Paris, Salle Pleyel, jeudi 25 avril
2013
Leonidas Kavakos. Photo : DR
L’Orchestre de
Paris aura confirmé une fois encore son haut niveau d’excellence qu’il conforte
à chacune de ses prestations Salle Pleyel. Cette fois, sous la direction de son
directeur musical, il a brillé dans un programme qui lui permettait de
démontrer les diverses facettes de ses spécificités : la musique
française, qui est sienne, la finlandaise, dans laquelle son « patron »
excelle, et l’allemande, cœur de son répertoire.
Orchestre de Paris, une partie de la section des "vents". Photo : (c) Orchestre de Paris, DR
C’est
curieusement dans ce qui lui est atavique, les Valses nobles et sentimentales
de Maurice Ravel qu’il a le moins brillé. Ses sonorités sont en effet apparues
peu flatteuses, saturant dans les tutti
et les nuances situées entre forte et
fortissimo. Tant et si bien que les
textures se sont faites coup embrouillées, les lignes peu claires tant il a été
impossible de distinguer les voix de l’orchestration ravélienne. En revanche
les valses les plus délicates et les plus doucereuses se sont avérées
délicieusement fruitées et les nuances exquises (les cinquième valse), suscitant
une vraie jouissance auditive. Quant à l’Epilogue, il s’est éteint dans le
silence avec une sensualité et une chaleur communicatives.
Le moment le
plus attendu du public était comme souvent l’œuvre concertante. Cette fois, l’intemporel
Concerto pour violon et orchestre en ré
mineur op. 47 de Jean Sibelius, dans la partie soliste était confiée à l’époustouflant
Leonidas Kavakos, qui avait notamment enthousiasmé Pleyel en décembre dernier
dans le Concerto n° 2 de Karol
Szymanowski avec le London Symphony Orchestra et Valery Gergiev (voir http://brunoserrou.blogspot.fr/2012/12/valery-gergiev-et-le-london-symphony.html). Violoniste extraordinaire remarquable d’aisance et de dynamique, à la technique
infaillible au service d'une musicalité inouïe, imposant un plaisir des sons de
chaque instant, riche d’un nuancier infini - ahurissantes transitions entre fortissimo/forte/piano/pianissimo -, l’extraordinaire artiste grec
a suscité un silence quasi religieuse, le public ayant carrément le souffle
coupé par ce qu’il entendait et voyait. Paavo Järvi a façonné pour son soliste
un support orchestral somptueux au tissu onctueux. Les quatre cors ont été éblouissants
d’évocation et de carnation, donnant une incroyable profondeur de champs au
chant du violon. Concentré et particulièrement à l'écoute de Kavakos, l’orchestre
dans ses propres soli et tutti a déployé de merveilleuses plages d’une beauté
scintillante et une puissance impressionnante. En bis, Kavakos a donné un
mouvement lent de Sonate de Jean-Sébastien Bach.
L’Orchestre de
Paris et Paavo Järvi ont brossé une Symphonie n° 3 en fa mineur op. 90 de Johannes
Brahms jaillissante. Comme montée sur ressort, épanouie, charnelle, magnifiée
par orchestre onirique et aux graves onctueux (basses ont été renforcées, avec
neuf contrebasses, onze violoncelles, onze altos), tandis que le cor solo était
tenu par André Cazalet, qui succédait à Benoît de Barsony, cor solo en première
partie de concert, tous deux ayant il est vrai fort à faire dans les œuvres à
chacun dévolues). Tous les pupitres flamboyaient (bois et cuivres, cordes moelleuses),
Järvi, dans des tempi rigoureux mais
souples nettement dans l’esprit de Brahms, portant la partition à ébullition. Exaltant
des timbres enivrants, l’Orchestre de Paris a répondu avec enthousiasme et probité.
Visiblement
heureux de la performance de « son » orchestre, et une fois n'est pas
coutume, Paavo Järvi a offert un bis à son public. Bouclant son concert telle une coda, avec renvoi à la première parie (danses et Sibelius), le chef estonien
a porté son choix sur une Valse triste
de Sibelius comme on aimerait l’entendre plus souvent, objective mais
chantante, sans larmes ni pathos.
Bruno Serrou
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