vendredi 28 mars 2014

L’Orchestre de Paris joue classique, avec Sol Gabetta dans un flamboyant Concerto n° 2 pour violoncelle de Haydn et l’énergique Giovanni Antonini à la direction

Paris, Salle Pleyel, jeudi 27 mars 2014

Giovanni Antonini. Photo : DR

Voilà une quinzaine d’années, cherchant à ouvrir son répertoire à toute l’histoire de la musique orchestrale, du XVIIe siècle à aujourd’hui, à l’instar de l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam avec Nikolaus Harnoncourt, l’Orchestre de Paris avait mis en résidence le flûtiste chef d’orchestre hollandais Frans Brüggen pour la musique baroque et classique. L’expérience ne fut pas convaincante, et ne dura finalement qu’un temps limité.

Si l’expérience fit choux blanc, ce n’est de toute évidence pas la faute de l’Orchestre de Paris. En effet, hier, l’alliage a de toute évidence pris, avec Giovanni Antonini. Le temps d’un programme, et le jeu à l’ancienne, la vitalité et l’énergie propres au classicisme viennois ont imprégné les musiciens qui ont associé à ces particularités que l’on trouve dans les ensembles spécialisés leurs vertus techniques, leurs sonorités moelleuses, leur homogénéité de jeu et leur cohésion de groupe. Le flûtiste chef d’orchestre italien, actuel directeur depuis 1989 d’Il Giordono Armonico, directeur artistique du Wratislavia Cantans Festival en Pologne, a une approche décapante des partitions qu’il aborde. Ses tempi sont enlevés et contrastés, le jeu instrumental qu’il instille est brillant et volubile. Antonini a su transmettre en un rien de temps ses conceptions à un Orchestre de Paris plus virtuose et équilibré qu’autrefois.

Effectifs réduits (dix premiers violons dans la première partie, douze dans la seconde), cordes de velours et vents onctueux et basses charnues, la phalange parisienne a permis de découvrir dans des conditions optimales une Ouverture Olympia qui introduit une musique de scène pour la pièce éponyme de Voltaire composée en 1792 par le Bavarois Joseph Martin Kraus, né la même année que Mozart et mort quelques mois après lui, mais qui demeure quasi inconnu, du moins en France. Eclipsé par Mozart, et à l’instar de Haydn, Kraus est un parfait représentant du style allemand Sturm und Drang (Orage et Passion) qui à l’époque de l’équilibre classique fait le lien entre les excentricités du baroque et les tumultes du romantisme, autant en matière musicale que littéraire. 

Giorgio Mandolesi. Photo : (c) Orchdestre de Paris

Plus limpide et léger de texture, archets moins collés aux cordes, l’Orchestre de Paris a immédiatement mis en relief les différences entre les deux exacts contemporains, en allégeant sa trame sonore dans le Concerto pour basson KV. 191 (1774) de Mozart dont le soliste a été son premier basson, l’Italien Giorgio Mandolesi, également professeur de fagott baroque au Conservatoire de Paris, dont les chatoyances sonores et le jeu au cordeau formaient contraste avec la tenue dégingandée et burlesque sur le devant de la scène.

Sol Gabetta. Photo : (c) Orchestre de Paris

Avec la violoncelliste argentine vivant à Bâle Sol Gabetta, qui faisait cette semaine ses débuts à l’Orchestre de Paris, l’entente soliste/chef/orchestre s’est avérée parfaite. Moins couru que le premier concerto qui le précède de quelques quinze ans qui fut redécouvert en 1961, mais surtout plus technique et mélodieux, le Concerto pour violoncelle et orchestre n° 2 en ré majeur Hob. VIIb.2 op. 101 de Joseph Haydn compte parmi les grands concertos pour cet instrument, qui en compte malheureusement peu. Le jeu flamboyant de Sal Gabetta, les sonorités ouatées et charnelles de son violoncelle G.B. Guadagini de 1759, qui manque néanmoins légèrement de puissance, ont été assimilées par Antonini qui a instillé à l’Orchestre de Paris des textures aériennes laissant percer sans jamais le couvrir l’instrument soliste, qui s’est parfaitement intégré aux tutti.

C’est un Mozart âgé de 12 ans qui a conçu à Vienne la Messe solennelle en ut mineur KV. 139 dite Messe de l’Orphelinat, contemporaine des opéras la Finta giardiniera et Bastien et Bastienne. Cette œuvre est créée dans la chapelle de la Nativité de Notre-Dame sise dans un orphelinat parrainé par l’empereur Joseph II. Bien qu’il s’agisse de la première messe de Mozart, l’on y trouve déjà une maîtrise incroyable de la forme et de l’écriture, tandis que l’esprit est à la fois radieux et pathétique, qui préfigure déjà la Grande Messe de 1783 et le Requiem de 1791, qui seront composés dans la même tonalité d’ut mineur. La partition requiert un petit effectif de bois réduit à deux hautbois, les cuivres quatre trompettes et trois trombones sans cor, timbales, cordes et orgue, quatre voix solistes (soprano, mezzo-soprano, ténor et basse) et chœur mixte à quatre voix. Avec un quatuor vocal particulièrement harmonieux (Camilla Tilling, Kate Lindsey, Rainer Trost et Havard Stensvold) et un Chœur de l’Orchestre de Paris fervent, Giovanni Antonini a instillé à la fois humilité, humanité, grandeur simple et allant à cette messe s’appuyant sur l’assurance et le bonheur simple de jouer d’un Orchestre de Paris de toute évidence heureux de cette rencontre avec un chef qui devrait assurément être réinvité.


Bruno Serrou

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire