Paris, Théâtre des Champs-Elysées, mercredi 5
mars 2014
Yannick Nézet-Séguin. Photo : DR
Deux œuvres
concertantes au programme de mardi dernier, l’une célébrant le violon avec le
plus grand chant que lui ait jamais dédié un compositeur, l’autre faisant
dialoguer l’alto et le violoncelle dans un long poème homérique orchestral conçu
à partir d’un texte castillan fameux célébrant l’ardent soleil de la Mancha qui
ouvrait les commémorations parisiennes d’un compositeur né voilà cent-cinquante
ans. Deux œuvres avec instruments à cordes solistes obligés au caractère
symphonique plutôt que concertos au sens propre du terme.
Orchestre Philharmonique de Rotterdam et Yannick Nézet-Séguin. Photo : DR
Les deux
partitions présentées par l’Orchestre Philharmonique de Rotterdam et son
directeur musical Yannick Nézet-Seguin dans le cadre de leur résidence au
Théâtre des Champs-Elysées sont d’égale durée et occupent à elles seules une
moitié de concert. Le Concerto pour
violon et orchestre en ré majeur op. 61 de Beethoven court en effet sur un
peu plus de trois-quarts d’heure, à l’instar du poème symphonique Don Quichotte op. 35 de Richard Strauss.
Lisa Batiashvili. Photo : DR
C’est
partition devant les yeux que Lisa Batiashvili a interprété le chef-d’œuvre Beethoven,
à l’instar d’un Gidon Kremer pourtant trente-deux ans plus âgée qu’elle. Ce qui
est assez surprenant considérant que le répertoire concertant pour violon et
orchestre compte peu de concertos romantiques d’envergure. La violoniste
géorgienne, qui vit à Paris auprès de son époux François Leleux, a intégré une
cadence dans les deux mouvements extrêmes. L’on sait que Beethoven n’a pas
écrit de cadences pour son concerto pour violon, mais il en existe une pour
piano seul et une seconde pour piano avec timbales que le compositeur a
rédigées pour sa propre transcription pour piano et orchestre de cette même
partition. La seconde cadence a été intégrée hier au finale. Un passage du plus
bel effet, avec timbales puis avec quatre premiers pupitres des premiers
et des seconds violons. Le Larghetto
central a été abordé avec une lenteur excessive, mais sans pathos, soliste et
orchestre sollicitant plus densément l’onirisme de ce mouvement. Très belles sonorités, brillantes et
fruitées, jeu étincelant et sûr. Les sautés de cordes joués avec dextérité.
Accompagnement onctueux de l’orchestre hollandais et de son chef canadien. A
noter que la flûte était tenue par Juliette Hurel, brillante flûte solo de
Rotterdam depuis une vingtaine d’années. Fort applaudie, la violoniste s’est
abstenue de tout bis, préférant rester dans le souffle titanesque de Beethoven.
Floris Mijnders. Photo : DR
Autre
œuvre concertante, mais qui ne le dit pas expressément, le Don Quichotte de Richard Strauss pour orchestre avec violoncelle,
alto et violon solos, premier volet du diptyque Held und Welt de Richard Strauss dont la seconde partie n’est autre
que Une Vie de Héros op. 40 (1897-1898) - diptyque au
demeurant très peu proposé par les organisateurs de concert. L’écriture dense,
virtuose et l’orchestration extraordinairement foisonnante de ce trop rare
poème symphonique composé en 1897 et sous-titré « (Introduzione, Tema con Variazioni e Finale) Variations fantastiques
sur un thème à caractère chevaleresque pour grand orchestre »
construit autour d’un thème et de dix variations, conte en autant d’étapes les
aventures du chevalier à la triste figure (personnalisé par le violoncelle
solo) immortalisé par Miguel de Cervantès accompagné de son écuyer Sancho Pança
(l’alto) et du fantôme de Dulcinée (violon). La lecture de Yannick Nézet-Séguin
a été dans le caractère épique de l’œuvre, faisant briller son orchestre entier
avec d’autant plus d’allant qu’il a choisi de mettre en avant les pupitres de
cordes solistes de la phalange hollandaise, le premier violoncelliste Floris
Mijnders, la première altiste, Anne Huser, et Igor Gruppman, premier violon
super-soliste, tirant ainsi davantage que de coutume la partition de Richard
Strauss vers la fresque symphonique. Parti-pris au demeurant judicieux.
Bruno Serrou
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire