ont se destinent à l’orchestre ? Quelles sont leurs envies ?
C. C. : En général, ceux qui viennent faire de la musique ancienne c’est avant tout parce qu’ils ont envie de faire de la musique de chambre, du continuo, même s’ils demandent aussi de faire du répertoire soliste parce qu’il faut qu’ils soient d’excellents instrumentistes. Mais je crois qu’avant tout ils veulent faire de la musique d’ensembles.

Christophe Coin dirige une répétition de l'Orchestre Français des Jeunes Baroque Grand Théâtre de Provence à Aix-en-Provence en octobre 2014. Photo : (c) Orchestre Français des Jeunes Baroque

B. S. : A Aix-en-Provence, vous dirigez un orchestre de chambre baroque de jeunes. C’est votre seconde saison à leur tête. Qu’est-ce qui vous a convaincu de travailler avec cette formation ?
C. C. : Peut-être le fait que je n’avais plus l’Ensemble baroque de Limoges. Je me disais qu’il était bon de faire une fois par an un projet d’orchestre. C’était aussi le souhait de faire partager mon expérience à des jeunes, leur insuffler des propositions qui sont peut-être un peu différentes de ce qu’ils entendent dans leurs classes de conservatoires. Pour le programme de cette session de l’automne 2015, j’ai choisi des musiques de ballet, parce que je voulais essayer de leur faire comprendre ce qu’est la danse. Nous avons eu un atelier au début de la semaine avec une danseuse pour qu’ils comprennent que le corps du danseur doit se servir du sol pour rebondir et être le plus possible en l’air, et que pour l’instrumentiste à cordes l’archet est comme un danseur, qu’il doit lui aussi être le plus possible aérien, léger et qu’il ait l’efficacité nécessaire quand il retombe pour faire parler la corde. Il faut donc se servir d’un instrument comme un danseur se sert du plancher.

Danse et école française du violoncelle

B. S. : Vous le savez mieux que quiconque, puisque vous avez travaillé avec Rudolph Noureev…
C. C. : Oui, c’est probablement ce qui m’a donné un autre souffle et une autre inspiration pour aborder les danses des Suites pour violoncelle de Bach ou de la musique française. Parce que voir un danseur dans l’espace et voir comment nous, musiciens à cordes avec notre unique double direction, tirer-pousser - on n’en a que deux, mais il convient d’associer et/ou d’ajouter toute la balistique propre à notre instrument -, nous devons arriver à faire imaginer à l’auditeur que nous travaillons aussi en trois dimensions.

B. S. : En plus le violoncelle possède un corps androgyne qui invite à la danse…
C. C. : Il est vrai que le violoncelle est un instrument assez naturel pour la danse. Il n’est pas trop grand, contrairement à la contrebasse, et il n’a pas le côté un peu compliqué du violon. Tant et si bien qu’il est vrai que cet instrument permet peut-être d’acquérir un peu moins de défauts que les autres instruments à archet. C’est ce qui explique aussi le succès du violoncelle auprès des jeunes, cet instrument étant relativement naturel.

B. S. : La France compte en effet un nombre conséquent de violoncellistes. L’école française est foisonnante. Comment expliquez-vous le succès du violoncelle dans notre pays ?
C. C. : Je pense que le violoncelle a toujours eu une excellente réputation en France. Depuis Martin Berteau (1691-1771), fondateur de l’école française du violoncelle. Premier des professeurs de l’école française, il a eu pour élèves, outre le Dauphin de France, fils de Louis XV, Jean-Pierre Duport (1741-1818), Jean-Baptiste Janson (1742-1804), Jean-Baptiste Bréval (1753-1823), et quantité de violoncellistes aujourd’hui méconnus mais qui étaient d’excellents solistes et professeurs qui en ont formé beaucoup d’autres. Plus tard, nous avons eu Maurice Maréchal, André Navarra, Paul Tortelier, Pierre Fournier, Maurice Gendron… Ce qui a conduit aujourd’hui à une sorte de pyramide inversée, exponentielle, et, effectivement, cela ne s’arrête pas parce que je pense que toutes ces écoles, même si elles sont un peu différentes avec leurs particularités, ont une même source née en 1750, moment de l’explosion du violoncelle.

B. S. : Pour faire de la musique ancienne il convient aussi d’être plus ou moins musicologue, de faire de la recherche. C’est une nécessité qu’il vous faut aussi transmettre. L’instrumentiste de musique ancienne fait aussi un peu d’organologie… Aimez-vous fouiller dans les archives des bibliothèques ?
C. C. : Oui, je m’intéresse à la lutherie, à l’évolution des instruments, aux archets anciens. Et j’attache aussi à la quête de partitions anciennes, notamment de ces petits maîtres du XIXe siècle qui étaient à la fois d’excellents instrumentistes et des compositeurs pas si mauvais qu’on le pense trop systématiquement et qui savaient écrire pour leur instrument. Ils nous apprennent comment le violoncelle était traité à l’époque. La recherche de ces partitions m’attire beaucoup. Il m’arrive d’aller dans les bibliothèques, mais il faut s’y prendre longtemps à l’avance, car cela s’improvise moins qu’avant. Je viens par exemple de passer une commande chez Friedrich Hofmeister Musikverlag à Leipzig parce que je recherche des partitions d’un compositeur français du XIXe siècle qui y ont été éditées et que je ne trouve nulle part, pas même à la BNF. Seul cet éditeur allemand a gardé dans ses archives un exemplaire de chaque œuvre qu’il a publiée. Je lui ai commandé une vingtaine de partitions de ce compositeur…

B. S. : Il faut aussi faire passer cette envie à vos étudiants…
C. C. : C’est un peu plus difficile. Les jeunes ont de plus en plus l’habitude d’avoir tout servi sur un plateau, et ils n’ont pas trop envie de faire d’eux-mêmes l’effort de la découverte… Quand je pense à ce qu’ont fait des gens comme Harnoncourt et sa femme Alice, qui a copié à la main des partitions entières. Et elle n’est pas la seule. Ils sont beaucoup, avant la photocopieuse, à avoir copié des partitions. Aujourd’hui les jeunes ont peut-être moins cette curiosité, en tout cas si ce n’est pas sur Internet, ça devient compliqué. Il est donc vrai qu’il faut les motiver.

B. S. : C’est pourtant important, pour ces répertoires.
C. C. : C’est en effet absolument primordial que chacun apporte sa pierre dans le jardin de cette recherche.

B. S. : Quels sont vos projets ? Vous avez évoqué votre envie de fonder un nouvel ensemble. Souhaiteriez-vous vous produire de plus en plus en concerto ?
C. C. : Oui. Cette année, j’enregistre deux disques de concertos, et je travaille sur le répertoire plus méconnu du XIXe. Evidemment, j’ai toujours envie de jouer Schumann, Dvořák, mais on ne me les demande pas tous les jours. Il faut aussi chercher des choses moins connues, moins jouées. J’aimerais aussi peut-être continuer avec un ensemble pour pouvoir collaborer avec des chorégraphes et des danseurs, parce que je considère que ces deux arts sont extraordinairement liés et si complémentaires. Nous avons commencé avec le théâtre dans le Bourgeois gentilhomme, mais je voudrais aussi continuer à travailler avec des danseurs parce que pour nous, musiciens, cette confrontation qui paraît parfois antagoniste est en fait une sorte de ping-pong enrichissant, mais l’on sait fort bien que danseurs et musiciens ne s’entendaient pas toujours. Jaloux les uns des autres, ils ne peuvent en fait vivre les uns sans les autres.

B. S. : Dans la musique française, il y a beaucoup de musique à danser.
C. C. : Les musiciens français étaient avant tout spécialisés pour l’accompagnement du ballet.

B. S. : Quel répertoire préférez-vous : l’allemand, l’italien, le français, l’anglais ?
C. C. : C’est difficile à dire. J’adore Purcell… J’adore évidemment Jean-Sébastien Bach… Je ne peux donc pas me passer de musique anglaise ou allemande. J’ai aussi beaucoup de plaisir à jouer Rameau parce que sa musique est à la fois simple dans sa structure, gaie, elle parle immédiatement, mais en même temps elle est complexe, a une richesse harmonique gigantesque... Ces compositeurs connaissent parfaitement le langage, toutes les règles, tout le vocabulaire, mais ils travaillent dans l’exception.

Christophe Coin. Photo : DR

B. S. : Quel a été le moment-clef de votre vie d’artiste ?
C. C. : C’est difficile de dire il y a eu ce moment magique… Il y en a eu plusieurs. Chaque fois que j’ai rencontré des personnalités et que j’ai travaillé avec eux. Il y a eu Harnoncourt, Sándor Vegh, donc forcément il y a des pics par lesquels je suis passé, mais un moment très important, je ne sais pas… Mais pense que ce qui a déterminé mon existence, c’est la première fois que j’ai entendu au Conservatoire de Caen mon premier professeur, Jacques Ripoche, jouer de son violoncelle. J’avais 8 ans, et il donnait un récital de musique romantique dans lequel il y avait une œuvre de Schumann, et il donnait l’impression de souffrir terriblement. Je suis sorti de ce concert en larme, convaincu que j’étais qu’il avait enduré le martyr. Il était tellement engagé… Il devait faire des grimaces, des bruits de bouche, ce qui choque quand on est enfant. Après, quand on voit d’autres artistes jouer, on s’aperçoit que ces rictus sont un peu généraux. Mais quand j’ai senti cette intensité de jeu et d’engagement sur l’instrument, cela m’a suffisamment marqué pour que j’aie l’idée de jouer du violoncelle...

Propos recueillis par
Bruno Serrou
Aix-en-Provence, mercredi 8 octobre 2014

1) Il s’agit du célèbre ensemble belge des frères Kuijken. Depuis cet entretien, nous avons appris que les Arts florissants ont perdu le soutien de la Ville de Caen et que Les Musiciens du Louvre Grenoble celui de la Ville de Grenoble…

2) En juin 2012, dans le cadre des Nuits de Fourvière, avec Denis Podalydès, il proposait une vision enthousiasmante de ce monument du théâtre qu’est le Bourgeois gentilhomme, comédie-ballet en cinq actes de Jean-Baptiste Poquelin dit Molière (1622-1673) et Jean-Baptiste Lully (1632-1687), spectacle repris le mois suivant à Paris, Théâtre des Bouffes du Nord où il sera repris en juin prochain

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